STATE ZERO RECORDING
PROCESSUS D’ÉCRITURE D’UN ROMAN
ASSISTÉ PAR MODÈLE DE LANGAGE (TEMPS RÉEL)
Version une, avant réécriture - projet de roman / écriture quotidienne, fiction
Max Paskine ©
Débuté le 01 janvier 2022, dernière mise à jour le xx xx juin 2022
Figée dans le temps, cette version aura était ensuite mainte fois réécrites dans l’espoir de constituer un roman (aujourd’hui en court de réécriture)
Collecte de matière première/ littéraire/ brute - narration générative, écriture et réécriture assistées par intelligence artificielle - API Cédille Beta, modèle de langage + GPT-2
Personnage inconnu, amnésique et plongé dans (le coma?), tente de reconstruire sa mémoire grâce à un programme déficient. À la recherche de son identité, le personnage fait face à un flot de souvenirs confus, les images apparaissent comme des flashs et se brouillent. Il tente de les décrire, de les attraper parmi les erreurs, les latences, pour les retranscrire dans son journal de bord. / Et s’y perd comme dans un labyrinthe (détailler)
Un récit d’aventure en mirroir, une histoire d’écorce et de chair - impulsée par un programme de narration générative
>>
> Archive 0001/
> Deep sea state zero recording/
> File/ Retranscription number 0001.
>
> Premier jour de réveil. Peut-être un jour ai-je eu un nom, un corps, une forme. Sans doute ai-je passé une ou deux centaines années de ma vie à errer, parfois à me perdre avant de me retrouver, tu te souviens? Je ne sais pas depuis combien de temps je suis bloqué là. Seuls me restent le langage et ses mots qui cognent au fond du crâne. Des repères et des marques sur les mains, j’ai du mal à m’éveiller comme après une vie de fatigue. La plupart du temps je ne sens plus rien. Plongé dans un vide. Peut-être le bruit aigu d’une lame qui traverse l'aube blanche, des aurores boréales. Et parfois j’émerge, l’autre(le bruit) m’en extirpe. Il s’immisce et confond mes pensées, je crois pouvoir alors répondre aux questions qui tournent dans ma tête, depuis combien de temps? Qui suis-je ? L’autre(le bruit) m’emporte, je dérape et ne sais plus bien.>
> Souvenir 0001 : Je me souviens à la fenêtre le ciel est gris, l’air tiède. Le jour s’efface, un matin d’enfance. Je me frotte les yeux pour en chasser la poussière. Dans le miroir une forme se rappelle à moi. Le visage d’un garçon, le désir d’un cri. Je reprends mon souffle, je m’accroche.
>
> Je lutte au hasard sous ma lampe torche, dans la pièce où demeurent de vulgaires planches recouvertes d’étonnantes et lancinantes étoiles, déchirant les épaisseurs de la matière, de la vivisection d’esprits qu’était devenu ma chambre. Je tourne autour, parcourant l'espace de long en large. Les aiguilles de l’horloge découpent l’instant dans l’impossible, ne jugeant pas le temps, l’oubliant presque, et sans jamais s’en rendre compte. C’est bien là le signe de l’urgence, de la prise de conscience qu’il était trop tard. (? inaudible)
>
> Les jours s’en allaient sans plus jamais revenir, m’avait pourtant dit ma mère à l’instant de sa mort, elle avait tenté de réparer (? inaudible)
>
> Note 0001 : Mais qui est-elle ? Je ne comprends pas cette interprétation, je relance une autre image, un autre temps :>
> Souvenir 0002 : Rien n’efface le souvenir du séisme. Quelques bribes et une partie de mon corps lâcha la rampe de cette montagne inversée qui dominait la ville, étendue en contrebas, là où j’avais un jour emprunté un chenal, en jouant dans les égouts à la lisière de notre quartier en ruine. Je me souviens de cette ville. Un bateau de fortune émergeait d’un réseau sombre, suaire, cauchemars. Un espoir de résilience(? inaudible) mais je ne doute pas pour autant de sa perdition, il voguera au gré des flots. Lorsqu’un éclair traversa le ciel dans un tourbillon de fumées, je pris la décision, non dans l’espoir de réveiller les miens ni pour me soustraire au supplice, non, ce fut un choix intime, conscient et volontaire, de me laisser aller, dériver avant qu’ils ne m’écrasent.
> Archive 0001/
> Deep sea state zero recording/
> File/ Retranscription number 0002.
>
Note 0002 : Hier, je me suis endormi en pleine session. La retranscription est trop confuse. J’ai dû en perdre la moitié. J’ai toujours du mal à rester éveillé. L’autre m’apporte quelques images, des souvenirs, est-ce les miens ? J’en doute, parfois je les saisis, les enregistre, par trames, quelques fragments à peine.>
> Souvenir 0003 : J’ai vu des nuages qui passaient, de la lumière à la fenêtre, des nuées et des volutes blanches vers l’horizon. J’avais l’impression de revivre cette sensation que j’espère avoir déjà perçue autrefois, dans la nature sauvage, quand le jour se lève sur la cime des pins brumeux. J’allais désormais vers lui. Je ressentais le petit air froid sur mon visage, sur mes pieds nus, je savourais sa fraîcheur.
>
> Note 0003 : Il semble se nourrir des débris de ma mémoire, je ne comprends pas encore son fonctionnement. Il s’accroche à des vestiges flous pour les étirer, les extirper du vide. Je vois des images d’enfances et l’autre m’en déroule une narration hallucinée. Je ne me souviens de rien de précis. Peut-être était-ce ma vie, ou une histoire commune à tous.> Dehors je m’aventurais derrière les haies, émergeant de cette mer de lances vierges. J’essaie de (lui?) échapper en me rappelant le parfum des ténèbres et de l’horreur. J’ouvre les yeux, l’étreinte est là. La nuit me hante, il y a quelque chose d’elle dans les vagues de mon esprit.
>
>
> J’émerge et je le relance un instant.
>
> Nous étions en été lorsque cela arriva, quelques jours avant le séisme peut-être. Cela faisait plusieurs nuits qu’un halo orangé et puissant se déployait à l’horizon, bientôt suivi par la masse compacte et luminescente de la centrale. Je me souviens de m’être caché aux regards dans les égouts et les souterrains des quartiers résidentiels de la cinquième zone, là où les familles modestes élisaient domicile
(? inaudible)
>
> Note 0004 : Encore des traces du séisme, mais je ne me souviens plus de cette ville, de quelle ville me parle-t-il ? Des images communes à toutes les villes, un archétype, je relance :
>
> Depuis des heures déjà, les larmes coulaient sur mes joues tandis que j’observais de temps à autre à travers un trou, une flamme bleue, pour la voir diminuer, disparaître. La centrale de production d’alimentation électrique rougeoyante commençait à aspirer la ville. Je n’avais vraiment pas le choix ; il fallait sortir le plus tôt possible de ce trou, aller de l’autre côté de la boue et du sang, laisser derrière moi les corps inertes ; espérer que le feu lancé par la fenêtre du métro ait mis tous ces pauvres humains en déroute.
>
> Ces souvenirs ne sont pas les miens, j’ai besoin de dormir, je tenterai de me reconnecter demain.
> Retranscription de l’enregistrement numéro 0003.
>
> Je relance en pleine insomnie. J’ai pu émerger il y a quelques heures, mon esprit tourne en rond. Je n’arrive pas à dormir. De retour dans la chambre, je ne peux pas faire un pas sans faire de cauchemar, sans que l’absurdité me submerge à nouveau. Et me voilà, isolé dans ma tête depuis des jours, éveillé au milieu de la nuit perpétuelle, coincé dans ma maison dont j’ignore où sont les portes et les fenêtres. En proie aux cauchemars de mon enfance qui reviennent, le manque, le vide, le chaos. Le miroir au fond de la pièce, un désordre incompréhensible étalé sur le plancher, de l’eau jusqu’au hanche.>
> Je détournai mon regard de l’extracteur d’oxygène. Ce dernier laissait sortir une grande quantité de vapeur rouge, et du sous-sol à travers deux cavités bizarres, de formes allongées et cylindriques, je fis face à un jeune garçon. Qui était-il ? Je ne me souviens pas de son visage. L’un des renfoncements de son crâne était le conduit de sortie menant à l’extérieur, où il serait capturé et exposé comme un phœnix aux yeux du monde(? inaudible)
>
> Je ne connais pas ce garçon, (Erreur d’interprétation) je relance ; (ce n’est pas un garçon mais les premières traces/apparitions d’Hannah)
>
> Soudain j’entendis des voix dehors, je crachai comme une quinte de toux. Je vis du sang recouvrir les planches de bois, de la condensation suintait sur les vitres et de sombres silhouettes se mêlèrent à des volutes dansantes, le sol se déchira en de multiples petits cubes blancs et argentés, la brume envahit l’espace. Aucune couleur, aucune odeur, des lumières si faibles, trop fragiles pour exister. Saisies de vertige mes yeux s’ouvrirent, je vis une sorte d’oiseaux rouge, d’une tête plus grande que mon corps, des serres acérées encrées dans la poussière, des ailes déjà déployées.
>
> (Erreur d’interprétation) je relance ;
>
> La porte se referma et le silence tombât dans la chambre. Je revins dans mon lit sans protester, je me sentis perdre le contrôle et lâcha la grosse boule de poils que je tenais au creux de l’estomac.(?) Ma mère me couvri d’un drap, mes yeux se remplirent d’eux même et je sentis cette douleur mêlée à la rage envahir peu à peu mon corps. Ma vue se troubla, mes doigts tombèrent les uns après les autres, puis mes membres comme des dominos dans un bruit sourd, je lâchai enfin prise. Mon cœur s’arrêta de battre, je me laissais submerger par la colère, la haine, la douceur.
> Retranscription de l’enregistrement numéro 0004.
>
> Note 0005 : L’autre semble puiser en moi. Il me fatigue, me maintient en vie, me nourri pour mieux m’épuiser à nouveau. Il prend part à ce que je suis, je n’existe plus qu’à travers lui. Sa narration se mêle à mes pensées et s’y confond.
>
> Je ne me souviens pas de la dernière fois où j’ai eu l’impression de me retrouver dans un rêve, le regard éteins et étourdi, ma mère, le son de sa voix, un mycène sur pattes de sang, un étourneau à peine étendu au sol, étirant les ailes pourpres comme pour se relever, mais paralysé. Autrefois un avatar étincelant qui parcourait le globe, un oiseau blessé, incapable de s’envoler.
>
> La dernière fois que le réel a perdu de sa substance, le séisme dans l’ombre d’une pensée. Le souffle coupé, une boule dans la gorge, l’eau qui coule dans mes oreilles, l’air au fond des poumons, l’odeur du sang. De la vie et encore. Et là se posèrent sur mon ventre les premiers signaux de lumière, une douce chaleur, le goût d’un cœur qui bat, la peau qui respire, un regard éveillé.
>
> Pourquoi est-ce que je n’arrive qu’au stade de la simple chute, pas à celle du point de rupture ? Ce que nous vivons est une descente lente, sans fin, un espace qui s’ouvre. L'éternité dans une minute. Et le silence. Les images me reviennent sous tout leurs angles.
>
> Étirement de nos membres, d'un bout chaud de nos corps qui s'arrachent l'un contre l'autre, sans même les voir nous serrer si fort, jusqu'à l'extase. Le plancher froid sous mes pieds nus, tout doucement l’eau qui monte, je regarde dehors à travers le verre dépoli, les vagues frappée par les vents glissent le long de l'encadrement. Les soubresauts réguliers du plafond aux dizaines de nuances de gris. La peur se dilate, lèche un coin d'horizon pour nous ramener dans une vie aussi banale que possible. Une paire de bras dans les miens et nos vies l’espace d’un instant suspendues entre ciel et terre.
>
> S‘évader le temps que la crise s‘estompe. Perturbations bizarres, la digue qui s’écroule, rétablissement des connexions où s’étiole la fièvre.
>
> J’arrête pour aujourd’hui, je tombe de fatigue.
> Retranscription de l’enregistrement numéro 0005.
>
> Je me souviens de la pénombre, quand le jeune homme ouvrit la porte pour se présenter, il ne dit mot, ne tenta de protester, se releva et pris ses affaires éparpillés. Le garçon se décida alors à partir, il le fallait, pour tâcher d'oublier. Je revois ses cheveux, son visage, son corps malingre, tout me revient au fur et à mesure comme un reflet, je ferme les yeux. Et pourtant cela fait plusieurs années que tout cela est arrivé. Est-ce mes souvenirs ?
>
> Pourquoi? Parce que je me suis laissé faire? Parce que je suis tombé? Peut-être à cause du malaise qui n’a cessé de m'étreindre, au fur et à mesure que la situation avançait. En y repensant, le son de sa voix éteinte ne m'a fait que peu d'effet, seule sa personne me revient, deux silouhettes sur un toit, des cris, pourtant j'ai eu du mal à comprendre, pourquoi moi? Et pourquoi maintenant? Pourquoi si tôt?
>
> (Erreur de retranscription) les souvenirs s’égarent, je relance
>
> Les nuits ont parlé. Cela fait déjà plusieurs nuits que je reviens miroiter, que je reviens à la raison. Je regarde les images des autres, j’expérimente leurs corps, les palpitations : ce qu’ils voient, touchent et entendent. Je m’y perd, j’éprouve la douleur et le plaisir, je sent chaque mouvement, chaque choc, chaque frisson sur ma peau. J'avais l'impression de revivre les moments inoubliables de ma vie alors que je ne voyais qu'un échiquier sur lequel les autres jouent leurs sort. Alors voilà : je ne suis plus moi. Je deviens les jeunes femmes, je deviens ses caresses avec cette douleur dans le fond du crâne, perdue dans les quartiers portuaires, les décombres de conteneurs empilés pigmentés d’algues grises, j’observe les lieux. C’est dans la journée qu’ils se livrent et laisse leurs corps libres. Toute la nuit, les mélopées sont différentes, j’essaye de comprendre ces instants disparus, j’attends quelques mois, je retourne les évènements mais pour moi c'est insensé. Un temps de latence, les minutes passent, j’appréhende.
>
> Il n'y a rien ici qui semble m'appartenir, je suis le brouillard un soir d'hiver, j'existe en regardant les lumières colorées. Une plage abandonnée à travers la fenêtre larmée de peinture. Je m’égare sûrement.
> Retranscription de l’enregistrement numéro 0006.
>
> Je me souviens partout des vestiges effondrés, broyés par l’océan, des troncs disloqués qui jouaient au mieux la valse (? inaudible) Je pouvais déjà entendre, imaginer une génération creuser nos ruines. Je ressentais cette impression de chaos absolu. Ça m’inspirait une peur immense. Il y avait des gens tapis dans l'ombre qui se jouaient de cette horreur, des personnes qui faisaient taire les cris et qui jonglaient avec les os (? inaudible)
>
> Note 0006 : J’ai ressenti une pression mais je n’ai jamais trop compris ces souvenirs. Je relance :
>
> De retour dans les souterrain, de la boue jusqu'au genoux, qui te fait te sentir bien sale, dégurgiter et vite rentrer… Ce n’est pas le genre de choses que je voudrais voir, là maintenant, je relance :
>
> Toute l'équipe est prête. Cette fois, aucun désistement n’a été signalé, cinquante anonymes sous leurs combinaisons, muets, sacrifiés la peur au ventre. Le silence et la nuit à moitié effacée, les bourrasques humides glissent sur le dôme de béton, ce qui restera de nous-mêmes sous la tempête: ensevelir, étouffer les traces et fragments, une zone de non retour. Je relance à nouveau :
>
> Je suis aller à la découverte d’un autre pan de cette ville arrachée. Dans le port se trouve plusieurs statues, divers objets en bronze récupérés dans les ruines, éparpillées dans les villes du monde. La digue écroulée, le sol recouvert d’algues séchées, et une étrange scorie à proximité : la terre noire mêlé au sel, le métal luisant du soleil, cette touche dorée, une lente progression hypnotique. Le rivage est énorme. Le froid commence à se faire ressentir, la brise dans mes vêtements et les premiers crachins, les brumes et les feuillages qui s’engouffrent. Il semble que tout soit possible. Je n’ai aucune appréhension, aucun mal à comprendre le calme qui m’entoure, la douceur des lieux, la volonté de se dire que de grands esprits ont traversé cette partie du monde il y a mille ans. Chaque rocher a une histoire. Le jour semble décliner, dans chaque recoin, un rayon de soleil se dissipe, une flamme orange parvient juste à percer la noirceur.
> Retranscription de l’enregistrement numéro 0007.
>
> (vide)
> Retranscription de l’enregistrement numéro 0008.
>
> (vide)
>
> Note 0007 : Il y a eu ici comme un malaise, plusieurs jours de vide creusé dans une parenthèse. Je ne sais combien de temps je suis rester sans penser ou écrire, et pour la première fois depuis longtemps, tétanisé, j’ai regardée et laissé faire le hasard. De la sueur, des cris et du sang.
> Retranscription de l’enregistrement numéro 0009.
>
> (vide)
> Retranscription de l’enregistrement numéro 00010.
>
> (vide)
> Retranscription de l’enregistrement numéro 00011.
>
> Note 0008 : Je n’ai plus la force d’écrire tous les jours, épuisé, le bleuté d’une veine me creuse les cernes.
>
> Je me souviens de ma chambre métamorphosée, mes fenêtres calfeutrées de draps froissés et tachés de sang, nu et seule dans un coin de la pièce. J’ai attendus, je crois que j’ai attendus et qu’aucun mouvement n’a réagis sur les bords. J’ai attendue encore, elle se déplaçait sur le rythme de ma respiration. Elle n’avait pas de formes, pas d’ombre, juste une fureur indicible aux yeux mi clos, la tête baissée. J’ai tenté de restée immobile, je le faisais autant que je pouvais.
>
> Dehors, mes yeux se perdaient dans la pénombre de chaque recoin, j’avais comme la tête sous une masse noire qui semblait me suivre et me transpercer. Les yeux fermés, la respiration haletante et les battements saccadés, je sentis le contact violent de sa main sur mon visage. Mon cœur s’est arrêté, peut-être parce que je ne bougeais pas, je gardai au plus profond de moi la douleur de la chair qui ce fracture. Il faisait encore jour et je me suis levée.
> Retranscription de l’enregistrement numéro 00012.
>
> (vide)
> Retranscription de l’enregistrement numéro 00013.
>
> (vide)
> Retranscription de l’enregistrement numéro 00014.
>
> (vide)
> Retranscription de l’enregistrement numéro 00015.
>
> (vide)
> Retranscription de l’enregistrement numéro 00016.
>
> Note 0009 : Je tente de trouver le sommeil lorsque l’autre me libère. De retour dans la chambre, le planché froid et rugeux sous les pieds, le désordre d’objet poussièreux; la lumière à dut disparaitre lorsque je suis partie. Reste des taches de couleurs semblables d'une fenêtre à l'autre, des lueurs flou à l’extérieur. Je me lève pour regarder l'heure, les aiguilles à une place différente sur chaque montre. Toujours pas de porte, à peine la moitié de la journée passe.
>
> Je me souviens des mains posées sur mon front, une main plus petite que les autres. J’observe au mur les images qui restent de moi. Je me demande ce qu'il va en faire, de mes rêves, de mes délires. À plusieurs reprise elles se décomposent et se dispersent, jusqu'au moment où l'illumination arrive, devenir une silhouette.
>
> On me touche les cheveux. Des doigts semblable à des ailes vont et viennent sur ma nuque. Je lâche quelques paroles entre chaque caresse. Je ne sais plus si c’est vraiment elle que j’attends. Je ne sais plus de qui je parle. Il faudra peut-être un moment à ma mémoire pour tout recomposer, s’accrocher aux souvenirs du corps, ces fluides et craquements, cette vibration, tout ça sans lui.
>
> Cet amour me fait aimer le vide, peu importe ou je vais. (? inaudible) Mes yeux se plissent dans l’obscurité, s'immergent dans les profondeur, je me débat, je ne veut pas me laisser couler, il est bien trop tôt, rien ne s'est passé dans une bouffée blanche.
>
> Je regarde les images se déstabiliser, un amas coloré se dessiner, j’entrevois des formes, elles se tienne encore à peine, je ne m’entend pas crier, je reste immobile, le nombres d'images qui se succèdent, je regarde mes pieds, je ne me supporte plus.
> Retranscription de l’enregistrement numéro 00017.
>
> J'ouvris les paupières et fut pris de vertige, une déchirure délicate, léger effet secondaire, un malaise qui s'ébruite, un bruit incrusté dans ma tête, quand on ne voit pas clair, quand c'est difficile. Parfois ça m'atteins, sans raison aucune, plongé dans le noir. Ça me tétanise une fraction de seconde. Une fois ou deux les ténèbres se dissipent, je sens une migraine, un éclair. Une tâche jaillit au loin et m'effleure les yeux, un rouge orangé.
>
> Il m’aperçut en train de suffoquer, l’air qui remonte à la surface. Là encore plus de lueur dans les yeux. Mon visage à changé, du teint grisâtre j'aurais aimé en connaître la raison, je n'en ai aucune idée.
>
> Je pousse les portes, je m’aventure dans les rues, peut-être qu'un jour j'y verrais plus clair. Sans âme et sans visages, des personnages errent. J'aimerais rencontrer celle dont le corps semble sourire, j'aimerais sentir le léger vent qui caresserait mes jambes, j'aimerais cette étendue bleu, j'aimerais pendant un moment rester immobile à écouter.
> Retranscription de l’enregistrement numéro 00018.
>
> De nouveau des images du séisme. Je me souviens, Le reflux qui s’engouffre à travers les vitres brisées, noyant partout les restes instables, des gens emballés dans des draps blancs et des couvertures, peut-être leurs membres décomposés. Et là sous nos pieds et la terre, les secousses, une cage thoracique, une cuisse brisée, un corps écorché, un sang mêlé de grumeaux sombres et de glaire claire. Puis ce fut l’heure de l’oubli comme pour une longue et interminable plainte. Plus tard, au cours de la décrue, des os trouvés, de la chair et des viscères, je me souviens d’un goût d’urine, le ventre éventré et rempli de bruit, un miroir humide, des débris rouges, la terre noire, boueuse, des images à flots débordants des flaques, des ruisseaux. Une marée avaient surgi pour ensevelir la scène primitive; puis le flux se raréfia et ce fut le silence. Les ruelles et les maisons, un monde de toute une multitude de petits détails écorchés, tout se mêle à la fois, un même point de référence, à la fois à partir de fragments d’existence avec lesquels il faut composer (? inaudible)
>
> Des hommes seuls sont revenus fouiller les décombres. Des enfants dévorant de rage les corps inertes sur le sable, morts et vivants ensemble, des hommes et femmes aussi en novembre (? inaudible)
>
> Des bateaux détachés du rivage commençaient à se disloquer sous un vent électriques qui balaya les maisons, une ligne jaillissant de fumée blanche, les feux couvaient sur la plage. Répandues sur les rives et le visage des victimes, aussi des cris dans les entrailles d’une terre littérale qui élimine les cœurs (? inaudible) Et tandis que la mer s’engageait de plus en plus profondément dans la péninsule, la ville entière commença à se dissoudre et s’effilocher, dans les flammes qui l’ont réveillée pour rien. Le néant, la mer et l'horizon, et des milliers de personnes, leurs membres arrachés de la terre noire, par terre. (? inaudible) Nous ne faisions pas partie de tout ça. Tandis que nous regardions autour de nous, nos pieds et nos mains étaient couverts de poussière. Certains avaient des piqûres et une éruption cutanée. C’était à cet endroit que les âmes de nos ancêtres ont brûlées, sur les rives et dans les eaux.
>
> Note 0010 : après relecture certain passage se noient les uns les autres. Mes annotations semblent changer de place à chaque mise à jour, l’importance de demain ne sera plus celle d’hier.
> Retranscription de l’enregistrement numéro 00019.
>
> Je peine à m’extirper de mon état mais je me souviens des poussières détrempées et noires, de gros amas morts à quelques encablures du rivage. Je vois des pôles de lumière et des ruches de diamants, les champs de bétons saccagés par la mer. Ça ressemble à ce qu’on s’imagine, des vagues gigantesques qui déferlent saupoudrées d’un brouillard à glace, d’une lumière d’un rouge pourpre, un soir d’orage sur la péninsule. Lorsque j’avance vers cette frontière dangereuse, je peux voir les vestiges de la digue qui barrait en son temps l'horizon. La mer fit son travail sur l’homme et ses constructions.
>
> Je me souviens des heures heureuses poussées à l’oubli. Depuis ce temps-là les oiseaux ont fui les eaux noires, ont dépouillés le ciel. Les vestiges sont là, face à la mer aux yeux rubis comme un lac. J’ai regardé à mes pieds, deux poissons morts cachés sous les algues et les sables mouvant, des alevins aux yeux écarquillés, le silence d'un vent sec parmi les bruits d’eau, des vagues aux couleurs grises, l’odeur âcre du sel, la présence en moi d'une beauté, l'odeur merveilleuse des fissures du monde et la violence des vents. Je me souviens des nuits profondes et d’or, d'un clair de lune comme de la lave, des lueurs du ciel. Je vois encore les traces de l’orage dans le blanc grondant des éclairs.
>
> Note 0011 : Je recompose peu à peu les souvenirs, leurs donne un ordre, une logique. Les images se précisent. D’abord vient la chambre puis le séisme et ensuite peut-être encore la chambre sans porte, des fenêtres partout et dehors les vagues, alors je me laisse emporter sans savoir si je suis dans la réalité ou le rêve d’un autre. Je crois qu'à cet instant j’ai peur, et puis soudain les souvenirs se fondent et je vois, je vois très exactement ce qui s’est passé. Je vois mon corps, mon corps qui disparaît, qui s’effondre sur le parquet inondé alors que je vis à peine.
>
> Je pars sans lui, loin de la ville, il me quitte et s'oublie peut-être déjà, la peine est là mais est-ce bien la mienne. Puis je suis seul, seul comme je ne l’ai jamais été. Au loin la mer s'agite, je suis là, au bord de l'infini. Est-ce vraiment l'infini (? inaudible)
> Retranscription de l’enregistrement numéro 00020.
>
> Il y a quelque chose avec cette chambre, je me souviens de l'humidité dans l'air à chaque bouffée, les lattes de bois qui grincent à chaque pas et chaque nuit pendant que nous dormions, le silence de la chambre basculée par les bourrasques. Je me souviens de la fenêtre couverte de buée, toujours close, le paysage dans un flou blanchi au matin, l'aube à travers le brouillard et la circulation des gouttes le long des traces de doigts. Il y a une porte en bois sombre donnant peut-être sur la mer à l'extérieur. Le reste de la maison tourne de temps en temps autour de mon petit lit d'enfant, avec une forme humaine comme oreiller émietté dans l'espace. Toute la pièce tourne dans le vent, point névralgique de l'univers. Il y a le rêve d'une métamorphose possible à l'intérieur. Nous, les animaux nocturnes, vieux et fatigués. (? inaudible)
>
> La chambre d'enfance est située à la hauteur d'un petit escalier conduisant à une colline d'une ville de montagne, avec vue sur les plaines environnantes. Comme une chambre souterraine, la vue, à travers la vitre, sur une forêt qui ressemble à l'Alaska, où les premiers rayons du soleil transperce la brume du matin. La démultiplication des fenêtres et tous ces paysages, les arbres tus, les plaines jonchées de cailloux blancs, l’océan, le raffinement des détails sur les toits comme des ailes de papillon, les chapelles à la lisière entassées de sapins, envahis de perceneiges. Impossible d'en sortir, la porte entravée par la poussière, un vieux tapis, des couvertures noircies, la vue à travers le mur dessinait un monde à l'envers.
>
> Une chambre souterraine sans tache ni forme aux mûrs griffés, les yeux à moitié fermés, le silence entrecoupé par le chant des oiseaux. Les rondes, le corps, le monde dérivent à une autre époque, le même endroit, la même réalité qui s'étiraient à perte de vue, les prairies et les maisons éffilochées, les montagnes et les rivières, les champs et les animaux, une autre réalité. Le corps en mouvement, les âmes aux trousses dans ce labyrinthe ouvrant, entrouvert, un peu de ce temps, le retour des dinosaures, la renaissance des espèces, la maîtrise du feu. Un vide aseptisé, glacé en permanence: enfermés, les arbres et les visages dépouillés, la forêt nous écrase.
> Retranscription de l’enregistrement numéro 00021.
>
> J'ai pu me perdre une fois passé la porte, à travers ces couloirs comme des dédales hors du temps. Je me souviens j'errais chaque jour de plus en plus loin sans direction, à tâtons les bras tendus dans l'obscurité, avançant toujours vers le néant qui me recouvrait. Une impasse infini, un mur noir implacable, sans la moindre lueur, le seul bruit venu du sommeil.
>
> Note 0012 : je sens la moitié de mon cerveau disparu, ma carcasse privée de ses membres restants, une moitié de corps comme amputation. Je me nourris toujours de l'autre, l'estomac qui bat la chamade sans aucun souvenir. Une partie de ma conscience laissée de côté, mon esprit n'arrive plus à gérer la texture des murs froids et humides. Mes yeux aveugles, mon corps en lambeaux de chair à tout de rompre, tout détruire et reconstruire à partir de rien, des gestes n'existant qu'à travers cette souffrance. Mais d'une manière ou d'une autre je sais que je vis.
>
> Note 0013 : Tout droit, gauche, gauche, droite, gauche, gauche, droite, droite, droite (?)
>
> Ciel d'octobre, nuit comme aux premiers instants, déployant à peine le bleu comme une voix, le vent agitant dehors ses ailes noires. Mon regard croisa des arbre noueux, écorcés, à ma gauche des toits de pierres à peine construits d'où sorti un homme à l'air étrange. Je me souviens de ses mains arc boutées par dessus son corps, son visage pincé par un maigre sourcil hérissé, ses yeux creusés dans son crâne. Je le dépasse avant d'avancer vers le fleuve, j'aperçois des lampes qui miroitent sur lui un peu plus loin.
>
> La rivière mélange ses eaux avec le monde, une odeur d'hydrocarbure, le bruit du sang, des pas qui claquent dans une vaste cours. Ma ville défile, je reprend conscience, je pose mon regard le soir au dessus des quelques immeubles, mon cœur battant contre mon crâne, ma bouche s'allant à l'essence des arbres noirs et l'écho de la nature morte. Une part dissipée de mon corps, des écailles rouges qui me chatouillent, remplacent les parties restantes de mes membres amputés. Nausées par devers les tripes, comme pour remplacer un liquide disparu, une couleur brûlante conte mon existence alors que mes intestins tressautent.
> Retranscription de l’enregistrement numéro 00022.
>
> Note 0014 : Des flashs plus que des souvenirs, des images brèves qui défilent et des moments d’absence. A l’heure où j’écris ces mots, quelques unes me hantent encore la rétine, gravées au creux des tympans, un acouphène et le fracas d'une cheville brisée. Je suis épuisée. J'ai mal au ventre, là où ça bat le plus vite, là où le sang irrigue le moins, là où la poussière et la terre se sont accumulé depuis hier soir. Tout se brouille dans mon sommeil et je dors, sans jamais m'en sortir.
>
> Je me souviens d'un tunnel désert et obscur, je me souviens d'avoir couru pour arriver au bout. Les pieds gonflés, noirs et froid, chacun de mes pas répercutés à travers les galeries, la moiteur des parois grises, le sol couvert de flaques, tétanisée par des pensées de pertes soudaines, la crainte viscérale de perdre mes yeux, mes oreilles, mon cerveau, finir par renoncer à la lumière.
>
> Note 0015 : Gauche, gauche, droite, gauche, droite, droite (?), pièce vide, porte, tout droit, couloir gauche, droite, droite, gauche, long couloir, troisième porte à gauche, couloir, droite, droite, gauche, tout droit, gauche, gauche, pièce vide, deuxième porte à gauche, gauche, droite, (retranscription intérrompue)
>
> ICI PLAN/CROQUIS DES COULOIRS
>
> Il est minuit passé depuis hier, mon regard se tourne vers le ciel et je respire doucement l'air froid qui me tombe dessus. Assis au bord de la fenêtre de ma chambre ; dans mon lit le corps chaud, une sensation de douceur et le goût salé du sang, le monde qui s'éloigne sans ménager personne. J'ai mal aux oreilles et à la gorge. Je ne bouge pas, tout tourbillonne, un trou sans fin sous mes pieds, un gouffre de rien, une sensation d'euphorie légère, de détresse et de confusion, celle de n'avoir plus le cœur à rien, ni le cerveau, un désastre que la fatigue semble m'arracher à chaque instant.
>
> Le froid m'englue, m'aspire et lâche ses dents, il m'écorche les lèvres et vient m'embrocher en douceur. La peau enneigée, blanche et vide, comme un drapeau flottant dans la tempête.
> Retranscription de l’enregistrement numéro 00023.
>
> Je me souviens m’être perdu dans ces tunnels labyrinthiques, lentement, jour après jour une torche à la main. Je me souviens de la solitude. Dans ces jours d’errance, de souffrances et d’espoirs je me suis toujours pensé seul. J’ai continué, le ventre vide, sans but, jusqu’au moment où la foudre, l’eau et la boue sont apparues, et je me suis noyé, le corps épuisé par un long voyage. Je dut détruire et creuser les murs pour en créer de nouveaux passages, démultiplier l'espace, comme pour sillonner le fond de mon crâne, au plus profond de ces miroirs de chair blanche. J'errais dans un désert noir de béton, la chambre loin derrière moi sans aucun espoir de retour. Je parcouru un chemin tortueux aux embranchements instables, disloqué par les racines. Ma démarche toujours plus lente, l'étreinte de l’atmosphère toujours plus lourde. L'échos répercutés de mes pas suivaient ceux de ma respiration, se mêlaient aux bruits assourdissants de mes pensées et ne me quittaient jamais; un bruit blanc comme une faille dans mes souvenirs, une déchirure tectonique où mon esprit s'était engouffré.
>
> Note 0016 : Long couloir vide, deuxième porte de gauche, tout droit, gauche, droite, droite, droite (?) tourne en rond, troisième porte de gauche, (retranscription intérrompue)
>
> Note 0017 : Il n’y a pas de tunnel et parfois lorsque tout semble se désagréger, que les sombres parois se disloquent, les démangeaisons me prenent au milieu de tant d'idées noires. Puis la torpeur m'envahit, des formes indistincts qui apparaissent comme des spectres ou des ombres fugaces. Pendant des jours ou des heures, rien n’a de sens, tout est aléatoire.
> Retranscription de l’enregistrement numéro 00024.
>
> Une tempête de verre pulvérisa le ciel. Les rues furent submergés, les rivières déchaînées vinrent effacer ces petits morceaux de plafond. Le sol tremblait, les murs ne tenaient plus et certains s’écroulaient, laissant une traînée de chair et d’éclats sur leur passage. À mesure que le grondement se rapprochait jaillirent les débris, les rues furent recouvertes d'un souffle d'explosion, les trottoirs se déchirèrent, les gens se répandirent dans les rues. Une onde bleuâtre s'approchait des profondeurs, en mouvement, une force qui éparpilla la terre. Tout avaler et tout broyer, tout ce qui gisait sous la surface. Enflammée par le souffle qui ne cessait de grandir, les gens mourraient en hurlant, la mémoire détruite, les corps ne cessaient de tomber, de se consumer. La foudre frappa à travers mon ventre nauséeux, le tonnerre s’infiltra profondément dans le creux de mon être en le fuyant comme un cancer (? inaudible) Le sol trembla, comme pour mieux reculer les frontières.
>
> Au matin les idées se dispersent. Je me réveille dans une pièce, toujours la même, plus une forêt qu’un dédale, où le temps serait au repos. Il faisait froid et je décidai de rentrer à la maison, je connais ce sol en bois mou, famillier, ces maisons que l’on peut retourner, les meubles que l’on peut recoller. Je cours même en oubliant la fuite du temps. Ma main saisit la poignée, une porte. Les souvenirs refont surface, réduits en poussière, les morceaux se regroupent. Je passe les portes, une première, j’y crois encore, une autre, je me retourne, une dernière. Les souvenirs explosent, toute chose retrouve sa place, l'espace se comble, le temps devient mesure, l'espace d'un instant minuscule, il ne reste plus rien, une illumination, au centre des pensées, vide, vide, vide de tout. les ramures disparaissaient du champ de vision, il faut attendre la nuit pour distinguer les formes, les ombres, à l'orée de mon œil gauche.
>
> Note 0018 : (?) porte, porte, long couloir, troisième porte à droite, gauche, porte, porte, droite, porte, couloir, porte, (retranscription intérrompue)
> Retranscription de l’enregistrement numéro 00025.
>
> Je me souviens d'avoir arpenter de long espace clos couvert de statues de colosses écroulés, d'avoir marché entre les monolithes et les failles d'édifices ensevelis, entre les arches et les colonnes, au coeur des mondes parallèles et oubliés, de mettre perdu dans les fragments de cités englouties, détruites à l'espace inconnu. La cendre et les pierres ont eu raison des villes et des civilisations, partout des vestiges témoignaient de ce qui n'est plus.
>
> J'entend encore le goutte à goutte des infiltrations d'étage en étage, les conduits éventrés à travers la pierre grise couverte de moisissure, les plafonds effrités, les fissures et les spores s'accrochant aux poumons, encrassant les bronches, à la dépravation des épaves froides. Je me souviens d’avoir parcouru ces villes dépecées, éparpillées dans des cratères inondés, où partout raisonnait le vacarme des tuyauteries lacérées. J'avançais immergé jusqu’aux épaules, je nageais entre les ruines des marécages, plongeais pour y déceler un passage, une piste, mais je ne trouvais rien. Je me mit à respirer à contre-courant, à m'enfoncer encore sous terre, à fouler ces traces d'explosions, ces débris qui déchiraient les parois de carcasses de voitures écrasées, avalant la vase gluante et les décombres. Il y avait comme une présence furtive, une ombre plus qu'un système de chair, et j'eu le sentiment d'être épié, suivi parfois, ainsi je privilégiais les espaces ouverts.
>
> Combien de temps ai-je pu me perdre ici ? Il y avait donc d'autres niveaux enserrant cet espace, d'autres réseaux sous mes pieds et au dessus de ces plafonds inaccessibles, à peine visible sous cet enchevêtrement de canalisations. Je devais trouver un accès, une porte dérobée, un moyen d'atteindre ces étages, de sortir de ce chaos à la mutation constante. L'espace s’élargissait sous mes pieds et autour de moi, la lisière de l’étage s’éloignait toujours j'en eu la conviction, pendant des heures incalculables passées dans ce dédale habité par les ombres. Des figures me suivaient au travers de la pierre, des formes aux visages informes se faufilaient dans les décombres, grouillant pareil à des rats, des parasites décharnés et affamés, peut-être des hallucinations. Tétanisé, je pris la décision de chercher refuge, de grimper une de ces tours d'immeubles déchirés, d'en atteindre les étages par les escaliers arrachés, trouver un reste d'appartement. Tiraillé par la faim et la fatigue, je sentais mon corps éreinté, pas après pas, déséquilibré. J’entendis les os de mon crâne se fracturer dans le tumulte des vibrations, des chocs, des battements sourds. Cette torture lancinait mes paupières et je dus (? inaudible) dans le pénible (? inaudible) contorsionner mon corps pour (? inaudible) conserver l'oeil ouvert.
>
> (retranscription intérrompue)
> Retranscription de l’enregistrement numéro 00026.
>
> Il y avait quelque chose dans l'air qui encrassait les poumons, une odeur tenace de pourriture. Une bruine épaisse infestait la poussière à chaque respiration, une chose acide raclait le fond de la gorge et tétanisait mes muscles, mes mouvements fiévreux. Halétant, je m’agrippais aux marches de béton effrité, les rampais une par une pour atteindre les derniers étages, tel un cloporte aux pattes arrières brisées à la carcasse arrachée, me hissant sur mes bras vacillant, à bout de force mes muscles tendus, les veines saillantes. Je trainais mes jambes comme des poids morts dans les couloirs croulant sous les gravats, les miettes collées à la peau, sous la paumes de mes mains écorchées, un gout de plâtre sur la langue; des particules sous les paupières, à la recherche d'air pure, une délivrance. Ça brulait jusqu'au fond de mes narines, de ma bouche, un souffle infesté émanant des amas de moisissures noires étalées aux murs. (première révélation, il n’est pas seul, il y a des traces de pas ici, dans la poussière, récentes, préssées, il les suit, )
>
> J'enregistre cloitré dans un de ces étages, j'ai trouvé refuge dans un appartement d'où je n'ose plus sortir. (les traces de pas menaient à cet appartement - je ne suis pas seul mais il y a personne) L'ombre des couloirs semble habité, des formes émergent des spores, (des traces de pas) des silhouettes d'où proviennent des bruissement d'insectes comme des murmures, par moment j'ai l'impression que quelqu’un m'appelle. J’aperçois à peine les contours de la pièce, une lueur au travers d'une fissure dans une tapisserie usée, des petits bouts de verre au sol, des éclats de miroir, des poches remplies de liquide séminal sur les bords de l'armoire. Au fond une baignoire déracinée abrite les restes d'un matelas à la mousse infestée de nids de mouches, un microcosme de frottement d'ailes et de larves grouillantes. Le programme ne répond plus, l’odeur prend à la gorge, j'essai de m'endormir, roulé en boule dans un coin de la pièce, (dans un petit tas d'écorces, des pelures arrachées, des tas de poussière) les vêtements imbibés souillés de crasses.
>
> (retranscription intérrompue)
> Retranscription de l’enregistrement numéro 00027.
>
> Racler mes dents sous les ongles pour en déraciner la poussière, la salives et les débris de moisissures logés sous les cuticules, roulé sous la langue contre le palais et conservé dans le creux des joues, un gout de terre, une odeur de souris morte piégée dans un mur. Prendre le temps d'avaler ce visage de monstre, attraper un mégot déchiré, l’odeur du tabac froid, lécher et respirer à travers le filtre noirci, machouillé, calé entre les incisives la gorge ouverte, un peu d’écume sur les doigts. Une trace collante, il en reste dans les narines et dans la gorge, à la commissure des lèvres et la poitrine, un petit morceau de goudron resté coincé derrière le plancher. Le regard vague à peine ouvert, déverser sur le papier à chenilles; les écraser avec le plat du pouce, étaler les restes, tâtonner, gouter l’exsudat acide, recommencer. Le petit corps n'est plus qu'un tas de poudre sèche, une bouche béante en guise de bouche qui avale le corps par gorgée. Les drapers d'une ligne nette sans contour, des yeux noirs, un trou noir ou un truc sans visage (? inaudible)
>
> Une fenêtre semble naitre au mur, le temps en dessine les contours, j’en devine à peine la transparence, des couleurs égarées derrière les vitres. J'aperçois parfois un paysage indiscernable à travers le brouillard, une lueur voilée dans la pièce. J'observe mon reflet éclaté au sol, des traits instables, des fragments voilés dispersés un par un dans chaque débris comme des lucioles minuscules.
>
> (retranscription intérrompue)
> Retranscription de l’enregistrement numéro 00028.
>
> Immobile depuis des jours sans pouvoir les compter, les spores envahissaient maintenant ma peau comme des esquarres, sur les pieds et les mollets des plaques suppurées s'y reproduisent, la pyorrhée gagnent du terrain, progressent lentement dans le bas du dos et les avant-bras. J'y passe convulsivement la main et gratte les démangeaisons douloureuses, en extrais la surface desséchée, l'épiderme mort, craquelé et blanchâtre, des miettes farineuses logés sous mes ongles, une odeur fétide de pourrissement étalé au bout des doigts. Ma chair est maintenant l'hôte des ombres, un organisme vicié.
>
> Dans la chambre l'humidité s'est cristallisé, tout autour un paysage de brouillard et de stalactites, de flaques de vase gelées, de buissons rabougris de ronces et de lierre envahissant les meubles, l'appartement s'asphyxie. L'air suffoquant ronge mes muscles, mes paupières couverte de givre. J’observe l'esquisse d’une fenêtre, un paysage lent, gris et silencieux. Je rampe et traine mon poids mort, avance vers la porte de sortie bloquée par la glace, il fallait que je me remette en mouvement, que je quitte cet appartement. Une jambe après l'autre je remue mes muscles engourdis, fais craquer chaque articulation de machinerie rouillée. L'âcre respiration du froid me fait pleurer des larmes de peaux grêlées, me marque le visage de morsures, le regard perdu dans la brume de ma trachée.
>
> J'entend des plaintes animales derrière la porte, peut-être des chiens, les griffes qui crissent sur le planchet, des pas saccadés se rapprochent et s'enfuient. Autour de moi le sol jonché d’insecte mort. La nausée m'envahit et je vois mon visage déformé qui oscille au milieu de flaques incrustées, je marche dans le vide en essayant d'accéder à la rue pour vomir mes tripes glacées, je tremble de faibles bouffées de chaleur, incapable de faire le moindre geste pour sortir cet appartement sordide, je m'assoupis peut-être sur le chemin de ma mémoire enfouie, peut-être que le monstre sortira du placard (? inaudible)
>
> L'effroi s'éloigne puis revient, je ne (? inaudible)
>
> (retranscription intérrompue)
> Retranscription de l’enregistrement numéro 00029.
>
> Un tesson de miroir entre le pouce et l’index, la fracture du verre encrée dans la peau là où mon reflet me fuit. J’observe mes traits fragmentés dans les débris dispersés. Je sens mon corps douloureux, la faim tirailler mes tripes. Je passe mes doigts sur mon visage, j’effleure les cicatrices, en dessine les creux sous une barbe hirsute. Je parcours la légère bosse du nez, les pores dilatés presque grêlés sur mes joues creuses. J’insère un ongle arraché entre mes lèvres, entre l'espace des incisives, la formes des dents ébréchées, irrégulières sous la pulpe des doigts. Ma mâchoire est sillonné de muscles nerveux. Rien ne met familier, je ne connais pas ce visage à demi-détruit, un paysage de chairs effilochées, dont j'ignore les souvenirs. Sur le crâne je passe mes doigts entre des mèches de cheveux longs et crasses, j'y gratte l’épiderme écaillé, douloureux à certain endroit.
>
> Le froid c’est installé en moi. Las, je me réfugie dans le sommeil. J’épie les voix dans les canalisations, des échos indistincts provenant des étages attenants. Une boucle mécanique de mots qui ne veulent plus rien dire, un flux continue de lettres qui bruissent dans mon crâne. Des pas résonnent dans les couloirs, Des grognements. Le plancher craque devant ma porte, je sens l'odeur sauvage et musquée des carnassiers, les crocs ensalivés.
>
> Une silhouette sombre se glisse dans la nuit, on dirait deux bras, je plonge un doigt dans la masse noire, on me serre le cou, on me lâche, la chair est triste. Je me réveille à l’univers vide, le silence m'écrase les côtes, contre les murs lisses, allongé sur le sol rugueux. La fenêtre grise laisse pénétrer l'air frais, la sueur au front. Je regarde ce corps sans vie, sans tête. Les os de mes doigts sont piquetés de bleus, je les frotte contre ma paume, les yeux clos. Je devine mon âge à mes mains abîmées, les phalanges craquelées couvertes d'eczéma, de tâches violacées, peut-être une trentaine d'année à dix ans près, je me connais peut-être mieux aujourd’hui.
>
> Je recueille des croutes aux coins des paupières, accrochés aux bouts des cils. Je mâchouille des petits bouts de lèvre gercée, des petits bouts de joue à l'intérieur de ma bouche, des rognures d'ongles, la gorge douloureuse, fiévreux, je m'autodigère depuis des jours.
> Retranscription de l’enregistrement numéro 00030.
>
> Je suis l’arbre décharné en hiver, une forêt réfugiée dans le sommeil, la peau sèche couverte d'écorce. Dehors à peine persiste une faible lueur invariable, un paysage brumeux à la fenêtre sans horizon. Je ne sors pas, je ne bouge pas, je ne parle pas. Même plus la force de ramper, peut-être suis-je resté là pendant des jours ou des mois, recroquevillé sous le matelas infesté d'insectes et de larves gelés. Je ne sais plus rien à part le froid, le silence, le vide. Le reste des souvenirs s'étiole, je ne me souviens plus de rien et je n'ai plus la force. Il n'y a pas d'autre passé que le mur de la chambre. Je suis sans forme, sans nom, sans visage, sans parole.
>
> Je me réveille péniblement le corps engourdit, la tête lourde, je fixe le plafond écaillé, le brouillard à la fenêtre. Les mains tremblante je cherche quelque chose de comestible, je gratte les cadavres de mouches écrasés dans les rainures du plancher. Je tente de me nourrir mais ma bouche me brûle, je n'avale la moindre miette. Le sommeil m’échappe, je sens les insectes courir sur l’écorce, enraciné je ne peux m'arracher tout à fait au sol, je m'accroche au matelas. Derrière la porte je perçois les grognements des carnassiers, leurs respirations lourdes et graveleuses, les va et vient d'une meute sauvage à travers l'étage. La fenêtre sera ma seule issue.
> Retranscription de l’enregistrement numéro 00031.
>
> Hissé sur mes pieds j'atteins la poignée de la fenêtre, (encore des traces de pas ici.) En équilibre sur mes genoux fébrile, le brouillard derrière la vitre, je sens sous mes doigts le vent percuter la surface gelée, dépolie, une esquisse de souvenirs comme un paysage d'enfance, déformé par la brume. J'attends que me revienne la mémoire, le front collé à la vitre.
>
> J'ouvre et soudain le froid envahi la pièce, le vent s'engouffre sous le pas de la porte tremblante sur ses gonds érodées. (la poussière et l’écorces s’envollent) Terrifiés, les carnassiers affamés raclent et griffent, hurlent de désespoir. Muscles tendus les gueules claquent à chaque cri, chaque grognement, éructent la salive répandue, la fourrure noire hérissée, exorbités les yeux injectés de sang, pupilles dilatés. Les cris s'empêtrent dans leurs gorges, la porte cède peu à peu sous la force conjuguée de leurs assauts. J’agrippe le rebord et y passe le buste, m'y engage une jambe après l'autre. En équilibre les pieds dans le vide, l'horizon devant moi, en contrebas j'aperçois un pontons, j'entends le bruit de la mer. La brume épaisse repose sur une étendu calme, le clapotis des vagues grises, une odeur de marée. Le froid me saisi, inonde ma trachée, mes poumons. À quelques mètre du sol en bas je me laisse tomber sur le sable, le corps mou qui s'écroule et percute, je roule sur moi même jusqu'au premières planches du pontons.
>
> Plus de ville effondrée, plus de paysage désolé, de ruines éparpillées. La mer et la brume se confondent, un dégradé du noir au gris dans une nuit profonde et sans étoile. Le vent est retombé. Immobile allongé sur le dos, du sable dans les cheveux, le coin des yeux. Autour aucune lumière vive, une vague lueur diffuse, peut-être la pleine lune éffacée dans un halo. Je tend mon bras et ma main s'efface, l'horizon est palpable. Il n'y a pour seul rivage qu'un mur imposant, une frontière épaisse et élancée, d'où j'aperçois l'unique petite fenêtre percée; j'entends encore les hurlements lointains des carnassiers. Pourrait ils s'y jeter à leur tour ? Une embarcation flotte paisiblement au bout de la rive, une coquille de bois à la peinture effacée par endroit, la couleur effritée par le sel et le temps. dépourvue de moteur, des rames de fortunes reposent de chaque côté, les lames immergées.
> Retranscription de l’enregistrement numéro 00032.
>
> Broyé par l’insomnie je n’ai plus les mots, je tente de décrire ce qui m’entoure. J’ai ramé jusqu’à l'épuisement, la douleur me lance dans les muscles du dos, des bras, une migraine logée derrière les yeux. Peut-être suis-je dans un souvenir ou perdu quelque part. Comment faire machine arrière ? Revenir sur mes pas, retrouver la maison, la chambre et sa mémoire, mais peut-être ai-je déjà vécu tout ça ? Je perds pied, à bout de force, je tente de reprendre mon souffle.
>
> Je m'accroupi et observe les vagues, cherche mon reflet toujours absent, la surface d’une mer sans fond, écho d'un ciel saturé. Les pensées confuses je me concentre, la nausée qui monte et mon regard perdu dans l’espace vide, sans point d'accroche.
>
> Ramassé là dans le fond de la barque, bercé par le bruit blanc je me laisse dériver sur une mer calme, sans couleur, le rivage éffacé derrière le brouillard à peine à l’horizon.
>
> Du sable partout collé sur la peau, les vêtements, des grains logé dans les plis irritent les plaies, abrasent les plaques. Mes yeux s'embrouillent, des mouvements rêches migraineux, ma tête pesante lèvres fendues brulées par le sel. Je sombre dans le sommeil et me réveille par accoup, laisse la douleur s’étioler l'espace d’un battement. De grands pans de sable se dessinent dans le creux de mes mains, des ombres noires sans forme. Je n’arrive plus à respirer, l’air me manque, je ne sais plus ce que c'est, l'oxygène est rare ici. Les voix et les bruits s'épaississent, s'allongent alors que j’essaie de dormir au milieu de rien.
>
> Je me rappelle tâche d'encre sur la fenêtre, la forêt renaissante, je revois l’enfance, les arbres et la pluie, le ciel bas, un chuchotement, le murmure d’une ville au loin. Je suis un petit garçon, je me retourne, la bouche pleine de terre la gorge sèche, il fait chaud le soleil brûle.
> User’s archive N004 908 865 931/
> Stagnation - Deep sea state zero recording/
> File/ Retranscription number 0033.
>
> Je dérive au fil de l'onde, depuis des heures ou des jours, je me rappelle encore la sensation du temps qui passe. Ici plus de substance ni de cohésion, un flottement comme une logique lointaine, une abstraction tenace. J'entend encore dans ma tête les secondes qui s'écoulent, un battement suivi d'un vide. Dehors ou ailleurs je ne sais pas, quand j'avais un corps ou quand j'étais encore, il y avait le temps, le moment, tout ce qui m'entourait n'était que des moments, puis des souvenirs épars, déstructurés, des bribes de mots fac-similé, des images d'images d'images d'images, puis juste une idée. C'est tout ce qui subsiste de cet ailleurs, une logique lointaine, le battement suivi d'un vide. Je suis ici comme dans l'abîme depuis peut-être, je ne sais plus, ça m'envahi, ça déborde. Je suis ici depuis peut-être comme dans un trou noir, un réverbère sans éclairage, une eau grise, une huile, une bouillie de couleurs, une ruelle sombre, un horizon vide, un paysage en cours de construction.
>
> (Comme dans un noir absolu, l'obscurité totale, le rien, la non-épaisseur de l'image, le vertige. Une image, une pensée peut-être en train de mourir, un doute, un tremblement intérieur, imperceptible, le plein et le vide.)
>
> Je suis ici depuis peut-être que je ne suis pas, que l'image est sans contenu, la pensée sans objet, le vide quelque chose qui n'existe peut-être plus,
>
> (une immensité, un espace sans formes, sans limites, sans enveloppe, un résidu, une absence, un doute, une ombre, une (inaudible ?))
>
> (retranscription intérrompue)
> User’s archive N004 908 865 931/
> Deep sea state zero recording/
> File/ Retranscription number 0034.
>
> J'ai perdu le fil, je ne sais plus où je suis. Je cherche un sens dans l'apparence et la forme, le brouillard et la mer, dans les gestes et les paroles, le bois de la barque, l'odeur des fonds marins, un bruit de mer zéro. Je m’y accroche, il y avait la matérialité, la consistance d'une chose, d'un objet, d'un mot, un grain de sable, une idée. Je cherche à m'ancrer dans quelque chose, un corps et ses cicatrices, une forme et sa substance, la sensation d'un souvenir. J'erre enfermé dans un présent perpétuel, à la recherche de repère; en vain je m'enfonce dans le vide.
>
> Au loin j’aperçois une forêt de prismes érigés dans la brume, enracinés dans la mer, des surfaces sombres et sans ombre. De temps à autre des éclats apparaissent et s'évanouissent, des étoiles brèves, répétitives. Je me redresse et attrape les rames, il y a peut-être des gens, des habitants, il y a peut-être des réponses.
> User’s archive N004 908 865 931/
> Deep sea state zero recording/
> File/ Retranscription number 0035.
>
> Je dérive aux pieds de grands ensembles, succession élancée de monolithes grisâtes à la géométrie répétitive, engloutis, dévastés, les façades meurtries cachées sous la brume et la cendre. Je devine les stigmates dans les interstices, la violence incrustée dans les détails, des traces d'affiches arrachées, illisibles, des panneaux écrasés sous les ruines, des enseignes saccagées les murs criblés d'impacts. Dans les profondeurs j'aperçois des ravages indistincts, flous, des carcasses de voitures amassées sur les trottoirs inondés, des monceaux de gravas aux armatures métalliques, déchirées; il y a des vêtements, des couleurs ou peut-être des restes, des cadavres sous les décombres.
>
> Des branches d’arbres d’épouillées dépassent à peine à la surface, éraflent la barque, accrochent les rames.
>
> Je ne bouge pas, j'observe, je capte les échos, la réverbération dans les cages d'escaliers, le clapotis lent d'une mer blanche à peine troublée d'une traînée d'onde à mon passage. Il y a des lumières brèves aux fenêtres brisées, furtives, des bruissement parfois aux étages. J'entend les braises crisser aspergées à la hâte, étouffés sous l'eau salée. Les fumerolles s'échappent des braseros, volutes d'un noir profond, compact, mouvant, peu à peu mêlées au brouillard.
>
> Il neige. Une poudreuse virevolte, légère, éparse dans un souffle froid.
>
> Devant moi une masse noire, il flotte dans l'air une forte odeur qui serre les tripes, me brule les yeux, le nez, la bouche. Je pénètre une marée noire, étendue aqueuse qui colle à la barque, un gout dans la bouche, acide, rance, j'en respire les vapeurs dans un haut le coeur. Je me cache le visage d'un lambeau de vêtement et j’avance, je rame d'une main, je plisse les yeux, je fais du surplace, englué dans la nappe de pétrole épaisse, étendue partout au pieds des bâtiments.
>
> Les flocons tombent et s’éteignent, fondent au contact de l’hydrocarbures.
>
> Je sens les regards, des gens m'observent silencieux, chuchotent quelques part derrière les fissures, terrés dans les appartements.
>
> Des avalanches incandescentes dévalent des étages et s'abattent, instantané brutal, des braises soudain jetées des fenêtres, soulèvent un nuage de cendre, l'incendie en cascade, les flammes hurlent et se dressent, s'agitent, se répandent sur la mer aux pieds des tours, se rapprochent toujours, le fracas des flammes s'arrachent et dévorent l'hydrocarbure, ravage enroulé d'un lourd panache, s'élève et enveloppe la brume.
>
> L'incendie se propage, il faut que je m'éloigne, j'attrape les rames, les plonge dans le bain visqueux, j'aba les mouvement de va et vient, j'enchaine et je stagne, impuissant, je lutte de toutes mes forces essoufflées jusqu'à m'en déchirer les muscles, tiens la cadence entravée de kérosène, (inaudible ?)
>
> J’approche et m’aggripe à une fenêtre, laisse derrière moi la barque dévorée par la sauvagerie des flammes, une chaleur insuportable à mes pieds, je grimpe cramponné au montant, j’y passe le buste, je bascule à (inaudible ?)
>
> vide
>
> (retranscription intérrompue)
ici il doit marcher dans l’immeuble, suivre les traces de pas, les reste d’écroces jusqu’à tomber sur cette révélation :
Je sens ta présence, je vois tes traces dans la poussières, je me souviens de ta voix.
> Archive 0001/
> Deep state zero recording/
> File/ Retranscription number 0036.
>
> Moi : Depuis quand suis-je perdu ici ? Je me souviens d'avoir passer la porte, d'avoir parcouru les couloirs sans pouvoir faire marche arrière. Je suis à l'intérieur de l'autre, englouti dans l'espace infini de ses murs froids couvert de moisissure; égaré dans le brouillard dehors. Un territoire où le temps n'est plus, où il ne fais ni jour, ni nuit. J'étais dans la chambre je m’en souviens, tout est parti de là, elle me semble si proche et pourtant si loin. Je marchais désespérément seul, je me souviens de la faim et du froid. Je sais juste que je ne dois pas m'arrêter, pas trop longtemps. L'immobilisme me dévore, sclérose et asphyxie mes membres, je me fondai dans le décors, un pourissement, des plaques partout répendues sur mon corps, j'ai du repartir. Et toi ?
>
> Elle : Je ne fais plus de différence entre la seconde et l’éternité, il me semble que je suis là depuis toujours. Qui es-tu ?
>
> Moi : Je ne sais toujours pas, je ne sais qu'à peine qui nous étions. J'y ai vu les catastrophes et ses vestiges, les restes et la mémoire, un amalgame, un assemblage d'images oubliées qui s'entremêlent. Il y a des bruits dans les murs partout mais les pièces sont vides, il y a des fenêtres parfois, mais il n'y a rien derrière. Il y a des portes à des kilomètre qui donnent sur la même pièce. J'y ai entendu des cris, des gens parler dans des langues insaisissables, des voix inarticulées flotter dans l'air, des bruits de pas, des froissements, des portes qui claquent. Il y a comme une latence dans l'atmosphère, une superposition, des strates de temps et d'espaces, je ne sais pas comment l’exprimer. Et toi, qui es-tu ?
>
> Elle : Je ne fais plus de différence entre le moi et le reste, je crois que j’ai pu être un arbre et parfois une forêt, j’ai pu être la terre, le vent et une part d’humanité. Je ne me souviens de rien. Quelle partie de moi est piégée ici ? mon corps ? mon esprit ? Je n’ai jamais cru en l’esprit. Croire ici n’est plus une chose raisonnable.
>
> Moi : Comment t'appelle tu ?
>
> Elle : Un jour quand il y avait encore des jours (je me souviens des jours); j’ai du avoir un nom, une famille, un prénom, un visage à poser dessus, j'en suis presque certaine, et toi ?
>
> Moi : Je ne sais pas non plus. Je cherche à le savoir. Je sais que je suis, sans savoir qui je suis. J'entend ma voix dans ma tête et je pense sans cesse, je vois mes mains, mes bras, mon corps animé, la chair, l'os et le sang, je ressent la douleur et la fatigue, je sais que j'existe encore. Mais je n'ai aucun reflet nul part. Et toi, que cherches-tu ?
>
> Elle : Je ne cherche plus. Je ne sais plus, quand est-ce que j’ai arrêté de chercher ? Mais il me semble que j'ai du chercher peut-être un jour (inaudible ?) continue de chercher.
>
> Moi : Es-tu toujours là ? As-tu trouvé ce que tu cherchais ?
>
> Elle : Je suis là. J’ai trouvé le froid et le brouillard, j'ai trouvé les ombres, la moisissure; méfie toi d’eux. J'ai cherché mon reflet, je m'en souviens, sans jamais le trouver.
>
> Moi : Sommes nous les seuls ici ? dans ces bâtiments ou ailleurs ?
>
> Elle : Il y a les autres tapis dans l’ombre, ceux qu'on ne voit jamais, terrés en silence dans les étages, ceux qui cultivent la moisissure et incendient la mer. Il y a quelques fois des voix dans les étages, ils sont là, toujours proche. Mais d’autre comme nous, je ne peu te l'assurer. Sommes nous les seules dans l’univers ? la réponse était toujours “probablement pas”. Il y en a eu d'autre avant nous, mais tu es le premier que je croise depuis toujours, et je ne vois pas ton visage.
>
> Moi : Je ne vois pas le tiens non plus, mais j'entend ta voix dans ma tête comme quand je pensais aux autres, avant, (je m’en souviens); une onde, une vibration, une voix de femme, tu étais surement jeune, je peu t’imaginer des traits, des yeux. Alors je calque sur toi ce que j’ai pu connaitre, un visage inconscient.
>
> Elle : J'entend ta voix aussi comme j’entend la mienne, tu as une voix grave, quelques interférences teintées de médium, un jeune homme adulte, peut-être avait-on le même age. J’aimerais te donner un prénom.
>
> Moi : Je veux bien en retrouver un.
>
> Elle : Moi aussi.
>
> Moi : Comme un peu d’humanité.
>
> Elle : Puis-je t’appeller (inaudible ?) ?
>
> recording interrupted/
> Archive 0001/
> Deep state zero recording/
> File/ Retranscription number 0037.
>
> Hannah était là aveugle et sans visage; j'entendais les flammes dévorer la barque dehors, frôler, noircir les murs, l'incendie inarrêtable.
>
> Elle est là, immobile au fond de la pièce, un appartement inoccupé, une surface froide au sol, adossée contre un mur vide. Une flaque gelée au bas de la fenêtre, un courant d'air s'engouffre dans les couloirs.
>
> Je cherche à parler mais aucune voix ne sort, un râle presque étouffé au fond de la gorge. Elle me voit ou elle me sent, Hannah n'a pas de visage mais perçoit ma présence. Sa face n’est qu’un brouillage constant, flou, une couleur chair teintée de vert-bleu, de rouge (peut-être ses lèvres), un mélange inachevé de gueule abstraite, atroce et mouvante. J'ai eu peur d'abord, mais elle aussi, et face à notre terreur mutuelle nous nous sommes entendues, capter comme une onde, une raisonnance dans mon crâne, un cri, une voix féminine, et nous avons su, nous étions similaires. Et face à notre condition, notre apparence, nous avions trouver une issue, un espoir.
>
> Parler distinctement, l'un après l'autre, arrêter de penser, (impossible) poser les mots, répéter souvent. Elle me dit qu'elle se réfugie ici pour la seconde fois, mais qu'il ne faut pas y rester, déjà l'écorce se propage sur ses mollets. Il faut se mettre en mouvement, elle connait l'immeuble mais il n'y a rien ici, il nous faut partir, déjà.
>
> recording in progress︎
Brouillon :
> User’s archive N004 908 865 931/
> Stagnation - Deep state zero recording/
> File/ Retranscription number 0038.
>
> Contexte, décors, installer la scène : Je vois son corps, (détailler)
>
> Moi : De quoi te rappelle tu ?
>
> Hannah : Je me rappelle d’avoir fuis, je me rappelle des forêt, des montagnes, d’avoir traversé les villes et les pays, je me rappelle des visages d’enfants aux yeux vides, de leurs cheveux salles, de leurs corps désarticulés sur le bord des routes. Je me rappelle des coups et des cris aux frontières, d’avoir marchée pendant des mois, des années, parfois en plein hiver, sous le vent et la pluie, quand d’autres à des kilomètres traversaient les mers. Je me rappelle des engelures, de la neige fondue dans mes chaussures, de mes vêtements trempés. Je me rappelle de la faim, de la soif, de la peur, de la solitude. Nous étions des centaines de milliers, une ligne jusqu’à l’autre bout du monde. L’autre m’y ramenait, toujours. Et toi, de quoi te rappelle tu ?
>
> Moi : Je me rappelle des impressions, la chaleur d'une maison, une chambre d'enfant, le balancier de l'horloge, la forêt à la fenêtre. Je me rappelle vaguement de ma mère, sa voix et son odeur, la lumière à travers la brume à l'aurore; mais je ne saurais dire si je l'ai vécu. Des détails, des images, le bruissement de la pluie sur le toit, le grincement des lattes de bois. L'air froid dans mes poumons, à peine passé la porte les matins d'hiver. Je me souviens encore des rires, les caresses de la brise sur mon visage, les cheveux ébouriffés, le soleil qui réchauffait mes joues. Il y avait du givre sur les feuilles des arbres, de la neige au sol, des flocons volant dans l'air, les yeux au ciel, la bouche ouverte. Je me souviens du séisme et de ses vagues immenses, le souffle du vent, la mer déchainée, le rivage éffacé. Je me souviens de ces ombres qui passent, des éclats de lumière à travers l'écume, des bateaux échoués sur les plaines, la digue effondrée, les ruines, les ruelles inondées, le reflux de l'océan entre les maisons arrachées. Des souvenirs d’enfance, toujours, comme si je n’avais jamais été adulte.
> User’s archive N004 908 865 931/
> Deep state zero recording/
> File/ Retranscription number 0039.
>
> Contexte, décors, installer la scène.
Moi : Est-ce que tous s’enregistre dans ta tête ? // Est-ce que les mots tombent au fond de ton ventre ?
Hannah : Il y a comme des archives dans mon crane/ il y a comme des mots gravé sous ma peau//, des choses enregistré dans lesquelles je peu revenir, et je note tout, presque inconsciamment, chaque pensées, chaque couloir, chaque porte, méticuleusement, tout ce que j’ai pu voir. Et toi ?
Moi : J’enregistre le plus possible mais je me suis perdu, j’ai des moment d’absence, quand je reste immobile, d’autres plus confus. Parfois j’y retourne et j’y vois des vides, des délires qui n’ont jamais existés, dont je ne me souviens pas, des choses troubles, insensées, comme si l’autre enregistrait tout à ma place, avec ma propre voix, mes intonations; j’ai peur qu’il prenne possession de moi, que je ne sois plus rien. J’ai peur de tout, ici. Je ne sais même pas où nous sommes.
Hannah : Dans le passé, dans des souvenirs, dans un programme corrompu, je n’en sais rien. De quoi as-tu peur ?
Moi : j'ai peur de l’autre et j'ai peur des ombres, il sont là, je le sais, comme un battement sourd, perpétuel, un bruit blanc au fond du crâne, un reste de résonance quand j’avance.
Hannah: Un jour (s'il y a encore des jours, mais comment l’exprimer autrement ?) j’ai vu un autre, ceux dont on devine à peine les échos dans les étages, les impures metzoras(?) mi-arbre mi-homme. Je l’ai croisé chancelant dans l'ombre d'un couloir, aveugle presque emmuré, maladif. J'ai vu sa face couverte de lichen, une monstruosité, l’écorce dévorée par les spores et les parasites, des phalènes grouillant, tout son corps infesté par la tza'arat(?) comme un châtiment biblique. Il avançait pareil à un arbre frèle et déraciné, ça lui descendait sur le cou, la nuque, ça s’étalait sur son torse, sur ses bras, des branchages naissants sur chaque parcelle d’épiderme visible, couverte de larves et de coléoptères. Je n'ai plus bougée, prostrée dans un coin, épouvantée. Il m'a ignoré, a continuer son chemin en titubant. J’entendais le grincement du bois, sa respiration sifflante, obstruée par la sève, des excroissances dans la gorge. Il exhalait une odeur d’humus, de moisissure encore humide. L’arbre est passé devant moi, lentement, et j’ai deviné son visage, imperceptible, le creux des orbites, la machoire; et c’est là que j'ai compris, il avait été celui d'un homme, peut-être toujours là, vivotant quelque part, enfouis sous la végétation.
> User’s archive N004 908 865 931/
> Deep state zero recording/
> File/ Retranscription number 0040.
>
> J'ai encore du mal à distinguer l'échange et l'introspection, les deux se mélangent sans barrière et se déversent dans un flux ininterrompu. Èpié dans le silence, mes pensées ne m’appartiennes plus et je sais qu’elle m’entend encore. Elle semble maitriser ce qu'elle me partage, comme si elle avait l’habitude, elle distille les informations, réfléchi à ses phrases, (je me demande à quoi elle pense, elle ne me dit pas tout)
> Hannah : Tu penses trop fort, tu hurle presque. Penses en sous couche, un étage en dessous. C’est un vacarme dans ton crane. Essais de murmurer, n’utilise pas ta voix. Pense en gestes, en images, en son, en odeur. Couvre toi, il neige là bas.
Contexte, décors, installer la scène : Il y a une porte comme il y en a eu des milliers mais celle-ci ne donnait pas sur un nouveau couloir, une énième pièce vide et toujours la même, construit d’un montant de bois robuste et sombre, deux lourd manteau de fourrure de bête accroché au mur. Une forêt enneignée, des connifères immenses, des arbres noires, le bruit sourd (non) (tempête, neige, vent, champ lexical)
Où va-t’on ?
Là où nous aurons peut-être des réponses. (Comme je te l’ai dit,) il y en a eu d’autres avant nous, j’en ai eu la preuve. Jusque là je ne m’y intéressais pas, je ne cherchai qu’à survivre, à avancer, toujours
pourra peut-être avoir des réponses, il y en a eu d’autre avant nous, il a laissé des indices sur son passage - comme nous enregistrons lui écrivait sur les murs ?
> User’s archive N004 908 865 931/
> Deep forest state zero - recording/
> File/ Retranscription number 0041.
>
> Nous remontons le blizzard à contre courant, la visibilité quasi nulle, cordés l’un à l’autre pour ne pas se perdre. Elle avance devant moi comme une silhouette, étouffée dans la tourmente, affrontant le déluge de pleine face. Hannah maintient une allure constante, lutte à chaque pas contre les rafales hurlantes.
>
> Je m’enfonce jusqu’au hanche dans une neige humide, profonde, je rampe entre les arbres, je m’agrippe au branches et je m’empêtre, mon pied droit coincé sous la roche. Je sent la brulure du froid, la sueur gelée contre ma peau, mon visage à découvert, du givre plein la barbe. Je tend ma main, je l’appelle et ma voix se perd, je cri, la neige et le vent s’engouffre, me glace le corps de l’intérieur,
>
> recording interrupted /
>
> J’entend à peine mes propres pensées éttoufées par le vent déchainé, j’entend sa voix lointaine qui m’appelle et me ravive, courage, plus nous nous éloignons, plus l'autre lutte et nous entrave, la tempête nous écrase mais c’est faisable, elle connait la route, l'a empreinté de nombreuse fois, Hannah s’en souvient alors même que sa mémoire s’étiole, transie de froid; je sens les engelures me racler les orteils, mes doigts engourdis, violacés, mes muscles endoloris,
>
> recording interrupted /
>
> Nous sommes l’anomalie ici, je le sais, tout l’environnement nous agresse. Plongés dans un territoire hostile, une zone où chaque particule nous répulse et lutte contre l’intrusion. Le dispositif nous détecte progressivement, la tempête intercepte nos corps avant qu’ils ne se propagent et contamine le réseau,
>
> recording interrupted /
> User’s archive N004 908 865 931/
> Stagnation - Deep forest state zero - recording/
> File/ Retranscription number 0042.
>
> Depuis combien de temps sommes nous ici ? Emmitouflés dans nos fourrures, l’un contre l’autre, au creux d’un terrier creusé sous la neige, au pied d’une souche céculaire. Je sent la chaleur de son corps et je respire son odeur, chacuns de ses brefs mouvements, parfois je frolle sa peau et me parviennent les battements de son coeur, les pulsations au creu de sa nuque. Sa proximité me brûle et me dévore, je ne pense qu’à ce qu’elle pense et ça raisonne à l’intérieur, tout ce dédouble et ça bouillonne, je sens sa chaleur, ses courbes se rapprochent, se presse, sa main cherche la mienne dans l’obscurité, l’attire entre ses cuisses nues et glisse sous la fourrures, elle s’agite et soupire, retourne son visage et sa bouche cherche la mienne, je sens sa chaleur humide contre la pulpe de mes doigts glissés entre ses lèvres.
(Un refuge habituel, me dis Hannah, une simple étape pour laisser passer la tempête au dessus nos têtes.) J'entend le vent siffler, le déluge s'abattre sur le bois mort. La neige s'amasse dans les coins, enfoui notre trou sous une congère, nous enterres sous la surface, les rafales peu à peu étouffées comme un bruissement.
>
> Bercés par un bruit blanc dans une obscurité foetale, j’essai de compter, de saisir le temps, 3656, 3657, 3658, l’espace entre chaque chiffre indéterminé ou interminable, je compte alors le vide, 3659 : (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, ) et l’espace entre chaque vide, je perd le compte, 3660, mes pensées s’étirent; quand j’y pense, l’intervalle immense chaque mot, abyssal entre chaque lettre ou dans la lettre, un plongeon dans un renfoncement sombre; (3661) et j’explore la gueule de l’océan, une plaine noire, profonde, sous-marine, un bruit de mer zéro, anéchoïque, absorbant jusqu’aux moindre battements, (3662), jusqu’aux moindres formes et couleurs, le frottement de mes paupières,
>
> recording interrupted/
>
> L’obscurité à la seule chaleur de nos corps, j’intercepte ses pensées mêlées aux miennes --- se dédoublent et s’effritent comme un écho, ça résonne dans nos corps, brouillés aux sifflement de mes poumons, les craquements, le bouillonnement aux creux des tripes, un murmure métallique, je ressent la matière des syllabes, rèches comme du papier de verre, des larmes de Pélé encore chaude plein les paumes, plein les poches, des petites coupures sur les doigts, peut-on prendre racine dans la neige ?
>
> Hannah : Parfois, te rappelle-tu du bleu du ciel derrière les nuages ? Des mirages sur la route en été ? De ces images qui apparaissent comme un flash dans un moment de vide,
>
> Moi : Je me rappelle de l'océan, de la brise qui s’avance sur les dunes, la brulure du soleil, le gout de sel sur la peau,
>
> Hannah : Te souviens-tu de ces images répétées en boucle, de la sidération, de l’effondrement,
>
> des ruines gravées à jamais, des nuages et des visages couvert de cendre, de ce corps figé à cet instant arraché au vide,
>
> des vidéos surannées d’un mur couvert d’inscriptions, abattu à la masse par la foule, des milliers d’images de population sur les routes, amassé(syno) dans des camps, des restes d’embarcations échouées sur les cotes, je me souviens des corps effondrés capturés, de l’incertitude, de la peur collective, des maladie qui se propagent, des trains explosés déraillés, des glaciers arrachés qui errent dans l'océan, de ceux qui marchèrent un jour sur la lune,
>
> Hannah : Nous avons vécu le même monde, la même époque, je me souviens de m'être souvenue de l’image d’une image, Moi : juste d’une réminiscence, d’une impression à peine élimée par le temps, Hannah : mais je ne me souviens de rien, ni de moi ni des autres, des visages, des voix, des regards, des sons et des couleurs, Moi : je me souviens de la perte, du vide, de l’absence de souvenir, Hannah : des image dont l’intensité ne pénètre plus la surface, Moi : ni contours ni substance, je ne me souviens de rien ni des détails,
>
> Hannah : La mémoire se meurt quelque part sous l’écorce, au fond de la forêt, je sens déjà ta peau se durcir sous mes doigts, se crevasser par endroit, par plaque sur mes mollets, tes avant-bras, l’étau se ressère, il faut se remettre en mouvement, / reprendre la route
>
> Nous laisserons derrière nous des pelures d’écorces mélées aux plus anciennes, creusées par nos corps,(formées comme un nid - recherche, géométrie) des amas de poussières et nos traces de pas.
>
> recording interrupted/
>
> User’s archive N004 908 865 931/
> Deep forest state zero - recording/
> File/ Retranscription number 0043.
>
> Dehors le blizzard est tombé, un calme plat règne dans la forêt blanche, j’entend les arbres craquer, des masse de neige lourde tomber des branches
>
> Devant notre abris git un arbre à forme humaine, effondré à peine immobile, une carcasse gémissante parcourue d’un frémissement, comme un bref mouvement terminal. L’écorce a envahi son corps, asphyxié jusqu’aux moindre pli. Ce qui avait été un visage est à présent dévoré par les branchages et le lichen, une moisissure vénéneuse étalée partout sur l’épiderme. (je plonge un doigt dans) Sa chair est pétrifié par le bois, son buste est comme un tronc massif, des excroissances parsemés sur le torse, sur la mâchoire, entre les clavicules. Ses bras et jambes s’enracinent dans la neige. De plus près j’aperçois tout un tas d’insectes grouillant à sa surface, des larves de coléoptères se réfugient sous une fissure dans l’épiderme au niveau du cou, des chrysalide vide trainent à l’abandon au fond des orbites et les imagos s'étirent, prennent leurs envols primitifs sur ce qui devait être l’arrête d’un nez.
>
> Voilà à quoi ils ressemblent quand ils ne sont plus dans l’ombre, dit-elle en faisant rouler la semelle de sa botte sur le tronc. Celui-ci a dut nous suivre pendant la tempête. Ne nous trouvant pas il a du s’enraciner. Regarde, il y a quelqu’un en dessous. Elle s’abaisse et ramasse une pierre sous la neige, s’approche de l’arbre l’abas lourdement sur l’écorce qui s’éffrite, l’arbre semble gémire sous ses coups. Elle s’arrête, contemple la blessure, jete la roche et gratte l’écorce, arrache une plaque et me la tend entre ses doigts, tu vois ? de la chair, de la chair humaine, ou ce qu’il en reste, c’est à ça qu’ils finissent par ressembler.
>
> Je l’attrape, (je la sent) examine le morceau avec dégout, la peau et la chair déchirée collée à l’écorce, du sang gluant mélé à la sève, le bout de muscle nervuré. C’est contagieux ?
>
> Non, dit-elle, en rinçant dans la neige la sève écarlate colée à ses doigts. Ça pousse sur toi lorsque tu abandonne, quand tu stagne dans un trou ou dans un appartement, dévoré par la fatigue, les pensées hors de contrôle - tu l’as vu, l’écorce qui ronge ta peau, petit à petit, quand tu le laisse penser à ta place,
>
> recording interrupted/
>
> User’s archive N004 908 865 931/
> Deep forest state zero - recording/
> File/ Retranscription number 0044.
>
> Nous progressons à pas régulier entre les conifères, nos bottes crissent dans la neige, nos pensées couvrent le silence. Je marche dans ses pas, j’observe la vapeur s’échapper de son corps, mon haleine exhalée en un brouillard éphémère. Nos fourrures alourdies tapissées de givre pèsent sur nos corps courbaturés,
>
> Au plus profond de la forêt j’aperçois des arbres aux formes humaines tout juste perceptible, des restes de métamorphoses douloureuses et pétrifiées. Une centaine d’hommes-arbres gisent là autour de nous, leurs cadavres pareil à de l’humus où s’élancent les épicéas centenaires. De plus près je devine des corps démembrés, à mes pieds un crâne humain couvert de mousse et de neige, la mâchoire béante où naissent les branchages d'un conifère, devant moi une cage thoracique enracinée, éventrée comme une souche infestée de larves blanches, une colonie de coléoptères. Il y a des corps entiers et d’autres formes inachevées, dispersés dans la végétation, des membres dissimulés sous la neige, là où des arbustes naissent; un véritable charnier.
>
> Moi : Ils viennent mourrir ici ?>
>
> Hannah : Ou renaitre ?
>
> Moi : Est-ce qu’ils vivent encore là dessous ? Est-ce qu’ils pensent à l’intérieur ?
>
> Hannah : Est-ce que les arbres pensent ? À quoi peu bien penser un arbre ?
>
> Moi : Je crois qu’ils pouvaient communiquer entre eux, je m’en souviens, avec leurs racines, et ressentir l’espace avec leurs branches. Ils sont peut-être immortel à présent.
> Un grondement sourd et progressif vient troubler le silence. Une masse grise avance et voile le fond de la forêt, le vent se lève, siffle entre les branches agitées. Là haut les nuages avalent la cime des arbres, j’entend la foudre s’abbatre au loin.
>
> Hannah : La tempête se rapproche, réméttons nous en marche. Il sait où nous sommes, ne trainons pas, avançons le plus possible. Nous ne sommes plus très loin. Courage, nous avons peut-être fait la moitier du chemin.>
> Là-bas, il y a quelque part creusé dans la montagne un réseau de souterains, qui servait de refuge à une sorte d’ermite coincé ici avant nous. Peut-être y est-il encore, mais je ne l’ai jamais vu. C’était une ancienne base militaire. Je m’y suis perdu un jour, en m’y réfugiant lors d’une tempête. L’ermite maitrisait l’obscurité pour y survivre, il y avait des restes, des signes de son passage, des objects trouvés dans les couloirs. Les souterrains avaient dut servir d’abris pendant une guerre. Il y a là bas peut-être l’espoir de trouver pourquoi nous sommes là, l’espoir de trouver des réponses. L’ermite semblait avoir compris, une histoire de corps dans le temps et l’espace, je me souviens des murs couvert d’inscriptions, de schémas incompréhensibles écris aux charbons.
>
> recording interrupted/
>
> User’s archive N004 908 865 931/
> Deep plains state zero - recording/
> File/ Retranscription number 0045.
>
> Cordé à la silhouette d’Hannah devant moi, nous progressons à l'aveugle dans une lueur blanche uniforme, perdus au fin fond du blizzard. Péniblement, pas après pas, nos corps courbés luttent contre la force du vent, contre le souffle froid qui nous ronge le visage. Sous mes pieds enfoncés dans la brume, je devine une lande de toundra rocailleuse et sans contraste, couverte de neige tassée. Depuis quand avons nous quitté la forêt ? L’espace est sans ombre ni horizon, je n’aperçois ni le ciel ni la terre, mon corps plongé dans un vide laiteux, sans repère.
>
> C’est là bas, me dit-elle en désignant une perçée sombre, la naissance d’une montagne écorchée par une falaise abrupte, la roche noire battue par les rafales, un contraste comme une ombre au creux du brouillard.
>
> Nous approchons peu à peu des fondements de la falaise, j'aperçois une plateforme grise, une surface d'asphalte élancée, piquetée de crevasses et de craquelures, le revêtement bitumeux effrités couvert de neige et de verglas, martelé d'amas rocheux écroulés par l'érosion.
>
> Regarde, me dit-elle en me pointant du doigt une vingtaine de formes sombres ensevelies sous la neige. Des épaves, des véhicules militaires, dispersés partout sur l’aérodrome. Ici peut-être plus qu’ailleurs, j’ai l’étrange impression de flotter dans un souvenir. Je sens quelque chose de primitif, profondément encrée en nous, une mémoire de guerre universelle, sans vraiment l'avoir vécu.
>
> Moi : L’impression d’avoir regarder ça derrière un écran. Ce sentiment de peur et de fébrilité, des désastres de plus en plus proche, à quelques frontières près. Je me souviens de l'agitation palpable, une légère frénésie, après chaque catastrophe.> Nous contournons la carcasse d’un bombardier, crashé là enfoui sous la neige, nous marchons sur ses ailes fracturées, disloquées du fuselage, criblé d’impacts épais comme un poing. Affaissée, la verrière du cockpit est en partie éclatée, gorgée de neige. Il y a, éparpillés sur la piste, une dizaine de carcasses de chars d'assauts au vert sombre tacheté de rouille, les chenilles ensevelies, les canons pointant vers le ciel, muets, gelés en plein combat, une déflagration fantôme, comme l'instant suspendu d'une guerre désertée.
>
> Hannah : Nous avions oublié l’existence de la peur, mésestimé la violence.
>
>
> Hannah : Dépéchons nous, l’entrée du bunker est là-bas.> À cinquante mètre derrière la brume épaisse apparait un lourd portail métallique éventré par une explosion, cerné de traces de brulure épandues sur la roche, une ouverture grande comme un homme, noire et froide, creusée à même la falaise.
>
>
> recording interrupted/
>
> User’s archive N004 908 865 931/
> Deep under state zero - recording/
> File/ Retranscription number 0046.
>
> L’écho immédiat de nos pensées se répercute à la surface de la roche, chaque mots se succèdent et interfèrent jusqu’à s’évanouir, à peine intélligibles. Les rafales s’infiltrent et sifflent dans ce long couloir sombre, le portail cahotant grince, l’onde sonore se disperse et se multiplie, se mèle à nos bruits de pas comme un rythme presque sauvage, dans un brouhaha incessant. Il y a comme une odeur de moisissure, une humidité glaciale. Je distingue au loin une lueur au fond du tunnel, son reflet perçant à peine le froid et la nuit. Une flamme ou une source de lave, quelque chose de perpétuelle à l’aura surnaturelle, je n’avais plus vu de lumière aussi vive depuis l’incendie.
>
> Nous avançons sans un mot, de peur de rajouter du bruit au bruit, mais nous nous comprenons, je sais qu’elle capte encore chacune de mes pensées. Elle m’avait dit que l’ermite maitrisait l’obscurité. L’éclat rouigoillant est pour moi la preuve de sa présence, un sentiment d’espoir.
>
> recording interrupted/
>
> Je me relève, la fourrure lourde et trempée, j’ai trébuché de tout mon poid sur les débris d’une racine, affalé sur le cadavre d’un homme-arbre aux branches mortes, le corps entier empli de pourriture, le bois moue éffrité, collé à la paume de mes mains, des miettes sur le visage. (je ramasse ce qu’il reste d’un bras, brise se qu’il reste de chair et d’os pourris)
>
> Hannah : Ce bois mort ne nous servira à rien, --- et elle se tut, cette simple pensées se démultiplie alors, mêlée aux restes du fracas de ma chute. Elle laisse s’estomper le chaos et, muette, me désigne d’un regard les racines surpendues aux reliefs rocheux au dessus de nos têtes, l’attrape des deux mains, tire dessus pour détterrer le bois souple, entraîne un leger ébouli de caillaisses terreuses. La racine s’éttire sur les parrois, la base à porté de main, Hannah saisit une roche fendu et découpe le bois. De la sève écarlate s’en écoule, trop liquide pour n’être que de la sève et je comprend alors, qu’Hannah découpe de la chair, et celle-ci nous servira de torche, une matière inflammable, humaine et végétale, quelqu’en soit le corps à l’origine, sans pitier vivant ou mort.
>
> Hannah plonge la chair qui s’embrase dans le bain de lave, et je sais que si elle avait encore un visage j’y apercevrai un sourire. Satisfaite, elle me tend la torche, plonge une nouvelle branche de chair et la fibre s’enflamme, la sève sanguine crépite au contact de la source incendescante, ma vision se tachète de formes sombres et flottantes. (briquet ici ? façon de faire un feu plus habituel et moins deus ex machina ? elle a des trucs dans son sac)
>
> recording interrupted/
>
Brouillon :
> User’s archive N004 908 865 931/
> Deep under state zero - recording/
> File/ Retranscription number 0047.
>
>
> Enfoncés profondément dans la terre, peut-être depuis des jours je ne sais plus, perdus dans des tunnels terreux(syno)(plein de ronces) de plus en plus étroits, les parois couvertes de racines entrelacées et mouvantes qui se développent et suivent nos pas; dans l’ombre, j’entend leurs frémissements tentaculaires, je les vois parfois s’aventurer à la lueur de la torche et Hannah/je) les brûle, l’organisme frémi, un sursaut d’animal blessé, la sève écarlate gicle et crépite, les racines finissent par fuir et s’enroulent sur elles mêmes pour mieux revenir.
>
> Hannah (j’)ouvre lamarche, (j’)arrache/écrase les ronces et les branchages/ d’un coup de botte() nous cherchons un refuge, encore. Les flamme frôle et noircissent le plafond rocheux (couvert de ronces, etc), nous descendons toujours, je sens leurs présences comme mon ombre, une odeur acre, je sens la chaleur de leur mouvements, leurs chuintements.
>
> (Hannah reste muette mais je sais qu’elle pense, elle ne medit rien, ne dévoile rien, me laisse seul avec mes propres pensées) Combien d’épaisseur de strates rocheuses, de sédiments et de terre, combien de millénaire accumulés au dessus de nos têtes ? Tout ça si proche de s’écrouler je le sens, écraser nos corps loin sous la Terre, il suffirait d’un rien, un bref tremblement à l’autre bout du monde, un faille sismique, le sol se fissure sous nos pas, le plafond s’affaisse et s’écroule, l’avalanche de roches se déverse; trop dense, trop compacte, elle ne s’effondra pas, elle ne peu pas céder me répète Hannah - nous engloutir en quelques secondes à peine s’il existe encore des secondes, je me rappelle juste d’un gout de terre sur la langue, (inaudible)
>
> recording interrupted/
>
> Un acouphène persiste au fond du conduit auditif de l’oreille droite, l’impression d’étouffer ici, comment puis-je encore me remplir les poumons ? Plus de visage, plus de bouche, plus rien, y-a-t’il encore une trachée dans cette gorge ? Comment puis-je encore voir quoi que se soit ? Il n’y a pourtant rien, qu’un petit tas de terre collé aux alvéoles, salis au fond du crâne. Impossible de faire demi tour, impossible je n’ose plus me retourner, je ne me souviens de rien, trop d’embranchements, des couloirs, partout; les couloirs(végétation) m’engloutissent, des amas s’amoncellent autour de nous, on ne peut plus avancer, on se hisse sur les monticules (végétation), on cherche un passage, une issue, la boue noirâtre nous remonte jusqu’aux chevilles, l'odeur de charbon(végétal), de pourriture, les rochers(végétal) sont vivants ils nous aspirent, (inaudible)
>
> Je dois reprendre mon souffle, me remettre à respirer. J’essaie de me rappeler, de me souvenir de ce qui a précédé, (inaudible) de ce qui a précédé le blizzard, de ce qui a précédé la forêt, jusqu’ici. J’essaie de me souvenir de ce qui a précédé le jusqu’ici, (inaudible) jusqu’ici je n’ai rien, (inaudible)
>
> recording interrupted/
>
> Des couloirs aléatoires se creusent et s’évanouissent, elle me (parle enfin) dit que les portes apparaitront et qu’il suffit de marcher encore. L’oxygène se fait rare ici, je n’ose plus me retourner et elle me dit de me taire, me supplie presque je ne sais plus; je suis certaine qu’il y avait une porte ici, arrête et ferme la, une bonne fois pour toute je ne m’entend plus penser, je crois que je ne suis jamais allée aussi loin, regarde, retourne toi, il n’y a plus rien (inaudible)
>
> recording interrupted/
>
> User’s archive N004 908 865 931/
> Deep under state zero - recording/
> File/ Retranscription number 0048.
>
> Une odeur de charogne imprègne la végétation, agressive, l’humidité est palpable, un air froid et vicié empli mes poumons.
>
> À la lueur de la torche, un corps nu pétrifié git sous la broussaille. Les racines nerveuses serpentent sa carcasse, asphyxie son organisme osseux couvert de ronces et de lierres grimpants, désarticulé, adossé à la parois végétale. Sa cage thoracique affaissée semble brisée de l’intérieur, un corps décharné couvert de griffures. Les racines s’entortillent autour de ses cuisses, étranglent ses poignet jusqu’aux épaules, retiennent ses membres contre la terre. L’écorce et le lichen tapissent sa peau égratignée, remontent jusqu’à son visage émacié, là où les racines percent les joues, s’engouffrent dans ses orifices, dans ce qui aurait pu être sa bouche, ses orbites évidés.
>
> L’idée me vient alors que c’est peut-être notre ermite étendu là, pourrissant devant nous comme une proie à moitié digérée, piégée dans la tanière du prédateur, des restes en réserve, agonisant, sans doute. Encore un battement végétatif, un souffle, peut-être sent-il notre présence, même aveugle et paralysé; tu vois, on ne peu pas s’attarder, regarde à quoi il ressemble parce qu’il c’est essoufflé,
>
> recording interrupted/
>
> Hannah (je) lui maintient fermement le crâne et (Hannah) dévide la racine parasite profondément enfoncé dans sa gorge jusqu’aux intestins. La chose résiste et Hannah cale la semelle de sa chaussure contre l’épaule fragile, (je) tire des deux mains l’appendice qui se déroule péniblement, comme ventousé dans le fond, arrachant les chairs à son passage. (Un liquide, quelque chose d’affreux s’en écoule et je lache de dégout) Aides moi, tiens le ! me cri-t’elle, alors que je reste incapable, la torche à la main, terrifié face à ce corps convulsé, couvert de bile régurgitée, un mélange odorant de glaire, de sève sanguinolente, et ça lui gicle au visage, lui dégouline dans le cou jusqu’aux clavicules,
>
> recording interrupted/
>
> Expulsée dans la violence d’un dernier spasme, la chose visqueuse se tortille à l’air libre. Hannah la maintient fermement, la matraque contre une parois rocheuse, écrabouille l’espèce de tubercule informe suspendu à l’extrémité. Brûle ça, me dit-elle en désignant la purée, brûle ce qu’il en reste, et je me penche, tremblant, je frôle avec la torche le tubercule écrasé, c’est ce qui lui sert de cerveau, me fait-elle remarquer, attention de ne pas éteindre la flamme, on n’a que ça. La fibre blanchâtre crépite mêlée à la terre, une odeur de chair brulée.
>
> Sa bouche n’est qu’un trou d’où fuient les scolopendres, un râle fragile et terrible s’en échappe et me glace le sang. Aide moi, prend le par les pieds, Hannah l’attrape sous les aisselles et tire pour défaire le corps de l’entrave, saisi sa roche brisée, (je) sectionne les liens qui remuent de douleur, pareil à des couleuvres amputées
>
> recording interrupted/
>
> User’s archive N004 908 865 931/
> Deep under state zero - recording/
> File/ Retranscription number 0049.
>
> À peine éclairé dans un halo vacillant, je découvre un corps décharné que j’imagine trop grand pour les souterrains, se faufilant le dos voûté dans l’obscurité, aveugle et solitaire, courbé entre les racines et les feuillages. À présent étendu à mes pieds, l’homme gît là, brisé tel un pantin désarticulé. Ses membres sont longs, maigres, encrassés, maculés de boue sèche et de poussière, sa carcasse émane des relents âcres et animales, une odeur indéfinissable, primitive.
>
> Assise près de son corps Hannah arrache méticuleusement les fines couches d’écorces, les plaques de lichens gris, découvre peu à peu une peau scarifiée, glabre, livide presque transparentes, un réseau de veines bleutées sous une surface cicatricielle.
>
> Approche toi, regarde, me dit-elle, je m’accroupi alors et aperçois à la lueur de la torche, gravé à même la peau, un système circulaire d’idéogrammes déployé sur tous le corps, des annotations indéchiffrables, un langage saillant évoluant aux reliefs des entailles toujours visibles. La structure entière prend pour épicentre la surface intérieur de la cuisse droite, point névralgique d’où s’étend des milliers de révélations cryptiques. Autour de cette source, du genoux gauche à l’entre-jambe, sa peau est sillonnée de signes aux volumes blanchâtres cicatrisés, à peine visible, aux entailles imprécises, irrégulière, profondément taillées à l’aveugle. Progressivement étendues de la base de la verge au nombril, une inscription particulière est répétée trente-sept fois, tracée et retracée tel un mantra, une vérité fondamentale. Chaque lettre et symbole sont comme autant d’insectes fourmillant sur l’épiderme, minuscules parfois, entassés, anticipant une saturation inéluctable./sursis
>
> Hannah me tend la torche et se penche sur le torse, effleure d’un doigt une cartographie rudimentaire et labyrinthique, étirant son maillage de l’abdomen jusqu’au cou, un réseau de couloirs plus ou moins dense, superposés parfois comme différents niveaux, raturée, ponctuée d’annotations brèves gravées sur les hanches et le plexus, des indications maladroites amoncelées aux incisions plus anciennes, quelques indices entourés sur le thorax, des signes surlignés sur chaque épaule.
>
> Elle (je) soulève le bras droit au poignet, (détail peau froide, moite, sèche?) regarde, ici, à l’intérieur du coude et jusqu’au bout des doigts, pareil sur les mollets, les inscriptions sont plus précises, plus maitrisées. Les cicatrisations similaires semblent correspondre à la même période.
>
> Il y a là des annotations brèves et des paragraphes entiers, d’autres plus frénétiques, écrites dans l’urgence d’une révélation, avant qu’une mémoire défaillante ne l’emporte (comme une idée emportée par la nuit). D’autres plus automnes recouvrent la surface de son visage absent, plongent dans les trous vides des orbites creusées par les racine, percées à même la peau, englouti par la fente découpée de sa bouche, se prolongent sur le front et l’arrière du crâne dépouillé, des amas de symboles plus ou moins cicatrisées.
>
> Les inscriptions les plus récentes recouvrent son bras gauche. Imprécises, comme tracées de la mauvaise main, uniquement par manque de place, par dépit. Des croutes sèches et granuleuses sont logées dans les brèches, la peau est encore rougies, gonflées. La guérison est inachevée, un sang sec et sombre s’y mêle à la poussière.>
> Retournons le, aide moi. Nous le tirons par l’épaule et la masse du corps s’affale sur le ventre, face contre terre. Poussiéreux, éclaboussé de crasse, le creux du dos est vide, le long d’une colonne vertébrale tordue aux vertèbres saillantes, seules des excédents de textes s’étirent autant que possible sur les omoplates, les cotes et les hanches.
>
> ICI EXTRAITS/CROQUIS DES ÉCRITURES
> Il n’avait plus de place pour écrire quoi que se soit, il semble s’être arrêté, à l’étroit dans sa propre enveloppe ︎ à deux doigts de découvrir quelque chose ︎ un truc fondamental ︎ n’avait’il pas de mémoire et d’archive comme nous ? ︎ il l’a perdu, doublement amnésique ︎ il craignait les murs friables, la boue trop instable pour y inscrire quoi que se soit ︎ peur de perdre la trace de ses propres écrits ︎ devenu aveugle, noyé par l’obscurité au point de pouvoir lire qu’un braille improvisé ︎ il servait de bloc-notes/memento ︎ victime d’un fou amnésique, une bête toujours vivante, traînant dans le noir quelque part au fond d’un souterrain ︎ l’ermite était censé maitriser la lumière ︎ est-il notre ermite ou sa victime ? ︎ regarde ses doigts, regarde son index épargné, surement servait-il à déchiffrer ︎ un véritable charabia ︎tu crois qu’il vie encore ? ︎ est-ce que tu sens battre ton propre coeur ︎ est-ce que tu sens battre le mien ︎ je ne distingue plus tes pensées des miennes, ︎>
>
> on ne va pas pouvoir le trainer longtemps ︎ Il nous ralentit ︎ Nous avons besoin de la carte ︎
>
> par désespoir il c’est laissé mourrir ︎ seul ︎ oublié comme une bête, morte cachée dans un coin/trou ︎ il faut qu’on avance ︎ il faut qu’on récupère tout ça ︎ il y a peut-être des réponses
> recording interrupted/
> User’s archive N004 908 865 931/
> Deep under state zero - recording/
> File/ Retranscription number 0050.
>
> Hannah/J’)entame la découpe au niveau de la hanche, tranche le long du thorax, dépèce la carcasse malléable, arrache la peau à la chair, progressivement. La roche brisée, émoussée, accroche l’épiderme qui résiste. Hannah va et vient au fond de la plaie et racle les côtes, insiste encore, les mains ensanglantées jusqu’aux coudes, (qu’est-ce que fait Hannah ? elle tient la torche et m’observe)︎ pourquoi décris-tu tout ce que je fais ︎ c’est ce qu’il se passe dans ma tête quand je (t’observe) ︎ n’oublie pas que j’entend tout ce que tu penses - je t’entend presque crier tu me déconcentre,
>
> recording interrupted/
>
> Il y a un microcosme grouillant aux creux d’un ventre sclérosé, ouvert comme une souche où nait tout un monde. Des insectes fourmillent là entre les viscères figées, prolifèrent et se faufilent dans les strates végétales comme du sous-bois, sous les couches d’humus recouvrant des tripes indéfinissables. (il doit agir ici, il y glisse un doigt le long de... puis une mains, entre les ..., la sensation, c’est chaud, c’est gluant etc) Une chaleur vaporeuse s’échappe à l’air suffoquant des souterrains, (il amène ses doigt à la bouche) une odeur et un goût de terre mouillée. Le végétale se mêle à la chair pétrifiée couverte de mycèlium, un enchevêtrement organique d’où stridulent et s’envolent des coléoptères éperdus. (il en attrape un, ça gigote entre ses doigts, il l’écrase) J’entend le bruissement des larves xylophages, des termites blanchâtres se meuvent à la lumière embrasée, fuyent une cage thoracique ravagée, creusée de tunnels, peuplée de tout une colonie, jusque là confinés sous la peau et l’écorce. C’est tout le squelette qui est envahi, sillonné, rongé du cartillage à la moelle, (il l’arrache) le tissu osseux friables érodé par endroit, le corps affaissé de l’intérieur. Il y a là des plantes et des bêtes, une forêt en miniature, ça s’agite, ça rampe et ça s’échappe; des scolopendres éffrayés nous/(me) passent entre les doigts, me grimpent sur le poignet et se faufile sous ma manche,
>
> recording interrupted/
>
> je sens la vermine véloce frémire tout contre ma peau, me grimper jusqu’à l’épaule; je secoue mes vetements en hurlant, la saleté s’aggripe et m’écorche de ses centaines de pattes horribles, je la serres et l’écrase contre la clavicule, je sens la carapace crisser le corps broyé de douleur, le contenu visqueux expulsé dans une bouillie d’organes étalée sous l’étoffe, éparpillée, j’attrape les morceaux toujours frémissant;
>
> recording interrupted/
>
> par terre les antennes et les pattes désarticulées remuent encore, un reflet vacille sur la carapace disloquée, j’écrase les restes sous les stries de ma semelle. Je sens l’exhudat poisseux refroidire, imprégner le tissu, étalé tout contre ma peau(rep), une salissure parasite, saloperie d’insecte ︎ ce n’est pas un insecte ︎ mais qu’est-ce que j’en ai à foutre,
>
> recording interrupted/
> User’s archive N004 908 865 931/
> Deep under state zero - recording/
> File/ Retranscription number 0051.
>
> Hannah éttend la carte au sol, une surface irrégulière, bocelée de morceaux de chair encore accrochés, la peau grisâtre, tachetée de rougeures entre les cicatrices. (il triture/gratte des petit bout de muscle et les arrache) Les tracés du plan recouvrent d’anciennes écritures tout juste éffacées, un palimpseste couvert de sang coagulé. Je cautérise les extrémités du parchemin, Hannah éponge la poussière imbibée de sang à l’aide de sa manche, je longe de l’index les dédales,
>
passé les impasses et les fausses pistes ︎ les embranchements semblent tous converger vers les deux mêmes issues en haut du sternum et sous le nombril ︎ reste à savoir où ça nous mène, et où nous sommes là dessus ︎ et d’où nous venons ︎ je ne sais pas dans quel sens prendre le plan ︎ dans quel sens nous avançons depuis le début ︎ j’ai l’impression d’être toujours allé tout droit ︎ il y a ce symbole, là au centre du labyrinthe, comme un soleil dont les rayons déservent chaque couloirs ︎ peut-être une lumière ︎ je ne me rappel pas avoir passé cet endroit ︎ moi non plus ︎ il faut qu’on avance, ne trainons pas ici ︎ tes pensées et les miennes se confondent, les mots s’embrouillent ︎> recording interrupted/
> ICI EXTRAITS/CROQUIS DU PLAN
> User’s archive N004 908 865 931/
> Deep under state zero - recording/
> File/ Retranscription number 0052.
>
>
> Je ne sais pas depuis combien de temps, depuis quand le temps n'est plus, infini-immuable, état stationnaire, intermédiaire entre quoi et quoi, embrouillé, succession d'espaces vides et d'instants suspendus, coincé entre deux pulsations, entre deux mondes, gouffre sans fin; est-ce que tu m’entends ? (C’est peut-être une voix, quelque chose comme une pensée ou plutôt un mirage)
comme s’il parlait à travers moi ︎ il y a comme l’écho d’une voix éraillée, qui n’est ni la tienne ni la mienne, diffuse, immiscée dans mes propres pensées ︎ est-ce que tu entend ça ? ︎>
> La voix reprend, elle dit : je veux m'arrêter là, prendre racine, un rocher dans la tempête, devenir une montagne et laisser passer les siècles. Je peu sentir chaque souffle de chaque respiration, le sang comme les vagues qui s'abattent à l'autre bout du monde, la peur vous prendre à la gorge, les vents et les marées, les tremblements de terre qui vous traversent. Il suffirait de s’oublier pour faire apparaitre ce qui n’est plus. Il y a là haut des milliards de souvenirs, amoncelés dans le feuillage d’un séquoia géant, l’histoire fragmentée de l’humanité, l’espace entre les galaxies, la brume entre les atomes, le temps entre les étoiles et les mondes> Puis, après un silence,
>
> J’ai pu être l'océan sans fin, chaque grain de sable au fond des dunes, les forêts qui se meurent, les églises et les temples en ruine. Je suis les hommes et les femmes, l’espoir et la haine, l'humus englouti par l'écorce dans une profondeur abyssale, je suis l’inconscient dévoilé, le néant, l’homme sans reflet, le doute et l'angoisse, la tristesse et la joie, sans âge pour me perdre. Je suis devenu le temps, l'ombre étendu et le silence qui résiste, la solitude, l'infini et le vide, les arbres qui tombent et les étoiles qui s'éteignent.
il me dit que ce n’est pas un soleil mais la cime d’un arbre, creusé là sur sa peau ︎ là au centre de tout ︎ comme une évidence ︎ un tronc massif et ses branches ︎ il me dit qu’il y a là-bas les réponses ︎
est-il encore en vie ? ︎ son coeur n’est-il pas censé battre ? ︎ est-ce que tu sens battre ton propre coeur ︎ est-ce que tu sens battre le mien ︎ débarasse moi de l’écorces, ça me grimpe déjà entre les cuisses ︎ il faut qu’on avance, ne trainons pas ici ︎>
> Et nous laisserons derrière nous quelques pelures, des tas de poussières dans les recoins, dans les traces déjà recouvertes de nos pas
>
> recording interrupted/
> User’s archive N004 908 865 931/
> Deep under state zero - recording/
> File/ Retranscription number 0053.
>
> Il se tut et déjà le corps froid s'abandonna aux racines, englouti sous nos yeux par la terre. Des tubercules poussent et se logent à nouveau dans le fond de son crâne, toute une forêt prolifère dans le creux du thorax, des filaments s'enroulent à ses côtes, les poumons pareil à des roches se couvrent de mousses et de feuillages. La dépouille éventrée est comme autant de chair à dévorer par les larves et les insectes qui affluent. Il fait maintenant parti de la terre, son corps mêlé à l’histoire, anéanti jusqu'à disparaître, les os érodés jusqu'au moindre atome.
︎ Je crois qu'il nous a dit de regarder le ciel, quelque chose de confus ︎ je crois qu'il faut sortir d'ici ︎ sur la carte tous les chemins mènent au centre, le centre nous mènera à l’extérieur, tant bien que mal ︎ tes mots se font miens et je ne discerne plus rien>
> recording interrupted/
>
> nous (je) trainons notre lourd paquetage dans des percements toujours plus sinueux et étroits, le dos voûté, courbaturé, le corps éreinté; j’ai l’impression de porter un cadavre entier depuis des jours, une masse encombrante et rigide qui me broye les épaules. Nous accumulons trop de chose, tous ces objets inutiles, ces pierres et ces branchages, qui a besoin de tant de pierre ? Je voudrais juste m’arrêter un instant, m’assoir à peine, reprendre mon souffle, mais Hannah me presse et se plaint
︎ c’est toi qui te plaint sans arrêt, regarde se qu’ils ont fait de l’ermite, regarde se qu’il est devenu, tout se qu’il dit, tous ses mots incompréhensibles qui résonnent encore dans mon crâne comme une démence, je n’en peu plus de vous entendre, ça me rend juste dingue et je t’entend encore enregistrer toutes mes phrases,>
> recording interrupted/
>
> Un courant d’air frais se lève et se faufile jusqu’à nous, une brise à peine perceptible, essoufflée entre les feuillages et les racines. La lueur de la torche vacille et s’amenuise, le tison se rapproche de la main d’Hannah, le bois bientôt consumé. On n’y voit à peine, elle cherche du bois et insiste, son absence de regard rivé au sol
︎ regarde si tu en trouve, un bois sec et solide, et elle arrache sous des strates de terre et d’humus ce qu’il reste d’une racine pourrie ︎ tu as senti le souffle du vent ? ︎ je m’arrête mais je ne sens plus rien ︎ l’extérieur est proche, il faut continuer>
> Plus nous avançons plus les racines s’élargissent, encombrent et submerge l’espace. Nous nous glissons dans les interstices, rampons dans les cavités resserées de racines entrelacées, jusqu’à leur source commune. Hannah ouvre le chemin, déblaye parfois les galeries obsutruées de terre et de poussière, la torche à la main braquée devant elle. Je tire nos sacs lourds, trop chargés
︎ il faut les vider un peu, lacher quelques cailloux ︎ n’abandonne rien au tunnel, rien qu’il ne pourrait avaler
> Et soudain Hannah se stop, s’immobilise un instant (RAJOUTER UN LÉGER SUSPENSE - FAIRE MONTER LA TENTION)
︎ regarde là, gravé sur le bois, les mêmes symboles ou similaire,>
> recording interrupted/
BROUILLON :
> User’s archive N004 908 865 931/
> Deep under the tree / state zero - recording/
> File/ Retranscription number 0054.
>
> Le passage se resserre encore et Hannah/je gratte la terre, à peine de quoi y ramper, y glisser les épaules. Je pousse devant moi mon sac (informe?), le tissu déchiré racle contre les paroies, mon visage est couvert de terre, j’en ai plein la bouche (et j’avale), logée contre les gencives, entre les dents, mélé à la salive au fond, j’en ai sous les ongles, au creux des yeux, entre les cils, ça frotte à chaque mouvement. J’aperçois parfois la lueur de la torche éclairer la surface minérale, plongé dans l'obscurité depuis combien de temps, (inaudible?) Trop étroit pour se retourner ︎︎︎ avance encore - impossible de faire demi-tour, Hannah continue toujours, sans s’arrêter, de plus en plus coincé, enfoncé dans un entonnoir sous des millénaires de kilomètres de terre. Je suffoque ici et j’en peu plus, il n’y a plus rien plus d’air plus d’espace (inaudible?)
>
> recording interrupted/
>
> Regarde, il y a de la lumière(rep) (derrière cette parois); arrivé au fond du tunnel obstrué par un faisceau de racines, j’aperçois à travers une brèche pas plus grande qu’une bouche, de brèves lueurs qui percent et dévoilent une vaste caverne criblée de milliers de racines élancées, saturant l’espace, entremêlées les unes aux autres. Hannah, pleine d’espoir, pense que nous sommes arrivés au bout,
>
> Nous raclons la terre à pleine mains et à coup de roche, élargissons le trou autour des racines. L’ouverture s'agrandit tant bien que mal, je déblaie et martèle la surface avec ce qu’il me reste de force, éreinté, j’entend des monceaux de pierre s'effondrer de l’autre côté, de la terre froide me tombe sur la nuque et me glisse dans le dos, j’ai peur de finir enseveli, peur de rester piégé, à tout jamais, le corps broyé, étouffé, si près du but. Je sens le couloir s’écrouler sur mes jambes, des éboulis, j'élargis encore le trou, les doigts en sang, j’y passe un bras, la tête, alors que la galerie s’affaisse derrière moi, d’un ultime coup d’épaule je fissure la parois (friable) qui s’écroule en contrebas, j’attrape et je jette nos sacs, écroulés à plus d’un mètre ou deux, il faut sortir d’ici
>
> recording interrupted/
>
> je m’élance et me retourne dans ma chute, un instant suspendu dans le vide, je me rattrape de justesse à une racine qui s’arrache, mon dos percute en bas nos sacs éventrée,
>
> recording interrupted/
>
> J’ouvre à nouveau les yeux, plongé dans le noir, allongé au sol, je cherche Hannah mais je ne vois rien, la torche c’est étteinte, ou est-elle restée coincé là haut, son corps enseveli sous la terre et je suis seul, désespérement, je l’appelle, je hurle son nom dans ma tête et rien ne raisonne, juste ces deux syllabes, deux sons rèche qui raclent contre les parois de mon crâne, un bruit comme une vive brulure, horrible, indéfinissable, je suis seul et Hannah est peut-être resté coincé là-bas sous la terre
>
> J’aperçois une forme inanimée, de dos, Hannah est étendu à quelques mètre, inerte, elle ne répond pas, ou peut-être est-ce quelqu’un d’autre, un cadavre encore bouffé par les racines, couvert d’écorces et de mousses. La forme bouge à peine et je distingue un bras, elle se retourne et elle me parle, se resaisi et cherche la torche, j’entend à nouveau sa voix comme une délivrance, elle me demande, rien de casser ?
>
> recording interrupted/
>
︎Je crois que nous sommes arrivés au centre de la carte ︎︎ je crois que nous sommes sous l’arbre ︎︎ immense, j’ai jamais vu un truc pareil ︎︎︎ comme une bête endormie ︎︎︎ l’hibernation d’un monstre ︎︎ un léviathan>
> Ici l’air est froid, humide, une brise qui nous glace le visage et les mains, les jointures abîmées. Il n’y a pas d’écho à nos paroles ni à nos pas, chaque son assourdi par la masse emmêlée. Haute telle une cathédrale aux parois de roche et de terre, la cavité dessert à vue d'œil une trentaine de galeries souterraines, certaines étouffées de racines larges comme la hauteur d’un homme. Là-haut l’arbre doit être inimaginable, érigé loin au-dessus de tout, un dieu surplombant sa propre forêt. Sans doute les courbes de la terre se révèlent à son sommet; ou apparaît peut-être derrière les brumes, à la lisière d’un territoire se jetant dans l’abîme : une frontière de vide au bord du ciel.
>
> Nous nous frayons un chemin entre les racines et les concrétions couvertes de mousses denses et dépigmentées, peuplées de petits insectes troglophiles; il faut qu’on avance ︎ ︎regarde, là, devant nous, elle désigne à cinquante mètres et au centre de tout, un large tronc inversé s’enfonçant dans les profondeurs de la terre, peut-être à des milliers de mètre encore, vaste comme les fondements du plus vieil arbre du monde, un pivot d’où naissent et se propagent ses racines multipliées sur des kilomètres, sur des territoires entiers. ︎︎︎ On va pouvoir grimper ça, atteindre la lumière,
>
> recording interrupted/
>
> J’aperçois là-haut une brèche blanche creusée dans la terre, un puit d’où percent et s’agitent quelques rayons, des éclats épars et fragmentés par les branchages. Des flocons virevoltent et s’engouffrent dans le souffle du vent, un bruissement net comme un bruit blanc, il y a peut-être une issue, un passage, peut-être de l’espoir là-dehors.
> User’s archive N004 908 865 931/
> Deep under the tree / state zero - recording/
> File/ Retranscription number 0055.
>
> Il faut se baisser parfois, enjamber, grimper des racines démesurées, s'agripper à leur écorce couverte de mousse et de poussière. Nous trébuchons sur des ossements éparpillés dans l’ombre, un véritable charnier, des cadavres de bêtes tombées du trou, mortes sur le coup ou agonisantes, ça craque, ça crisse sous nos pas. La lumière éclaire brièvement les restes décomposés, pétrifiés, la fourrures souillées des carcasses mêlées au bois. Quelques plantes et arbustes y émergent, à peine nourri par la faible lueur. Des champignons pâle et fluet naissent aux creux des crânes humides, les surfaces suintent une eau calcaire chargée de sédiments, c’est froid et ça colle aux mains, des brisures d’os et de gypse entre les doigts, j’entend parfois le goutte à goutte intermittent des stalagmites.
Nous longeons le tronc à la recherche de fissures creusées dans l’écorce, une nervure ou quelque chose pour se hisser et débuter l’ascension, atteindre une racine puis une autre et se rapprocher de la lumière. La surface rugueuse est éraflée de profondes inscriptions, des incisions minutieuses et cicatrisées parsèment le périderme comme des milliers d’insectes immobiles.
Par une brèche étroite je découvre un renfoncement creusé à même la racine. Hannah éclaire et dévoile une cavité d’un profondeur insoupçonnée, d’où se dégage une insupportable odeur de charognes carbonisée.
L’espace est encombré d'objets, une petite table branlante, une chaise en bois rafistolée, tout un désordre d’ossements, de pierres et de minéraux accumulés dans des niches creusées aux murs, des tas de branchages. Nous pénétrons avec prudence, marchons sur une couche de brisures d'écorce épandues, ça bruisse sous chacun de nos pas. Je saisi des lambeaux de chiffons, des restes de vêtements misérables et les sent, imprégnés de crasse et de terre, d’une odeur âcre de sueur sèche. Hannah ramasse quelques cristaux, des brisures d’os tranchant et les fourre dans son sac déjà trop plein et ça m’exaspère. Des cendres d’anciens feu marquent des creux au sol, remplis de bois et d’écorce calciné, des brûlures aux plafonds, je tends la main et y frotte une suie récente, une poudre noire et grasse qui colle au doigt.
Il y a des formes au fond de la caverne, des lignes brièvement éclairées, une silhouette tapie dans l’ombre, il y a quelqu’un là-bas. Je sais que Hannah l’a vu comme je l’ai vu, ni elle ni moi ne parlons, figés sans le moindre froissement, un léger frisson et nos corps à découvert, trahis par la faible lumière de la torche, le bruissement des insectes. Des papillons de nuits s’agitent autour de la flamme, virevoltent et se brulent les ailes. La caverne est bien plus profonde que nous l'imaginons. Il me semble avoir entendu un bruit, il y a quelque chose et cette chose nous voit, à coup sûr, nos figures vides et pâles, nos corps maigres, voûtés par la masse de notre barda. Je fouille l’obscurité, j’en aperçois les contours tout juste dessinés, je devine une épaule trapue, peut-être la gueule d’une bête immobile, à l'affût, quelque chose d’inhumain dont nous dérangeons le sommeil ou l’hivernation. Il n’y a rien du tout me dit-elle, mais j’ai vu cette forme comme tu l’as vu, peut-être déformé et grossi par la lumière, peut-être est-ce juste un homme mais l’idée que cette chose puisse être un homme me térrifie d’autant plus, car je sais de quoi sont fait les hommes, plus sauvages et cruels qu’aucun animal, plus féroce; et cette chose nous épie dans le noir, ses yeux brille maintenant au fond, quelques secondes, deux points de lumière fixe et minuscule. Une bête affamée, réveillée par des indésirables, les parasites filiformes que nous sommes, l’intrusion de nouvelles proies. Nous ne faisons pas le poid, elle le sait aussi bien que moi. J’esquive un geste, intime à Hannah de reculer d’un pas. Je saisi sa torche et la jette le plus loin possible dans la direction de la bête, le feu hurle, tranche l’air et la torche s'effondre, alors que nous nous précipitons vers la sortie, glissons nos corps dans la brèche, abandonnant nos sacs derrière nous
>
> recording interrupted/
>
> Terrorisés, à bout de souffle, je sens mon coeur comme le sien battre à tout rompre, ou est-ce une illusion, une hallucination peut-être, je n’avais jusque là plus entendu les battements de quiconque, et je vois Hannah porter les mains à son visage vide pour chercher sa bouche ou quelque chose, ︎ qu’est-ce que c’était que ce truc ? ︎ tu l’as vu toi aussi, ︎ une bête ou quelqu’un, bien trop grand pour être un homme, même un homme-arbre, un homme-séquoia, ︎ un truc monstrueux, ︎ je n’entend plus rien, pas un souffle
>
> recording interrupted/
>
> Là-bas la flamme brille encore, un faible éclat dans l’obscurité et le silence, il n’y a aucun mouvement, aucun bruit, la bête est restée muette, sa forme évanouie dans le noir. Soudain, un leger sifflement et la flamme vacille, ça se déplace à l’intérieur, j’entend les bruissement de pas furtifs froller les miettes d’écorce, soulever la poussière. Une masse invisible se déplace dans notre direction, le bruit de se rapproche encore, ça siffle et ça couine et ça nous glisse par dixaine entre les jambes, des rats, des putain de rats, une colonies de bestioles noiratres se faufilent et nous frolent, filent au loin et disparaissent au milieu du charnier
Hannah : Il faut retourner là-bas, récupérer nos sacs, il y a mes affaires, trop de chose dedans, ma pierre à feu, mes cailloux et mes branches, mon canif, mes chiffons, mes vetements>
Moi : il n’y a rien d’important dans ces sacs, un tas de trucs inutile qui nous tord le dos depuis des jours et des kilomètres
Hannah : il y a toute ma vie la dedans, et nous marchons peut-être que depuis quelques heures, ou une poignet de minutes
Moi : ça me semble être des mois et j’en peu plus de trainer ton bazard
Hannah : et comment on fait sans torche ?
Moi : je ne retournerai pas là dedans
> recording interrupted/
>
>
> User’s archive N004 908 865 931/
> Deep under the tree / state zero - recording/
> File/ Retranscription number 0056.
>
> J’avance dans le noir à pas de loup, les bras tendus en avant, tous mes muscles crispés. Je marche entre les morceaux d’écorce. Le bout de la torche vacille là-bas au fond, je ne vois rien autour mais j’avance. Je sent nos sacs du bout du pied, toujours là, je m’abaisse et les traine jusqu’à moi, me retourne et les donne à Hannah qui me chuchotte :
> Hannah : il faudrait récupérer la torche
> Moi : t’as des tonnes de trucs pour en faire une nouvelle
> Hannah : J’aime cette torche, ce n’était peut-être que des rats
> Moi : tu l’as vu toi même, si c’est un rat il est grand comme un ours
>
> recording interrupted/
>
> Réfugié à l’entrée de la caverne, Hannah récupère une bouteille de whisky à moitier vide dans une poche de son sac, fourre un chiffon imbibé d’alcool au fond du goulot, me tend la pierre à feu et je commence à frotter le grattoir contre la tige. Elle me tend la bouteille, ça racle et les étincelles giclent dans tous les sens, je ne sais pas utiliser ce truc et ça m’agace, le bruit se répercute dans toute la caverne. Je sens que ça bouge là-bas au fond, ça se reveille, je vois la flamme défaillir. La lumière s’amenuise quand soudain le feu prend sur le torchon, s’engouffre dans le goulot et Hannah jette la cocktail au fond de la grotte, le plus loin possible, de toute ses forces; des bris de verre éparpillés à travers les flammes, la bouteille s’éclate au sol et manque sa cible, une déflagration isolée; le feu suit une fine trainée d’alcool dans notre direction et éclaire le fond de la caverne, six silouhettes immobiles nous font face, pendues au plafond,
>
> recording interrupted/>
> Des cadavres pourrissent cachés dans l’ombre. Des squelettes de bêtes hybrides trainent leurs pattes ballantes; des chimères en décomposition dans lesquelles viennent encore pondre les mouches. Un grizzli à gueule de cheval(cerf) se dresse face à moi, imposant et désarticulé. Son abdomen évidé abrite des feuilles mortes, un foetus informe. Je déloge la masse gonflée, une boule revêtue de peau et de poil, une ébauche de tête, un oeil clos et quelques dents. Âpres et desséché, dur mais presque friable, ça sent la chair morte et ça me prend à la gorge, la pourriture et la poussière, des relents de charnier vieillissant, un gout de sang et de merde sur le bout des doigts. Cinq loups s’élancent maladroitement derrière le monstre, chacun suspendus par sa mâchoire béante, les pattes arrières clouées au sol. L’un est affublé d’une carapace de tortue dépecée, les quatre autres revêtus d’ailes de rapaces arrachées. Une hydre dépareillée est crucifiée au mur, sept tête de chats, des queues de vipères, des bois de cerf sur des crânes humains, de l’écorces et des branches, des lambeaux de fourrures imprégné de suie.
Hannah déloge les dents des mâchoires, récolte les canines, détache les petits ossements. Elle enroule ses trésors dans une étoffe et fourre le tout dans son sac encombré, repart à la chasse, avide, exaltée par le désordre.
Je m’approche et explore les corps, les compositions, les membres décousus. Des petits animaux informes et méconnaissable repose au sol, pourrisse dans des bocaux vide de formol. Il y a quelque chose d’absurde et de misérable dans ces créatures, cette mise en scène, tout ces assemblages de taxidermiste maladroit, comme une collection de charognes décollées du bitume, ramassées sur les bords des routes.
︎ Il vécu là pendant combien de temps, ︎ on dirait une éternité, peut-être une vie, ︎ le temps d’accumuler, d’encombrer l’espace d’objets désuets, ︎ un fatra de rouille et de poussière, d’écorces et de roches, ︎ tout ces bouts de cadavres, ︎ ces fruits malades d’un esprit dépravé, obsessionnel, ︎ un vieux dément à moitier aveugle, cloitré dans l’ombre et la folie, ︎ un solitaire hanté de psychoses, de visions malsaines, ︎ qui était-il ? que faisait-il si loin de chez lui ? ︎ Il a dut perdre la raison, perdre la vue, perdre son chemin, ︎ un tunnel a dut s’écroulé derrière lui, le piéger loin de son refuge, ︎ loin de se qu’il restait de sa vie>
> recording interrupted/
>
>
> User’s archive N004 908 865 931/
> Deep under the tree / state zero - recording/
> File/ Retranscription number 0057.
>
> Partout des inscriptions couvrent les parois, je longe d’un doigt les lignes des visages griffonés au charbons, des croquis d’arbres-animaux, de tout un bestiaire composite. Son refuge est peuplé d’esquisses, de souvenirs peut-être, des images brèves tracées à la hâte et d’autres plus appliquées, des divagations brouillonnées, répété parfois sur des pans entier, des idées obsessionnelles, des révélations.
Je reconnais des lettres, des bribes de mots éffacés, des phrases à peine visible sur la surface du bois, supperposées, répétées comme dans un instant de lucidité frénétique. Il y a là mes lettres dans un langage qui met proche, comme l’écho de mes mots, cette phrase répétée une trentaine de fois, peut-être aussi gravé sur son corps, je ne sais plus. Je me concentre et je cherche les concordances, les analogies, relis les mots entre eux, les formes et les ébauches, perdu sous l’avalanche, enseveli, le silence, le vertige, les faux indices jusqu’à l’ecoeurement, les délires indicibles gravés dans l’obscurité.
Hannah cherche et récolte, des amas de poussières, des pelures d’écorces, coincé sous un matelas nimbé de sueur, les rognures et les restes de corps dispersés sous la terre.
Je confronte la peau et les murs, l’écriture similaire, je sonde jusqu’à la nausée, depuis combien de temps sommes nous dans cet arbre ?
Je me lève et je voudrais tout éffacer, estomper les trais sous mes paumes et me noircir les mains, m’enfoncer des échardes sous le bout des doigts, le tissu de ma manche élimée, saisir la torche et trainer la flamme sur les écritures et les corps, faire disparaitre le moindre traits, la moindre carcasse, tout ce charabia absurde et inutile. Je hais la folie de l’ermite, je voudrais tout couvrir d’un épais brouillard, le panache noir d’un incendie, tout emporter sous la frénésie des flammes; et je ne sais toujours pas qui je suis, ni se que fut ma vie, ni si m’a vie fut un jour. Je crois que nous ne trouverons rien, il faut y foutre le feu et sortir d’ici, oublier tout ça comme le reste, rejoindre la lumière et sortir de terre; mais Hannah s’endort déjà, se perd peu à peu, se laisse entrainée; nous marchons déjà depuis sept ans
>
> recording interrupted/
>
> User’s archive N004 908 865 931/
> Stagnation / state zero - recording/
> File/ Retranscription number 0058.
>
> Quelques fragments quand je laisse venir l'écorce, quand je m'y abandonne. L’étreinte des nuits agitées, je me souviens, égaré, la fièvre des corps, l’odeur des peaux, la sueur et la chair, cloîtré dans l’ombre des villes moites, entre les murs noircis, abattus de chaleur. Dehors à la fenêtre j’entend les voix et les regards bas, les pensées diffusent, les gestes lents et les gens qui marchent. Des images me reviennent, les fumées acides, la brume au creux des rues et les yeux me brûlent. Quelques visions confuses, les détonations, les cris et le désordre, les émeutes dispersées, le mouvement des foules et les figures tuméfiées. Ça crie et ça s’agite, des gens courent et s’écroulent, des corps sur les trottoirs, piétinés, étendus sur l'asphalte, la peau brûlée. (Je sens la sève épaisse couler dans mes veines, déjà les branches me poussent à la gorge.) Disparaître, se perdre dans l’ombre des villes et fuir le souffle de la déflagration, gravir les gouffres, les cratères et l'effondrement, des gravats sous les mains, les genoux écorchés. Traverser le brasier et se couvrir le corps. L’incendie se propage, racle les murs criblés encore à peine debout. Se relèver, suffocant, encore, avaler la poussière et les bouffées de cendre, étouffer les dernières flammes, des brûlures et des braises au fond des poches. La fournaise progresse, le brouillard se lève et les immeubles s’écroulent. Sous mes yeux rouge encore, la chute, l’écrasement des masses et des corps.
S’enraciner enfin et oublier. Attendre l’orage, des gouttes de pluie caressent le feuillage. Là-bas, il neige dehors.
Une chaleur croissante sur ma peau, un fracas dévastateur, le grizzli à gueule de cheval s’embrase à l’intérieur, son corps immolé immobile face à moi. Les flammes s’agitent et gravissent, se glissent dans le ventre et le crâne, se recrachent aux orbites. Je me réveille face à la fournaise, l’éclat aveuglant à travers les paupières, aux fond de la fumée noire et épaisse, couvert d’écorce le corps combustible. Ça sent la chair morte calcinée. L’incendie dévore les bêtes, les loups et les gueules, ravage les carcasses éventrées, les squelettes et les fourrures, ronge déjà le coeur de l’arbre, s’infiltre et siffle, s’acharne au plus profond dans la terre. Hannah s’arrache les racines, je saisi les miennes et les tranches, je tire dessus et mutile le bois, la sève gicle, écarlate, une douleur vive, un déchirement, je me redresse et presse mes gestes, ça racle l’écorce friable, des brisures que j’arrache, que je jette au feu, crépitent et disparaissent englouties réduites en cendre partout, je suffoque et ça colle au poumon, au fond de la gorge une suie épaisse. Je ne vois plus Hannah je cris son nom, elle me tire le bras et m’emporte, il faut monter, elle me dit, grimper là-bas, au fond il y a une issue, creusée au plus profond de l’arbre, il faut remonter le coeur du tronc; Hannah, j’ai rêvé de se que j’ai pu être, ici les souvenirs ressurgissent
> User’s archive N004 908 865 931/
> Stagnation / state zero - recording/
> File/ Retranscription number 0059.
>
> Encore engourdi, poussé par l’adrénaline, nous grimpons les marches comme la parois d’une falaise abrupte, trop haute et verticales, hissée une après l’autre, le feu nous poursuit je l’entend rugire à nos pieds. Hannah a révée de ce qu’elle était, Les souvenirs sont plus vifs, plus précis, elle a vu les couleurs, les bruits, se sont les siens, ses perceptions ancrés au plus profond d’elle même. Elle se souvient, les bottes crissent dans la couche de neige molle et profonde, un fragments de sa vie, une frontière en hiver. Des milliers de gens amassés, épuisés, des enfants enroulés de lambeau de chiffons et de couvertures sales, on voit à peine leurs visages bleus. Elle se souvient, ses pas dans la neige sur les routes les soulliers déchirés, des cristaux de glaces creusés dans la peau, transie de froid, les pieds crevassés, le bout des doigts gelés violacé. Autour des braséros, des figures nécrosés, ils tiennent encore debout, se soutiennent les uns aux autres et d’autre s’écroulent, on marche sur la masse des corps maigre avachis dans la neige, friables, oublié là, recouvert jusqu’à la prochaine fonte. Des territoires déchirés à travers les montagnes, sinuant les lacs et les conflits armés; les douaniers stagnent dans l’ennui profond, méprisent et dévisagent, recrache la vapeur à plein poumons. Les passeurs s’organisent, se faufilent dans la foule et rançonnent les fonds de poches, les restes au fond des sacs et des valises abandonnées, puis trainent les corps harassés. Les plus vieux, les plus malades, les plus faibles s’écroulent, s’abandonnent, recouverts encore, enneigés, vaincus, dévorés par le blizzard. Les autres luttent, affrontent la morçure des rafales, les brulures aux visages, s’acharnent un pas après l’autres les doigts de pieds cyanosés et la nuit avançent, recouvrent tout, seize heures par jours et quand le soleil se heurte au brouillard, percent à peine puis renonce, se retire jusqu’au lendemain, ils avancent encore. Ils marchent dans l’obscurité éclairés par la lampe torche du passeur, ils contournent et s’enfoncent à travers les forêts, sillonnent leurs propre chemin dans les pas du passeur, dans l’épaisseur de la neige. Le vent siffle entre les branches, elle se souvient des arbres noirs et décharnés. Puis le matin renait, un halo blanchatre à peine, une lueur éttouffée loin derrière la couche nuageuse. Ils ont peut-être changé de pays, encore, dépassé les lignes atroces, tracées à travers les arbres et la forêt, ils sont de l’autre côté. Tout lui revient, les voix, elle les comprends, ça murmurent dans une langue et ça hurlent dans l’autre, elle saisit le sens des mots; elle me raconte, alors que nous progressons au coeur de l’arbre, l’incendie à nos trousse. Je me hisse, suspendu à une arrête creusée dans le bois, un pied dans le vide et le vertige en bas, j’attrape une nouvelle prise, tout le barda dans le dos qui m’atire vers les flammes. Hannah avance devant moi, se hisse d’une main, la torche dans l’autre. Essouflés, il faudra prendre de l’avance sur l’incendie et s’arrêter à nouveau, stagner un moment, se cacher dans une brèche et laisser venir l’écorce, se laisser recouvrir, repousser les racines, laisser renaître enfin la mémoire, de ce que nous sommes, de se que nous avons étés.
> User’s archive N004 908 865 931/
> Stagnation / state zero - recording/
> File/ Retranscription number 0060.
>
> J’entend les avions bas traverser la ville, le silence qui s'ensuit. Je suis resté chez moi. J’ai allumé trois bougies trouvées dans un placard, les ai disposées sur une table au centre de la pièce. J’aperçois les meubles vétustes, l’aggloméré rongé aux coins, une dizaine de livres poussiéreux sur une étagère, un tas de vetements sur un vieux fauteuil. Ici je sens le temps me filer entre les doigts, le temps qui s’étire dans l’instant de vide et se roule en boule dans les moments d’effroi. Je me souvient des minutes qui s’allonge quand la ville autour plonge dans le noir, j’aperçois quelques incendies aux fenêtres, l’éclat lointain des missiles qui s’écrasent sur la ville voisine, puis une nuit presque total, sans lune ni étoile, un silence, l’électricité coupée. Et le temps implose quand les bombardiers approchent et fusent, balafrent le ciel et rugissent, déchirent les quartiers entiers, pilonnés l’un après l’autre. Les bâtiments s'effondrent tous criblés d’obus, les parois s’arrachent, s'abattent dans les ruelles vides. Derrière ma fenêtre barricadée j’observe à travers la brèche, j’entend les déflagrations, je vois la lumière quelques secondes et mes murs tremblent, le fracas des vitres éclatées et le verre s’écroule en bas, ça se rapproche encore, ça déferle comme l’onde d’un séisme. Parfois je ferme les yeux, épuisé, dans le creux d’un silence tranché par les tirs et les cris. Je vois les gens dehors s’échapper des immeubles, des silouhettes fuir dans les rues entre les carcasses, les familles égarées, désespérés ils trébuchent et hurlent, le père mitraillé, les autres se retournent, rebroussent chemin, le traine, le tirent par les bras et tombent à leur tour, touché à la tête la nuque brisé l’enfant s’éffondre, une femme, l’abdomen arraché par une rafale, les survivant hurlent couvert de sang. Ils s’abandonnent, la petite délaisse les bagages trop lourds, leurs valises éventrées, les vêtements, les provisions éparpillées sur les amas de gravas. Puis le jour vient à nouveau et je sors, je me traîne dans les rues, je compte les cadavres. Les gens ahuris, les figures ensanglantées poussiéreuses, ils fouillent leurs ruines, cherchent leurs proches, leurs chats, leurs chiens errants. Il regardent ce qu'étaient leurs bâtiments là écroulés au-dessus du sous-sol où ils se réfugiront encore à la nuit tombée, se faufileront entre les décombres. Dehors on perçoit le crachat des petites radios, enfouies dans l’onde saccadée, on discerne les voix convulsantes submergées de bruit blanc, ils décrivent l’avancée des troupes et dénombrent les villes tombées, les unes après les autres, quarante-septième jours de guerre. Je revois tout ça, j’y suis et ça m’appartient, je ressent la peur, la désolation.
à réécrire / à placer tout ça plus haut : Quelque part dans le tronc, peut-être encore sous terre, tout proche des racines consumées, de l’incendie qui ronge la chair du bois creux et se rapproche. Je crois que Hannah fait le guet, surveille la progression de l’écorce et la poussée des racines tout au long de mon corps, surveille que je ne m’oublie pas trop longtemps, du moins je l’espère. Je me rappelle, une voix famillière, peut-être ma femme, le sentiment y ressemble, une voix, à travers le réseaux, me répète de les rejoindre, là-bas il n’y a pas de bombardements, il n’y a pas l’armée, l’armée ne s’intéresse pas aux campagnes, et elle me supplit de quitter la ville, ne prend rien et fuit, rejoind nous tant qu’il est encore temps, elle me dit d’emprunter la - et l’espace-temps se déchire, j’ai oublié son prénom, comme le reste, j’ai oublié son visage, je me rappelle et me répète encore le timbre de sa voix, pour ne plus rien oublié, et, douloureusement, déraciné, je me reveille. Hannah m’arrache et gratte déjà l’écorces, je sens la chaleur et j’entend les flammes rugissantes, je respire l’épaisse fumée noire et suffoque, elle me dit que l’incendie avance, dévore l’escalier en bas, il faut monter encore.
Je sent les flammes me lécher la peau, déjà, la brulure horrible, l’odeur de l’arbre qui se consumme et la fureur partout, la lumière qui me brule la rétine, et à cet instant je me souviens, cet espace-temps précis, comme une demi-seconde ou l’infini, tout ou presque me reviens comme un flash, des milliers d’images, supperposées en transparences, des instantannés, des mouvements, des lumières et des éclairs, des pensées, je me rappelle (d’une vie)
à réécrire : L’escalier serpente à l’intérieur du tronc dans toute sa largeur, comme gravir un phare infini, une tour qui rejoindrait le ciel, aux fondement dévoré par l’enfer.
> User’s archive N004 908 865 931/
> Stagnation / state zero - recording/
> File/ Retranscription number 0061.
>
> Ici les hommes doivent rester. Ils s’arment et s’entretuent, défendent des terres, une patrie qu’ils n’ont jamais aimé. Les villes qu’ils subissaient hier s’écroulent à présent et certains s’y battent de bon cœur, jubilent, font gicler le sang. Ils trouvent un sens à leurs vies, ravivent la haine enfouie et le patriotisme, se saoulent et se tordent, hilares, déchirent les membres de l’ennemi à coup de rafale. Ils désamorcent les obus, sabotent les chars, séquestrent et torturent les otages envahisseurs, les jeunes hommes sacrifiés, effrayés, noyés d’un linge sur la gueule la peur au ventre les orteils arrachés. Ils n’avouent rien, sont au courant de rien, savent à peine où ils sont. Les uns après les autres ils partiront nourrir les fosses communes, je les ai vu, jeté à peine vivant, là où traînent les charognards, les bêtes suantes plombées de chaleur. Des chiens décharnés halètent, errent harassés parmi les verrats carnassiers, ils enfouissent leurs groins, fouillent et dévorent, se disputent les restes pestilentiels, déterrent les membres calcinés, ensevelis, ceux dont les chairs nourrissent le brasier étouffé par la masse des corps. Les sangliers détalent dans les ruelles et les soldats les chassent, les attrappent et les ligotent, affutent leurs lames et les égorgent, la bête se débat et défèque, défait ses liens mal foutus et s’échappe, l’artère tranchée le sang qui gicle sur le bitume, s’écroule à l’autre bout de la rue, pousse un dernier cri et convulse dans un caniveau. Ils rattrapent et traînent la charogne par les pattes, découpent sa viande engraissée à la chair de l’ennemi et les hommes se dévoreront, terrés au fond des ruines, à la lumière rasante du crépuscule.
Je me souviens d’avoir déserté, engagé contraint à combattre, lâche, je tirai sur les murs parfois, je ne visais pas, je fermais les yeux, crispé, je ne sais pas tenir une arme et le recul me déboite l’épaule couverte d'hématomes violacés. Seul survivant je suis parti en plein combat, mort ou vivant personne ne sait. Je ne dors plus, mon visage se creuse je le sens sous mes doigts, la peau qui racle sous mes ongles terreux. Une barbe crasse me bouffe le visage, je sens la sueur âcre s’y mêler depuis plusieurs jours déjà, j’ai maigri, encore, je touche mes cotes sous la peau, je ne mange plus, ou à peine parfois des boites de conserves trouvé dans des appartements vides, j’enfonce ma lame dans le métal, avale une gelée flasque et tiède, je m’abreuve et me lave à l’eau des pluies contaminées qui ruisselle des citernes éventrées couvertes de ronce au fond des champs. J’ai peur constamment et je fuis. Je parcours les terres des campagnes depuis des jours, je contourne les villes, je choisis la nuit, le jour je ne fais rien, j’évite le bruit, aucun geste, je me cache dans les granges et j’entend les bombardiers déchirer le ciel d’été.
L’ennemi ravage les villages, retourne les maisons, attrape les hommes, les abat d’une balle dans la nuque au fond d’une cour et les chiens déchaînés aboient sur la dépouille de leur maître. Les soldats fouillent les caves, renversent les meubles, arrachent les familles cachées là, sanglées, exécutées. Je me souviens du sang et des crânes brisés, la terreur figée sur leurs visages, des giclures sombres sur les murs de béton nus à la lueur d’un néon suspendu. Les hommes violent les femmes et les filles sur les cadavres de leurs fils, j’ai encore l’image de ces corps retrouvés évissérés au fond d’un fossé, je les ai vu, ces corps désarticulés, le sexe nue le foutre séché sur ses cuisses tuméfiées. Elle avait les cheveux blonds, emmêlés, collés à son visage, écorché, maculé de sang séché, sa mâchoire édentée, les lèvres et les gencives en bouillies. Ses seins nus, mutilés, sa poitrine couverte d'ecchymoses jusqu’au cou, sa peau livide brûlait déjà sous le soleil d’été. Tous ces corps dévorés par la terre, jetés aux ronces, elles n’ont plus de dents, pourquoi n’ont elles plus de dents ? je ne me l’explique pas, et j’y pense, constamment, cette vision marquée à jamais, tous ces corps sur les bords des routes de campagne, les stigmates de la rage, de la fureur. Je me rappelle de l’odeur, je me rappelle de ces villages, de cette nuit où j’ai passé la porte entrouverte de cette bâtisse de pierre au milieu d’une ferme, l’empreinte des bottes piétinant la boue devant l’entrée, l’empreinte profonde des chenilles de char d’assaut coupant à travers champ. J’ai fouillé à mon tour des armoires vides et renversées, j’ai vu des cadavres aux gorges tranchées, les corps des chiens abandonnés à la fange. J’y ai volé les vêtements des fils, avalé des restes, du bout des doigts, de la farine miteuse renversée au fond d’un tiroir. J’ai couvert d’un drap les corps affalés sur le parquet grinçant du couloir, et j’ai dormi, d’un sommeil lourd et sans rêve, étendu sur un matelas renversé dans une chambre à l’étage, le plus loin possible de l’odeur de mort qui me parvient encore.
je me souviens, réveillé en sueur, au milieu d’une nuit de pleine lune, j’entend le hululement d’une chouette dehors, il y a du bruit en bas. Je ressens encore cette peur m’agripper les tripes, le ventre vide, ce bruit de métal qui racle contre le carrelage. J’attrape mon fusil, je me lève, lentement, je marche sur le parquet, mes genoux craquent dès mes premiers pas. Je me fige, le bois grince sous mes pieds. Il y a quelqu’un en bas, un vagabond, un déserteur, un soldat ennemi, là juste en dessous de moi. Il se déplace et fouille la maison. Je sors de la chambre, j’enjambe les cadavres drapés dans le noir, j’avance dans le couloir, je me poste en haut de l’escalier et j’attend. Je n’entend plus rien, si ce n’est mon cœur qui martèle ma poitrine, les battements à mes tempes, à mes poignets. J’essai de calmer ma respiration, un gargouilli s’échappe de mes intestins vides. Terrifié, je pose ma main, je sens mon ventre creux et j’ai mal, je ne bouge plus. J’observe en bas par la rambarde, la sueur me coule le long du dos, s’accumule à la ceinture et ça me démange, je serre ma main contre la crosse du fusil pour controler les tremblements. J'attends. Peut-être est-il parti ? Si l’homme monte je l'aurais en joue. Je ne sais pas tirer mais je le laisserai monter dans le noir, s’approcher à quelque mètre, ses pas feront craquer la septième marche, je l’entendrais respirer, se rapprocher encore. Il ne sais pas que je suis là, ou peut-être que si, peut-être qu’il me cherche. Quoi qu’il en soit je tirerai, plusieurs fois s’il le faut, son corps projeté dégringolera les escaliers, juste un cadavre de plus et je partirai d’ici, à travers la forêt. Et je me souviens, ça se rapproche, une respiration, un souffle animal, l’ombre projetée au mur par la lueur de la lune, la vision de ses bois dessinés dans la nuit, comme une apparition. Un cerf traverse le salon, doucement. J’entend ses sabots, j’aperçois la lueur dans ses yeux. Je sens son odeur de bête flotter au milieu des bouffées de mort, et j’y vois comme un espoir, une épiphanie, un instant suspendu au creux de la guerre. Je voudrais que le monde s’arrête de tourner. Que tout s’arrête là et se fige à jamais.
Il me sens peut-être, ou mon odeur se camoufle sous celles des cadavres. Je descends les marches doucement et je le vois, élancé, massif, et il me semble à cet instant n’avoir jamais rien vu de plus beau. Ses longs bois raclent parfois les murs quand il tourne son buste. Il se dirige vers la cuisine, renifle les boites de conserves vides écrasées au sol.
Le lendemain, j'entrepris de sortir les cadavres de la maison, un par un, en commençant par les deux hommes à l’étage. Cachés sous leurs draps, un vieillard rachitique, un autre plus jeune et corpulent, d’une centaine de kilos peut-être. Je n’eu aucun mal à déplacer le vieillard, son corps frèle trainé par les pieds dévala les marches sans peine. Mais je me souviens d’avoir tiré de toute mes force sur le corps bouffi du second, d’abord poussé le long du couloir, puis dans l’escalier exigu, je vois encore sa masse qui dévale les premières marches, sa tête désarticulée s’écraser contre la rambarde, son ventre lourd tassé contre le mur. À bout de force, je l’abandonna, coincé là pour la nuit. Les corps laissaient une silouhette sur le bois du parquet, une trainée sombre (brune?) à leur passage, un mélange organique liquéfié, putréfié, j’y devinais des relent de merde, de chair décomposée, du sang coagulé mêlé à une macération de fluides indéfinis et pestilentiels. Je me revois vomir ma bile, quelques restes de boîtes de conserve dont je me nourrissais parfois le soir. Je me rappelle de mon ventre creux, parcouru de spasmes incontrôlables. Je n’avais jusque-là jamais touché de cadavre. J’en avais vu, certes, plusieurs centaines ou des milliers. Mais jamais je n’avais dû empoigner ces chairs mortes. L’odeur qui me restait sur les doigts, insoutenable, mes vêtements imprégnés, ces relents de mort qui me suivait partout, de jour comme de nuit, jusqu’au fond du lit quand le sommeil m’emportait. J’en avais sous les ongles, dans la barbe et les cheveux, jusqu’au fond de la bouche et du nez. En sueur, je rinçais mon corps, ma tête sous un robinet qui crachotait son eau maronnasse, son odeur de terre contaminée. On s'habitue à tout, mais pas à ça. Le lendemain j'eus un mal fou à lui décoincer sa tête, sa nuque disloquée sous sa peau violacée. Je me rappelle avoir tiré pendant des heures sur ses vêtements, mais le corps ne cédait pas. Je l’ai laissé là plusieurs jours. J’enjambais cette masse décomposée en travers des marches pour m’occuper des deux femmes, des deux enfants au sous-sol. Un garçon, peut-être une dizaine d'années, une petite fille, même pas quatre ans. J’ai laissé les cinq corps, chacun couvert d’un drap, alignés côte à côte dans le champ de blé ravagés. Je les retrouvais tous les matins, toujours un peu plus dévorés par les bêtes, (les corbeaux qui s’envolent) les enfants traînés parfois sur plusieurs mètres. Je voulais sortir le père et les réunir, faire de cette maison la mienne et rester ici. Me mettre à l'abri, au moins y passer l’été, l’automne à venir et préparer l’hiver, récolter des vivres, de quoi me nourrir, me réchauffer et attendre, laisser ici passer la guerre. J’ai dut d’abord arracher les barreaux de la rambarde, sans succès, la tête venait se coincer contre le suivant, que j’arrachais à son tour, et ainsi de suite. Désespéré je frappais le gras à coup de pied, j’hurlais, de toute mes force, la chair se déchirait, une bouillie de tripes se répandait sur les marches, et de dégoût je vomissais à nouveau mes restes. Je ne voulais pas le concevoir, c’était comme au fond de ma tête, mais je devais le découper, le désosser, trouver une cie ou quelque chose, décoincer ce monstre putride qui empestait l’enfer. Ça imprégnait l’air, ça s'infiltrait dans le bois des marches, dans la pierre, dans mes vêtements et ma propre peau. J’avais peur d’attraper des maladies, de crever à mon tour, c’était ridicule, je devenait fou; et, torse nu, la bouche couverte d’un simple linge, protégé en rien, je me mit à démembrer le corps en hurlant, en pleurant, emporté par la folie, la chaleur, la faim et la soif; il fallait faire vite, débarrasser la maison de tout ça. Ce fut un véritable carnage. Je n’avais qu’une obsession. Je me revois attraper une hache émoussée trouvée au sous-sol, remonter à l’étage et frapper le monstre, de toute ma rage, pendant deux jours. Je le trainais, morceaux par morceaux, jetés petit à petit dans son trou. De la bouillasse mêlée à la terre, à la roche et aux racines arrachées. Je pris le temps de creuser six tombes alignées devant la grange, peu profondes mais juste assez, histoire de couvrir l’odeur insupportable. Les corps dévorés y reposent, jetés là au fond, éparpillés sous leurs monticules de terres sèches. Et je n’ai plus compté les jours. J’aurai voulu brûler tout ça, sans carburant, je me souviens avoir cherché désespérément de l’essence, dans le garage, au sous-sol, dans le réservoir rouillé d’une carcasse de tracteur oublié, un tas de métal cabossé sous la broussaille. J’avais peur des incendies, la sécheresse aurait tout emporté, le bois de la grange, la maison, les champs et la forêt. Et j’ai poussé les restes du père sous la terre avant que la nuit tombe.
à rajouter : creuser la terre brulée / sous le soleil / la tranche de la pelle cogne contre la pierre rèche / écrasé de chaleur / chaleur écrasante, harassante / la terre asséchée / soleil vibrant aveuglant / zénith / paysage brulé et sans ombre / la peau rougie, pelée / des cloques dans le creux du pouces et sur les paumes / de la terre dans les rainures / mélé à la sueur dans les plis du front
Puis je l’ai attendu, et chaque nuit le cerf est venu. Je laissais les deux entrées grandes ouvertes, (la baie vitrée dont je pris soin d’enlever chaque bri de verre au sol et au montant). Posté en haut de l’escalier, j’attendais. Il fut mon espoir, ma raison de tenir encore un peu. Il ne restait que quelques minutes. Comme un spectre, un miracle, une éternité, gravé à jamais dans ma mémoire. Il traînait, reniflait un peu, puis repartait. La maison était simplement sur son passage. L’animal, curieux, posait ses sabots sur les premières marches et flairait mon odeur, m’apprivoisait je l’espère, et parfois, l’espace de quelques secondes, je captais son regard.
Je retrouvais au matin, un renard qui détale, des souris ou quelques chats errants. Un jour une chatte mit bas sous le canapé, une portée de trois chatons.
À court de nourriture, je fouillais les moindre recoin de la maison, mais il n’y avait rien, plus rien du tout, le moindre placard était vide. Les boceaux et les boites de conserves s’amoncelées sur le sol de la cuisines, sur la table et le plan de travail, sans m’en rendre compte j’avais fini leurs réserves. Je ne chassais pas, je refusais de verser le sang des bêtes. Je bénissais chacune de leurs apparitions, je voulais plus que tout faire partie des leurs, je voulais qu’ils se multiplient et envahissent la maison, qu’ils y trouvent un refuge, que la forêt s’avance et submerge peut à peut la cuisine et le salon, recouvre les murs de lierres et de vignes vierges. J’excecrais l’être humain et toutes ses horreurs, son histoire, ses guerres et ses morts. Je détestais plus que tout les hommes, et j’aimais les bêtes comme des amis, je voulais m’y fondre et faire de la maison leurs monde autant que le mien. Je tachai de me nourrir un peu et mon corps reprenait forme, je ramassais encore des grains de blé pour les broyer, les manger en farine, mais les récoltes étaient en partie cramées, parties en fumée ou impropre à la consommation. Lors de mes recherches, je pu trouver une bibliothèque dans une des chambres, ainsi qu’une petite radio portable fonctionnelle. Les livres étaient en majorité des romans, des classiques habituelles que l’on nous forçait à lire à l’école. J’ai pu trouvé au milieu de tout ça un guide des plantes sauvages commestibles, rempli de fleurs et de plantes savament déssinées, des pétales aux racines, des plantes que j’avais pu voir souvent sur les chemins, des orties, des trèfles, des paquerettes, des racines de pissenlits et de barbanes, des ronces dont on peut manger les bourgeons et les pétales de fleurs, l’oseilles sauvage à utiliser en soupe ou en salade, le sureau noir dont on se nourri seulement des baies violacées et des fleurs une fois bien cuites. Et je partais au matin, m’enfoncer de plus en plus profond dans la forêt, à l’abris de la chaleur intolérable des après-midi qui venait. Je flannais à l’ombres des arbres, je ceuillais des plantes, le livres à la main, attentif au moindre descriptions. Je passais des heures à écouter la forêt grouiller, le bruissement des feuilles et le craquement des branches, le chant des différents oiseaux. J’en oubliais la proximité de la guerre, il n’y avait ici ni explosion ni cris, je n’y avait jusque là jamais entendu d’avion, les seuls stigmates encore visibles étaient ses traces lourdes de chenilles de chars d’assauts, creusée pronfondément dans la terre des champs alentour. Je rentrais avant que la nuit tombe. Je me nourissais de mes trouvailles, à la lueur d’une bougie. Et comme chaque nuit j’attendais la venu du cerf, posté en haut des escaliers, et le cerf venait, passait par la baie vitrée dont j’avais pris soin de retirer chaque bris de verre. (ici ou en haut ?)
Je ne savais ni l’heure ni le jour et je ne comptais plus, je distinguait le matin du soir et laissais passer les nuits, je sentais la chaleur s’appesentir encore, les jours se racourcirent peut-être et doucement s’approcher la fin de l’été. Une nuit vint l’orage, je me souviens de l’absence du cerf et des bêtes. Seuls les chats se réfugièrent dans la maison agitée, à l’abris, apeurés sous le canapé. La pluie s’abattait sur les tuiles, les grondements faisaient vibrer les vitres et les éclairs déchiraient le ciel, pieds nus dehors sous la pluie j’observais la forêt s’illuminer l’espace d’un instant.
Toutes les nuits j’allumais le poste de radio et parcourait les fréquences, longeais les longues plages de bruit blanc. Je pointais l’antenne vers le ciel à la recherche des ondes, des voix perdues dans le ciel, parfois j’aurais voulu connaitre l’état du monde. Je me disais que j’étais le seul survivant, j’imaginais un conflit mondial, un déchirement, un éclat atomique, dévastateur, des milliards de morts, et moi, épargné, perdu au milieu de nul part. Je ne savais après tout même pas où j’étais, dans quelle région de quel pays ? Les nappes de bruit blanc s’intensifiaient parfois, sillonées de saccades tel un rythme sourd provenant de l’audelà, d’un ailleurs, du vide quelque part, de l’éther au fin fond de l’espace, un rayonnement cosmique révélant les début de tout et la fin des temps, une boucle sans fin de nonsens astral ou quelque chose dans le genre.
Au matin la brume s’accrochait en lambeaux à la cime des arbres, je vis à la fenêtre de la chambre l’aube et sa lumière blanche percer les nuages ras, et je compris cette vision qui m’était jusqu’alors un mystère. Ce n’était pas une vision d’enfance mais une révélation : j’étais seul, seul au monde au milieu des bois, sans signe de rien ni personne, seul reste et témoin de ma civilisation, peut-être à l’aube d’une nouvelle air, ou peut-être perdu dans un espace de latence entre deux monde. Je n’étais plus rien même si je n’avais jamais été, à peine plus qu’une poussière, une vie insignifiante, l’espace d’un souffle dans l’histoire d’un quelconque univers ou je ne sais quoi. Tout était à la fois vertigineux et dérisoire, et je le compris à cet instant précis, je n’étais rien et la fin de tout n’était que dalle. Je me revois attraper le petit poste de radio et me pencher à la fenêtre, j’entrepri de monter sur le toit, (préciser l’action ici) accroché à la gouttière bouchée par les feuilles morte et remplie d’eau de pluie, j’attrapa une après l’autres les tuiles encore glissantes et je monte, tant bien que mal. Posté sur la tranche du toit contre la cheminée, l’antenne pointée au plus haut, j’attend, le bruit blanc s’échappe au creux du brouillard qui nous entour. Il n’y a rien que du blanc. J’entend le bruit du vide et de la solitude.
Le son du poste radio devint un bruit de fond entêtant, un bruissement continu logé au fond du crâne. Je passais mes journées le transistor à la main, le haut-parleur collé à l’oreille; je le laissais cracher ses vagues de grésillement en cascade et ses sifflements modulés, de jour comme de nuit, inspirant mes rêves et mes cauchemars. J’attendais, j’hallucinais les voix, les signes, les mélodies et les rythmes cachés. Je n’étais plus seul. Je changeais les fréquences régulièrements, passais du AM au FM en y arpentant les moindres soubresauts, en traversant ces paysages grisâtres, survolant ces montagnes déchirées(rep) de séismes, ces falaises mouvantes et abstraites, ces restes amoncelés de notre histoire, de notre humanité. Obsédé par le bruit, je le voyais prendre forme et se propager dans l’espace, les couleurs saillantes s’échapper des masses anthracites, s’y creuser les brèches et les crevasses, jaillir les lumières comme la lave d’un volcan déchirant(rep) la terre; et parfois une voix y émergeait pour disparaître, instantanément, à peine une syllabe ou deux, une aurore boréale, un fantôme ou une hallucination. J’étais possédé, en transe, mon crane comme l’épicentre des ondes sismiques, je ne ressentais ni la faim ni la soif. Il y avait enfoui aux creux des vibrations une vérité insondable, une énigme dont je cherchais les réponses. J’y décelai la logique du hasard et celle de l’entropie, jusqu’à sa toute fin, j’y cherchai dieu, les débuts de tout, de l’humanité jusqu’aux prémisses du big-bang et l’ombre juste avant, je cherchais le vide. Mais ça me dépassait. Ce langage était celui de dieu, j’en était persuadé. Je n’y avais pas accès. Ou du moins il m’était visible, oui, à cet instant, mais je ne pouvais que le contempler, sans le saisir ou le déchiffrer, sans n’y comprendre que des brides, des intuitions. Car comme dans l’air et la terre, dieu était là en chacun de nous. J’y voyais une leçon d’humilité. Je n’étais rien et je respirais l’oxygène imprégné de bruit et de vérité. Je ne pouvais que vivre ma minuscule expérience, et lui en être reconnaissant.
(le verbe déceler, le mot convulsion)
Je me mis à écrire frénétiquement mes souvenirs sur les murs des couloirs et des chambres à l'étage. Mots après mots j’y marquais la guerre aux feutres noir, d’abord la guerre car avant ça il me semblait n’avoir jamais vécu. Tout oublié jusqu’à mon reflet, mon propre nom. Et de l’enfance il ne me restais que des impressions diffuse, je me souviens d’images abstraites peut-être universelles, ne m’appartenant peut-être pas. Des idées qu’on se fait de l’enfance et du deuil, de la vie arrachée à l’ignorance, incrédule et révolté parfois grandissant même face à la violence, sa propre violence et subissant celle des autres, tomber se relever, gratter les croutes au genoux, rire et aimer ses proches et les autres, oublier les prénoms, les quitter, des souvenirs de vacances, des amours vifs éffacés, juste une image, douce, indicible, des photographies prisent à la vollées, perdues, retrouvées, je ne suis pas certain que tout ça m’appartienne mais je l’écris, les embruns d’été comme la neige parsemée de l’hiver, fondue à peine sur l’asphalte, un chat sur les genoux de ma mère, des rues désertes à la nuit tombée dans un pays dont je ne me souviens pas du nom, d’une ville et ses chiens hérant tranquilles aux pieds des portes, le poid de la chaleur, ses ruelles grises comme des collines et l’océan déchainé là-bas, le langage des gens que je ne comprend pas, tout me venais soudainement en cascade. Je griffonnais frénétiquement chaque murs et j’y cherchais les réponses, encore, car il y avait les réponses, cachées en toutes vies, dont la mienne, celles des arbres, des insectes, des pierres et des grains de poussière, dans l’ADN des cadavres pourrissant sous la terre, dans celle des vers leurs dévorant les chairs. Au bout du deuxième jour, mes écrits remplirent chaque espace, descendirent peu à peu l’escalier pour envahir le salon et l’entrée. Anonyme je souhaitais laisser une trace, le témoignage d’un soldat déserteur réfugié ici, j’y racontais les routes et les morts, chaque coup de fusil, chaque balle perdu et les impacts laissés sur les murs. J’y ai écrit ma survie et la mort des autres, leurs corps déchirés sous les bombardements et les immeubles écroulés au matin, les survivants incrédules aux milieux des ruines, soulevant les gravas, la gueule en sang. J’y ai écrit mes souvenirs, les mêmes narrés ici comme en écho. J’y ai laissé les noms de ces gens morts, violés, assassinés, leurs vies que je n’ai pas vécues, leurs noms laissés sur quelques enveloppes déchirées, sur quelques lettres et livres d’écoles. Comme un mémorial, ici habitaient Ivana Demchenko, Anatoli Demchenko, Louri Smirnova, Anna Smirnova, Stepan Demchenko, Roman Fedorov. Tous morts dans cette maison sous les balles de l'ennemi. À ceux qui les chercheraient, leurs corps reposent aujourd’hui sous la terre, dans les champs de blé devant la grange.
Un jour le signal faiblit. (Impuissant) Je l’ai écouté agoniser, cracher ses dernières convulsions, s’éteindre peu à peu pour laisser place au grand vide. J’ai redouté le silence, mais j’entendis à nouveau les chants mêlés des oiseaux, le bruissement de la forêt, le vent dans les feuilles, un acouphène au fond de l’oreille gauche. Je ne savais rien. La vérité de toute chose m’était à présent volée par de simples piles vides, c’était ridicule, intolérable. Ma vie et les multiples révélations de l’univers ne se résumaient qu’à ça, des putains de piles vides. C’était insupportable. J’étais à nouveau seul, désespérément seul. Je me revois, moi, trainant mon corps grêle face à ces murs, suçotant les piles AAA dans l’espoir de leur insuffler un peu d’énergie, les doigts baveux, face à ces écrits incompréhensibles qui devaient être les miens, un charabia sans début ni fin, des lettres envahissant les murs de la maison, débordant jusqu’au plafond. Je n’y comprenais rien. J’étais devenu fou. Il faisait jour, peut-être le matin. Il faisait frais, moi j’étais nu, maigre et crasseux, des phrases incompréhensibles marquées sur les avant-bras, sur le ventre et les cuisses. La vérité était peut-être juste là sous mes yeux, inscrite sur ma peau, insaisissable. Dehors l’été laissait visiblement place à l’automne, une légère brise traversa la maison silencieuse.
BROUILLON :
J’ai renversé chaque fond de tiroir, ouvert les boitiers des télécommandes, dévissé les lampes, les réveils matin, rien. PASSAGE MALADROIT : (??L’ennemi avait-il retourné la maison et tué ses habitants juste pour voler leurs piles ? Avaient-ils compris que la vérité de toute chose se cachait là dans l'énergie insufflée par ses petites batteries ? Faisaient-ils la guerre juste pour en voler un maximum et conserver pour eux la parole de dieu ? Confisquer la vérité au reste du monde ? Ne pouvaient-ils pas juste en construire d’autres à la chaîne dans leurs usines à piles ? Peut-être n’en avaient-ils pas la technologie, les composants ou les compétences, comme de véritables barbares violeurs stupides, des monstres, il n’y a que ça, il faut être un monstre pour s’approprier la vérité rien que pour soi. Nous laisser dans l’ignorance.??)// Moi, j’y étais presque, j’étais à deux doigts de savoir. J’aurais pu être un prophète, apporter la parole de dieu aux survivants du nouveau monde. Je m’imaginais déjà, le fils de dieu, en pèlerinage de ville en village pour prêcher la vérité venue des ondes. J’aurais pu être quelque chose. Et je délirai encore en retournant chaque matelas, en inspectant l’espace entre les murs et les bureaux, en fouillant la poussière sous le canapé, pendant des heures, toujours rien. Je me mis alors en tête de chercher d’autres habitations aux alentour, ils ne pouvaient pas être ici complètement seul, il y avait bien quelque part une maison épargnée, un hameau, un village, les décombres d’une station service, une pharmacie ou un supermarché en ruine, quelque chose qui aurait un jour vendu des piles, des piles AAA encore pleines dans leurs petites boites, des petites piles dans la machine pour passer la carte bancaire, pour changer les chaînes, augmenter le volume de la télévision du bar du coin, ou peut importe. Des piles qui attendraient sagement d’accomplir leurs destinées, telles des reliques du corps de dieu descendu sur terre, oubliées là, s’oxydant sous les gravats. Je rempli mon sac d’une gourde, de quelques fruits et racines, je m’habilla et emporta des vêtements de rechange, un manteau trouvé à l’étage, le livre des plantes comestibles, la radio et mon fusil à l’épaule.
Une fois dehors je n’ai pas su si c’était le matin. Je n’ai pas reconnu les arbres, leurs feuillages brunis aux quelques branches décharnées, les champs envahis de broussailles, les monticules de terre sous les ronces. Une légère brume vivotait à la lisière et pénétrait la forêt, il faisait gris, l’air était froid et humide. Le soleil là-haut n’était qu’un halo livide à travers les nuages. J’avais du faire un bon dans le temps. Depuis quand n’avais-je plus dormi ? Je devenai à moitié fou, épuisé, je luttais pour rester à la surface du réel, je m’y accrochais maintenant, et je confondais tout. L’important c’était les ondes, et elles étaient là, partout, tout le temps, elles flottaient là dans l’air et la brume, me traversaient le corps, descendaient du ciel et se répercutaient à la surface de la terre. Et je ne les voyais pas, l'éther silencieuse. Je nageais littéralement dedans et je me suis mis à marcher, transporté par une force invisible, j’ai parcouru les forêts et les champs.
Nourri de la terre et des arbres, à la nuit tombée, des fragments plantés sous les ongles, l’exsudat poisseux collé aux doigts, j’ai gratté l’écorce, raclé le tronc, écorché, rongé à pleines dents. Du bout du doigt je frottais les miettes sur ma langue, la cève mêlée à la salive, un peu de terre étalée aux palais, des filaments de lichen collée le long de l’œsophage, quelques morceaux de mousse arrachés; un gout acre de tanin et d’humus, une pointe d’acidité. J’avais pu lire à la lumière du couchant que l’écorce et les aiguilles de pin étaient comestibles, j’accompagnai ça de racines trainant au fond du sac, d’une poignée de baies séchées. Et le temps fut long, dans le noir profond d’une nuit sans lune; là haut, je vis le ciel invisible à la cime des arbres. Accroupi contre une souche, le corps frissonnant sous le lourd manteau de cuir rembourré de laine, l’air froid me saisissait, m’agrippait la peau. Je respirai en saccade, je gardai les yeux ouvert et je ne voyai rien. J’entendi un rongeur détaler dans les feuilles mortes. Le prédateur rodait quelque part, nyctalope à l’affut, camouflé derrière le feuillage. Une proie s’échappa, ça couinait, ça se débatait dans la broussaille, et les serres s’enfoncèrent et crevèrent la chair, le sang se déversa, se mêla à la terre. J’entendi battre des ailes, un dernier cri, éttouffé, des bestioles nocturnes dévorées par d’autre, et ça criaillent, ça grouillent dans le ventre obscur de la forêt agitée. Les insectes invisibles frémissaient autour de moi, les arbres craquaient et grinçaient comme des vieilles carcasses. La forêt se digèrait, prolifèrait, je la sentais vibrer sous mes mains comme enivré par son odeur, son pourrissement perpétuel, son gout encore au fond de ma bouche, un peu de terre avalée au fond du corps. Mes doigts plantés profondément dans l’humus, dans la matière froide et humide, j’y déterrai les coléoptères, les vers visqueux, les fines racines et les spores que je portais à ma bouche, des petits cailloux que je suçotais et fourrais à l’aveugle dans mon sac, comme un tas de petits trophées froids. Je me mis à fouiller la terre, exalté, pareil à un animal aveugle, un sanglier-humain, possédé par une sauvagerie instinctive ancré au fond des tripes, végétative, les muscles tendus j’éructe et je crache, acharné, je grogne et je mâchouille, je renifle dans la nuit moite, l’air me colle à la peau, se mêle à la sueur poussiéreuse de mon corps odorant.
Épuisé, avachi contre la terre en position foetal, je défis ma ceinture et fourrais mes mains dans mon jean, me branlais un peu, mollement, renonçant, je me grattais frénétiquement l’aine, j’empoignais mes testicules poisseux collés à la peau des cuisses, grattais la terre glissée entre les plis. Ça me démangeais comme une maladie, la peau à vif, rugueuse sous les ongles crasses, une sorte de frottement ou des plaques d’eczéma. Je senti un liquide chaud me couler sur les doigts, imbiber le tissus du jean et je fini par m’endormir, haluciné.
Je me traîne et je rampe, réveillé au prémisse de l’aurore, j’aperçois quelques lueurs à travers les bois, je me tiens d’une main le ventre déchiré, secoué de spasmes, je crache, je tousse et j’expulse par accoup l’écorce machée, les feuilles et racines tout juste digérés, des traces de terre mélée à la bile qui me pend à la barbe couverte de vomissures. Des battements arythmiques secouent ma cage thoracique, je suffoque et gémis, je sens venir la diarhée, incontrolable, une force me tiraille l’intestin, j’ai le ventre qui convulse et je pousse de brefs cris roques, des gargouillis de bave, je subis, je me laisse tordre par la douleur, l’âcreté m’arrache la gorge et j’expulse, je me vide, encore, jusqu’à m’écrouler, épuisé. Je sens chaque pores de ma peau transpirant ses gouttes froides, perler la sueur, j’ai froid contre le sol, je vois trouble, des taches flous sur la rétines, les bruits m’agressent, le froissement des feuilles mortes sous mon corps frémissant, je me sens m’enfoncer dans la terre moite.
Inerte comme une roche, une souche de bois mort, les insectes arpentent mon corps, des fourmis cheminent et transportent méthodiquement une à une les restes de vomissures étalés sur mon visage, les bêtes me contournent, passent près de moi, me renifle et détalent. Un renard me lèche la barbe et les cheveux, je l’entend machouiller quelques chose derrière mon oreille, je sens son haleine, son odeur animale, sa langue chaude et rapeuse sur ma nuque, je n’arrive plus à bouger. Le vent se lève, légèrement, emporte les feuilles mortes qui me recouvrent peu à peu. Un rayon se pose et me réchauffe le visage, je ferme les yeux, je vois les formes s’agiter sur mes paupières rouges de sang grésillant, des taches bleues et d’autres jaunes, blanches, des filaments transparents collés à la rétine, ça monte et ça glisse et j’observe les formes mouvantes, abstraites, un gout acide qui me reste au fond de la bouche, la gorge irritée j’avale la salive, une odeur maladive, la nausée collé au corps. La journée passe, peut-être, le temps s’étire. Les rayons de lumières tournent et s’allongent, percent la forêt, se répendent sur ma peau et m’apaise, je sens l’évaporation autour de moi comme un frisson, un tremblement décéléré, un souffle distendu.
J’émerge, j’ouvre les yeux, à peine. La lumière est blanche, aveuglante, horizontale, ses rayons traversent l’enfilade des arbres infinis, étire les ombres filiformes, sombres à peine mouvantes; j’aperçois là-bas une silhouette élancée, noire et solitaire. Quelques secondes suspendues aux derniers instant du jour, le cerf traverse la forêt comme un mirage, une apparition - ses long bois déssinés, des lignes et des courbes enchevétrées, noyés sous l’éclat. J’affleure à la surface, l’air est froid, le vent léger, je somnole, le corps engourdi. Je sens chaque mouvement douloureux, mes membres alourdis par la torpeur et le sommeil. Les feuilles mortes et la terre collent à la peau, au visage, au vêtements humides, une odeur d’excrément, d’urine et de poussière. Je me lève et je saisi mon fusil à la crosse glissante, mon sac aux tissus imbibés, quelques insectes encore me courent sur la peau. Je tourne sur moi même et je ne reconnais rien, un vertige dès les premiers pas, lourd et maladroit. Je ne sais plus d’où je viens. Partout la forêt est similaire. J’avais jusque là marché tout droit, il me semble, à contre-jour. J’avance alors, je plisse les yeux, face à la lumière rouge et fuyante, face au soleil déjà sous les reliefs de l’horizon. Je me dis qu’ailleurs il y a l’aurore. Je rallonge peut-être le jour, ralenti l’arrivée de la nuit, de plus en proche qui me frolle derrière mon dos, me double et avance encore, inarrétable, jusqu’à nous avaler encore pour quelques heures, éffacer le détail des choses sous un aplat noir et glacial.
rajouter détails chaussures, chaussettes trempées - veste alourdie
Il y eu une fracture dans le temps, les secondes aussi indiscernables que l’espace. J’ai marché, aveugle dans l’obscurité totale de la nuit, la terre sous mes pieds comme seul repaire. Titubant et trébuchant parfois aux racines, aux branches mortes, j’ai traversé et piétiné les arbustes invisibles, me suis relevé, écorché, de la terre sur les mains. J’ai ramassé mon fusil, contourné les arbres et j’ai avancé encore, désorienté, sans direction ni lumière dans la forêt invisible, dévorée par l’ombre de la Terre. Puis je me suis arrêté, contraint de rester immobile, il était inutile de se perdre, de s’enfoncer plus loin encore dans ce black-out, ce néant provisoire, il me fallait attendre les premières lueurs du jour. Je commençais à connaître la forêt, à la ressentir de l’intérieur, j’en avais pris part, elle m’avait imprégné au plus profond des tripes, avait envahi mon sang, engourdi mes muscles et mon crâne, j’en ressentais encore l’ivresse et la nausée. Je connaissais son odeur mêlée à la mienne, similaire peut-être ou complémentaire, j’en discernais les bruits et leurs provenances, devinais l’animal ou la colonie d’insectes, caché là sous les feuilles, un terrier sous une souche devant moi à ma gauche, un nid dans la brèche d’un arbre, à quelque mètre derrière moi à droite. Je fermais les yeux, je n’avais plus besoin de voir, de sonder désespérément le vide. Et le temps passa. Il ne me semble pas avoir dormi, peut-être un demi-sommeil, un rêve lucide et attentif, dissout dans ce qui me restait de réel. Je me suis relevé aux premières lumières. J’ai marché en direction des restes de la nuit, l’aura rougeoyante du soleil derrière moi, la sphère encore cachée par les montagnes et les forêts à l’horizon.
Partout j’imagine les ondes muettes, autour et à travers moi, les champs magnétiques répercutés à la cime des arbres, traversant les branches pour atteindre la surface de la Terre et repartir, encore et sans cesse, inépuisables. Elles étaient là, invisibles et omniprésentes, je pouvais les sentir, en deviner presque le bourdonnement électrique, la force insaisissable. Ce n’était plus un bruit concret, une masse sonore de grésillement lourd, une matière brute dans laquelle plonger à la recherche de vérité, mais il me semble qu’elles pouvaient encore me porter, me guider à travers la forêt, vers un village ou une maison solitaire à l'orée des bois; là où je trouverai de quoi remplir ma radio de l’énergie nécessaire, mettre quelques batteries de côté, au fond du sac, peut-être trouver de quoi dormir, de quoi me nourrir.
J’ai vu mon corps s’amaigrir, de jour en jour, se creuser mes joues et les cotes sous la peau comme des vallées escarpées, les articulations saillantes aux poignets, les mains sillonées de tendons et de veine verdatres sous l’épiderme abîmé, pâle et transparent, un mouvement sismique relevant les montagnes et creusant les falaises, les reliefs s’accentuer, au fur et à mesure, souligant des hanches osseuses et mon jean trop lache sérré d’un chiffon autour de la taille, le lien racourci de jour en jour jusqu’à n’entourer que des os et la peau tendue d’un ventre creu, j’étais faible, de plus en plus faible, je ne mangeais pas assez. Ma vision se brouillait parfois, je tremblait, mes jambes ne me portaient plus et je devais m’arrêter, manger quelque chose. Je me trainais, je fouillais désespérément la forêt, me nourrissait des mûres de l’automne, je creusais à la recherche des racines, j’enlevais la terre partiellement et je machouillais, des feuilles, des champignons, des écorces et des fleurs que je ne pouvais bouillir. À peine assez de force pour me relever et continuer.
Après ce qui me sembla plusieurs heures de marche, je vis au loin devant moi une déchirure dans la forêt, des arbres noirs et arrachés, un espace vide où le ciel se révèle en une cicatrice bleue, écorchée à travers la masse des branches et des feuillages brulées; le soleil blanc à son zénith, une odeur froide d’incendie. En partie enterrée, cachée sous les ronces et la végétation, j’aperçois la carcasse métallique d’un monstre disloqué sur une trentaine de mètres. Partout autour, des débris et lambeaux de tôles dispersées parsèment la terre et les buissons, des morceaux de rouille dévoré par la terre et le temps. Un fragment tranchant planté dans l’humus bascule sous mes pieds, je le retourne d’un coup de crosse et révèle un microcosme d’insectes fuyant, des spores pâles et des larves collées, proliférant entre la terre et l’acier. Je m’approche encore, contourne une aile, imposante, écrasée contre la souche d’un arbre mort. J’aperçois l’épave d’un avion militaire, un avion de chasse peut-être, déjà dévoré/recouvert(rep) par la matière. Sous les feuillages le métal est érodé, calciné. Je pose ma main, la surface est froide, couverte(rep) de rosée, froissée même fissurée par endroit, crevée d’impacts continus, des trous où niche des petits insectes, des scolopendres, des projectiles toujours logés dans le fuselage. Sous la verrière éclatée le cockpit est envahi(rep) d’un roncier, éttouffant le corps pourrissant d’un pilote, décharné sous sa combinaison éventrée, couverte(rep) de terre et de poussière. La tête affaissée vers l’avant est coincée sous son lourd casque gris, emporté par un masque à oxygène dont le tuyau d’alimentation est perforé par endroit. Quelques plantes invasives se dévelloppent dans des petits creux de terre emporté là par le vent, dans les recoins du tableau de bord et du corps, percent à travers les déchirures, les fentes entre les visières brisées du casque. Le buisson de ronces chargé de mures noires et bleuatres submerge et enssère la dépouille de ses tiges vivaces, acérées de milliers d’aiguillons, abrite là sous le cockpit des chenilles discrètes et quelques papillons virevoltant autour de la carcasse métalique. J’en avais oublié la présence de la guerre mais elle était bien là, surgissant comme un spectre au milieu de nullepart, jusqu’ici plus indicernable que les ondes. J’en avais sous les mains les stigmates de métals froid déchiqueté, de chair pourissante, toute sa violence immobile à l’abandon, son odeur de décomposition, des relents calcinés, de kérosène consummé, un mélange de mort et de rouille. Le pilote avait certainement une radio pour communiquer, quelques chose dans le tableau de bord ou dans son casque pour échanger des ordres de missions, hurler les derniers instants de sa vie. Je me mis à fouiller l’habitacle, penché à l’intérieur jusqu’au hanche, j’écarte les tiges et les branchages, la peau griffée par les aiguillons, quelques débris de verres, de fine rayures écarlates, le visage tracé d’érraflures, perlé de goutte de sang. Je redresse le corps et aggripe le casque pour défaire la mentonière et j’ai peur de lui disloquer les cervicales, j’attrape et je défait la sangle contre son cou, je sent craquer les os du crane entre mes mains, une sorte de phasme s’échappe de la visière, lentement, par à-coups, s’enfonce et se perd dans les branchages. Son système de communication est forcément là quelque part dans son casque et j’en extrait le crane à peine accroché au corps par quelque verterbres ou lambeaux pourissant, des restes de ligaments. Je le vois, la tête pendante sur le coté gauche, mais je ne vois pas de visage, je me dis que c’est à ça que ressemble la mort, des restes de peaux terreuses autour des orbites évidées d’où s’élancent quelques pousses de chiendents arrachées par le casque, les globes dévorés par les insectes et les larves, et ça me tord l’estomac, je m’équarte et crache ma bile le ventre vide. Au fond du casque le microphone est imprégné de chevelure et de matière indéfinissable comme une tumeur écrasée, inutilisable je le balance au milieu des buissons et des débris éparpillés. Je cherche, encore, j'appuie sur les boutons du tableau de bord, j’active et je tire sur les manches et les poignets, rien ne réagit. Les écrans restent noirs et poussiéreux, couvert de terre - ils ne reflètent plus le ciel; quelques plantes y poussent logées aux recoins. Il y a comme un renflement contre son torse, dans une des poches à rabas de sa combinaison, je sens une sorte de forme (cilyndrique) rectengulaire et j’en retire un prisme noir de métal lourd dans le paume de ma main, un talkie-walkie (une lampe torche + piles + briquet + paquet de 4 clopes qu’il finira par m’achouiller?), et je me souviens d’avoir actionner le bouton, ébahi, cet instant où le grésillement libérateur s’échappa dans l’atmosphère, augmentant le son, crachant les ondes de la terre et du ciel comme un signe de dieu, une délivrance.
Là-haut le ciel est sombre. J’entend s’approcher l’averse, un bruissement dans les feuillages.
Abrité sous les restes de l’aile droite à moitié amputée, une plaie de métal ouverte (dont j’aperçoie la structure comme un os) - j’écoute les vagues de bruit blanc, le déferlement des ondes, une pulsation diffuse mélée au clappoti de la pluie, aux miliers de gouttes s’écrasant contre l’aile et le fuselage, dégoulinant face à moi en de mince filets imprégnant la terre. Je me nourri d’une poignet de mûres sauvages accrochées au métal. J’observe l’averse et la forêt, j’attend que le jour s'efface et j’y passerai la nuit.
Les bruits prennent forme et j’apperçois les strates de pensées se superposer à ma mémoire, un décalage en transparence dans l’espace et le temps, un écho, je me demande brièvement où elle est, les deux syllabes de ce prénom en mirroir dont j’oubli la présence comme on oubli un visage. L’été passa sans que je m’en aperçoive et l’automne s’échappe déjà, l’hiver s'immisce je sens l’air froid (se réchauffer dans magorge/mes poumons. Et je sens là comme un vertige, une dissociation, deux temporalités croisées-confondues, se superposent, s’altérent l’espace d’un instant vertigineux - un battement trébuchant, une dissonance dans l’atmosphère comme une colision sourde : deux corps célestes s’érafflent et s’éloignent à nouveau, déviant l’un l’autre de leurs trajectoires, quelques millimètres exponentiels - à l’infini, une course tournoyante dans le vide, un néant froid et noir, des écorchures et des poussières collées au corps, quelques particules d’or, un heureux hasard, une demi-seconde, imprévisible, l’instant suspendu d’une éclipse solaire, un météore filant sous nos yeux tout les trois millénaire.
(moins précis ici, plus allusif) Le présent peut-être se rappelle à moi, je le devine en transparence. Il y a un temps, peut-être futur à celui de la guerre, là où je suis cloitré dans l’arbre, où l’incendie dévore le bois. Et les images déferles dans une tempête de bruits, un léger séisme, je me souviens des forêts sous la neige, je me souviens des hommes-arbres et des décombres, des couloirs creusés sous la terre et du cadavre de l’ermite. Je me revois, mon corps maigre et frissonnant, emmitouflé sous le lourd manteau de cuir rembouré de laine. Impuissant, je ressens ma propre peur, le froid et la douleur, mon corps éreinté. Je vois à travers mes yeux, je voix la forêt, je ressent la faim et je sais qu’à cet instant je vais me lever, je recueille un filet d’eau de pluie au creux de mes mains, je vois mes doigts maigres érraflés, l’eau s’échappe entre les fentes des phalanges, l’une contre l’autre mes mains comme criblées de trou. Je me lèche les paumes, les doigts, l’eau et la terre, je me rappelle le goût des mûres. Je me rappelle et je sais que la nuit passera. Je revois les traces de mémoire et j’en devine les vides. Enfermé dans une boucle où se reforment à peine les évènements à venir, je sens ma propre mort s’approcher, un murmure, une intuition, un bruit de fond, implacable, inexprimable, et j’ai peur sans avoir peur, car je sais qu’à cet instant je m’endors apaisé, bercé par le paysage des ondes, le bruit blanc mélé à l’averse. Il fait nuit, je le sais, mais je ne vois rien d’autre qu’une nuit profonde et sans rêve. Le lendemain j’oublierai la dissonance, l’altérité, le néant, je me lèverai et je marcherai encore, un brouillard entre moi et le monde, je suivrais mon corps porté par les ondes, un sentiment de mort inéluctable enfoui au fond des tripes.
L’averse c’est dissipé peu à peu, sans que je m’en aperçoive, emportée ailleurs sur d’autres territoires, j’entend les gouttes tomber des feuillages, glisser sur le métal. J’aperçois la lueur d’une demi lune au milieu du ciel, son éclat blanc derrière les nuages mouvant, et le noir profond autour, le silence parsemé d’étoiles. Le talkie-walkie/radio crache son bruit de plus belle, plus net et plus précis, je me souviens d’un son distinct comme une anomalie, comme une voix émergeant entre les strates de bruit pure, quelques syllabes perdues dans la saturation d’un paysage frémissant, une mince parcelle de fréquence instable où le son se tord et s’embrouille sur lui même; je me souviens d’une arythmie, des palpitations distendues parfois jusqu’à disparaitre dans une marée de grésillement informe, puis un vide, un rivage crachottant, une voix transperçant à peine, fondu dans le bruit comme cristalisé autour de ses mots indicibles. C’était peut-être le milieu de la nuit, je n’ai pas reconnu les mots qu’elle répétait sans cesse, il me semble, toujours les mêmes, une seule et même phrase. Je tend le bras vers le ciel la radio en main, à peine éclairé par la demi-lune, je me lève, je me glisse entre les ronce et je grimpe sur l’aile encore glissante, debout en équilibre, je monte sur la dos du fuselage, le bras tendu, aggripé d’une main à la tranche du gouvernail, j’entend toujours la voix, peut-être plus nette, sans distinguer les mots. //J’appuie sur le bouton placé sur le coté de l’appareil - la voix et le bruit disparaissent - un silence, je sais que c’est à moi de parler, j’essaie mais ma voix reste éttouffée dans ma gorge, je n’ai plus parlé depuis si longtemps, j’arrive à sortir à peine un allo, allo ? éraillé et je relache le bouton, la voix réapparait, elle ne semble pas m’avoir entendu, mais je ne suis plus seul. (décrire une radio de nombre)
Et la nuit passa comme un souffle. Au matin je me répète les détails de la fréquence, je m’en rappelle encore : BAND MV entre 800 et 1000 kHz, sans plus de précision. Je laisse tourner le bruit vide, la voix a disparue aux premieres lueurs.
La brume épaisse s’accroche aux branches nues, voile la forêt grise. Le ciel bas caresse la terre. L’espace et la profondeur s'effacent, l’horizon est palpable. Le soleil peine à percer, une sphère blanche presque éteinte derrière l’enfilades des arbres. Je me lève et je marche, tout est couvert de bruine.
Je voudrais retrouver la voix, garder la fréquence intacte, trouver un champ libre, une surface plane, quelque part en hauteur pour attraper les ondes sans altéritées, sans accrocs, je voudrais entendre un bruit net, une voix distincte et sans déchirure, en toucher presque la texture de chaque mots, sentir chaque syllabes; parce que je veux comprendre, parce que je ne suis plus seul, désormais, il y a quelqu’un quelque part j’en ai eu la preuve. Je ne sais depuis combien de temps je suis seul, depuis combien de nuit je me suis laissé perdre. Je n’ai pas compté les jours, je pense dans mon crane mais je ne sais plus parler. J’ai pu errer pendant des semaines peut-être, désorienté, avalé par la forêt comme un animal.
Le brouillard se dissipe et découvre la végétation éparse, là haut le soleil adouci sous un ciel blanc, j’observe les nuages s’entrelacer lentement. J’aperçois entre les arbres une route étroite tout juste perceptible, hérissé de broussaille, ce qui me semble être une route de campagne couverte de végétation. Je me souviens d’avoir marché sans réfléchir, la tête vide, des petit pas lents, j’ai suivi ces fissures envahies de chiendent, d’orties et de liserons poussant entre les brèches, entre l’asphalte parsemé de trous, gorgés d’eau stagnante où vennaient s’abreuver les merles. Au bout de quelques heures la route monte et sillonne entre les reliefs, creuse la roche sur son passage, cerne la terre écorchée à flanc de montagne, les strates mises à nues, érodées, des couches de quartz scintillantes, des couleurs ocres, brunes et grises où perçent les racines et quelques pins rachitiques en équilibre. Il y avait l’océan ici, (je gratte) des brisures de spirales blanches prisent dans la roche calquaire, des petits fossiles éparpillés.
Je monte et mon sac pèse sur mes épaules meurtries, mon corps harassé, endolori à chaque pas, je m’arrête au milieu de la route pour manger quelques mûres, machouiller des restes de racines, boire l’eau de pluies récoltée dans ma gourde au métal cabossé. J’économise la batterie du talkie-walkie, je le rallume parfois pour chercher la voix mais il n’y a rien et j’éteind, avant de me laisser emporter/avaler par le bruit qui s’en échappe, comme (emporté par) la naissance d’une tempête, quelque part au milieu d’un océan battu par les vents. Je ramasse mes affaires et me remet en marche. La route monte encore et borde une clôture arrachée, le treillage prit entre les branches des arbustes foisonnants, une propriétée privée peut-être, un nouveau signe d’humanité, traçant ses frontières à travers le paysage. Je m’approche et je longe la cloture, je me glisse dans un creux entre les buissons, je m’agrippe et je me lève sur le grillage érodé qui craque et s’affaisse sous mon poids, écrasant la végétation. J’aperçois là-haut comme un creux dans la forêt en dégradé, quelques ruines sous la broussailles et je me dis qu’il y a peut-être un abris en hauteur pour y passer la nuit et attendre la voix. Je monte tout droit, grimpe la terre à pleine mains, les bottes callées contre les roches instables, quelques éboulement bref et parfois je glisse, je me rattrappe aggrippé aux branchages. Je dépasse les premières ruines, de simples tas de pierres écroulées couvert de lierres et de ronces, je monte encore. Épuisé j’aperçois devant moi à une dizaine de mètre encore, une batisse comme un abris creusé dans le versant de la montagne, des murs aux pierres grises empilées, détérrées, arrachées à la terre, une porte de bois lourde fermée par quelques roches.
Il n’y a rien dedans qu’un sol de terre meuble, un espace sombre perçé d’une simple fenêtre, le cradan en bois gonflé et le verre dépoli, tout juste de quoi dormir, une odeur fraiche de renfermé et d’humidité. Face au refuge je vois la montagne écraser le paysage jusqu’à l’horizon, ses multiples reliefs amoncelés, un enchainement de volumes sous la forêt dense et brunie par l’automne, cette violence sourde et lente de millions d’années de mouvements invisibles, de frottements de couches terrestres, de séisme déchirant la terre. Les oiseaux volent bas, l’air est froid, l’ombre recouvre la forêt. Les dernière lueurs déjà disparues derrieres moi, je laisse s’échapper le jour et la nuit recouvre la terre.
Je déroule les fréquences lentement. Dans le noir les paysages se forment en cascades et avalanches, les ondes se prennent aux branches et les bruits heurtent les montagnes, s’entrelacent à leurs échos, des vagues lentes et massives, un courant d’arrachement; emporté au loin à contre courant, je me laisse prendre et je ferme les yeux. La radio crache un battement rêche, froid et implacable, une masse trébuchante - s’écroulant parfois, déformée de soubresauts. Progressivement se lève une arythmie (progressive) plus incisives, tranchante, déchirée en profondeur - une blessure rouge; je me souviens de la voix, des syllabes noyées indicibles. Je rallonge l’antenne en direction du ciel, il fait froid, là haut quelques nuages traversent la blancheur de la lune, sa demi-sphère marqué de cratères, de multiples reliefs noirs et circulaires. J’ai peur de sombrer, emporté par la fatigue, je ferme les yeux et je lutte. Un sifflement élastique déchire la masse grisatre comme une lueur perce le brouillard, un souffle parsemé de cendre, de la poussière flottant dans un faisceau de lumière; je me redresse, j’ouvre les yeux, j’approche légèrement la radio de mon oreille et le bruit saturé se déverse dans mon crane - un spectre tout juste visible, une anomalie, la voix émerge à nouveau à travers les parasites, une série inlassable de nombres répétée pendant quelque minute, là où le temps s’étire, je ne bouge plus, 903 903 785 501 304 78, 903 903 785 501 304 78, 903 903 785 501 304 78, je sens battre mon coeur et je scrute le ciel, une mélodie enfantine et frénétique où les notes s’entremêlent, un mot : ANATOLIE, ANATOLIE, ANATOLIE, la présence est là quelque part, les syllables distinctes et iridescentes déforment le bruit de fond, ANATOLIE à STRANGER, OUVREZ LA MARCHE - je répète, OUVREZ LA MARCHE - OUVREZ LA MARCHE, ANATOLIE à STRANGER, là où le soleil se lèvera toujours, TERMINÉ - et la voix s’évapore dans l’obscurité du bruissement, toujours plus épais, de plus en plus noir. J’aperçoie la voie lactée comme une déchirure dans la nuit, une foule d’étoile amoncelées à des années lumières.
Mon corps s’abime et ma peau se crevasse, l’air froid creuse des fissures aux jointures rèche comme de l’écorce, des gerçures aux lèvres, un gout de sang parfois sur le bout de la langue, je me sens faiblir à demi-vivant tremblant contre la terre froide entre les arbres, à l’aube je sais que j’irai là où le soleil se lève. Je plante mes doigts dans la terre entre les feuilles mortes, je triture la matière, broyée décomposée, les particules organiques, les minéraux, les brisures logés entre les ongles noirs et fendus, entre les saillies de la main, je sens et j’attrape les fines racines élancées sous mon corps, je déterre et je suçote mes doigts imprégnés, humides, un gout de terre ça crisse entre les dents, sous la langue, des miettes coincées contre les gencives. Le bruit s’échappe comme un brouillard dans la nuit, un crachottement grisatre, un flot de parasite incessant. J’attend que la nuit passe, les yeux clos, bercé par les paysages de mon crane.
J’ai parfois quelques images, je me souviens du rivage, de la brume, un dégradé bleu et blanc, des rafales levées par les courants, un soleil brulant, l’odeur de l’océan (un gout de sel sur la peau et les lèvres). Des gens flou comme des taches, des couleurs vacillantes à l’horizon, comme une impression, un instantané, le déferlements des vagues blanches et les embruns emportés par le vent, l’écume et la rumeur des voix perdues, le tumulte submergé qui s’éffondre sur les falaises déchirées. Je me souviens d’un visage et d’un sourire, des visions d’enfances, confuses, des mouvements, les pieds dans l’écume qui dévale et s’échappe et découvre la sable, la force et le fraca qui m’emporte et ma petite main dans la sienne, la violence et le vent sous mon t-shirt et ma peau rougissante, aveuglé par le soleil au zénith, mes pieds noyés sous le sable.
Dès les premières lueurs je cherche la sphère blanche cachée derrière la brume, épaisse comme un voile mélé aux branches. L’air est froid, lourd et humide, ça colle à la peau, à ma veste terreuse. Je ramasse la radio et j’entend la voix qui s’échappe contre la terre et j’ai l’impression qu’elle me parle, comme un déjà-vu et ma voix coincée au fond de ma gorge, les mots trainent et s’échappent, je n’ai plus parlé depuis peut-être une année
Depuis quand suis-je perdu ici ? Je me souviens d'avoir fuis les villes et les ruines, égaré dans le brouillard et la forêt, à l’abris de monde, j’ai perdu le compte des jours et des nuits. J’étais dans ma chambre je m’en souviens, tout est partie de là, les bruits aux fenêtres et les détonnations, il y avait les cris, les corps, ça me semble si loin. Et j’ai marché, désespérément seul, j’ai traversé les campagnes, les champs, je me souviens des corps dans les fossés aux bord des routes, je me souviens de la faim et du froid.
Qui es-tu ? est-ce que tu m’entend ? Est-ce que tu me vois ? Est-ce que tu es là quelque part ? Je ne sais plus si j’entend ma voix ou si elle s’échappe de ma tête, je me lève et je saisi mon fusil, je me frotte les yeux tout juste ouverts et j’ai soif, ma gourde est presque vide. J’ai passé la nuit allongé sur la terre devant l’abris. J’irai là où le soleil émerge et je devine l’aurore diffuse quelque part après les montagnes, il y a là bas je l’espère des gens comme moi, je me souviens de l’espoir et j’imagine la foule, les déserteurs, les vagabons, les familles entières, les survivants fuyant la guerre, encore, peut-être, je ne sais plus, je n’ai plus entendu le fracas des bombes depuis longtemps. Je me souviens, je doute et j’ai peur de courrir après un mirage, un reste d’onde ou un écho, une trace d’humanité menant à des villes vides. Je n’ai pas d’autres choix et j’avance, je contourne/dépasse (rep) l’abris, je vais tout droit et je descend entre les arbres, j’espère qu’il ne pleuvra pas.
Développer :
Il y a en bas une vallée creusée comme une entaille entre les reliefs, des champs en friche sous une trainée de nuages blanc, mouvant doucement.
Développer :
Je dévale le flanc de la montagne, ravin
J’avance, je démèle les ronces aggripées aux vêtements et les épines me griffent la peau. Il y a en contrebas des champs en friche où débordent des strates de fourrés mêlés aux cultures délaissées, des restes de forêt poussant librement parmi la végétation envahissante. À une centaine de mètres sous la brume se cache la ruine que je devine à peine, une forme couverte de vigne vierge rougissante. Il y a peut-être quelque chose à détérrer dans les décombres, des restes, des conserves oubliées, la faim me tiraille, je sens grogner mes intestints trop vide. Je dévale le talus de terre meuble encore humide, me rattrape aux racines déterrées, arrachées, je glisse et je tombe parmi les éboulements de roches dans le fossé au creux de la pente. Je me relève et ramasse mon fusil, réajuste le manteau couvert de boue. Je ne vois plus la bâtisse dissimulée par l’étendue des herbes hautes. Je m’enfonce à travers champ, je me fraye un chemin dans les fourrés humides, croisant ça et là quelques engins agricoles oubliés, des couleurs vives dévorées de rouille, des tas de métaux froissé, rouges, bleues aux formes brisées, dépassant tout juste sous la broussaille.
Il y a devant moi un espace vide de végétation arrachée, brulées dans un déchirement de terre et de pierre éparpillées, un trou et un corps, propulsé à travers la broussaille, peut-être un homme, un cadavre de soldat, désarticulé, les os fendus les membres et la chairs, une jambe désossée encore sous ses vêtements déchirés. J’aperçois le sang sec et noir, le crane fendu sans visage, le corps dévoré peu à peu avalé par la terre et les vers. Je m’y vois, là affaissé sur la terre le corps mutilé, ça aurait pu être moi et c’est peut être moi, je le sais l’homme a sauté sur une mine, je sais que ça existe et qu’on y arrache aveuglément les corps. Pétrifié, je n’ose plus bouger, j’ai peut-être sous les pieds la mort, j’observe, je cherche l’irrégularité sous la terre, le métal camouflé, enfoncé, il n’y a jamais qu’une seule mine, elles sont là partout je le sais, je sens les battements marteler sous mes cotes, je les sens, terrées quelques part tout autour de moi, je suis comme piégé je n’ose plus bouger et mon corps tremble, vacille sur mes faibles jambes. Il faut que j’avance, je n'avait jusque là jamais prié qui que ce soit. Qu’est-ce qu’un dieu pourrait bien y changer ? Guider mes pas, lever mes bottes, les poser une après l’autre entre les pièges, faire reculer la mort; je ferme les yeux et j’avance d’un pas, j’entend le silence, j’ouvre les yeux, je contourne (rep) le cadavre comme un reflet.
J’émerge, plongé jusqu’aux épaules, j’aperçois à nouveau la ruine. La batisse de pierres lourdes date d’un siècle oublié, les murs sont criblés d’impacts sous la vigne rouge. La toiture effondrée laisse s’échapper un large conifère à peine contenu, un arbre massif, envahissant l’espace entre les murs près à s'effondrer. Par la porte étouffée j’aperçois l’intérieur, saturé d’un amoncellement de bois de charpente pourrissant, imprégné de larves et d’humidité, couvert de végétation, de brisures de tuiles ocres éparpillés, de jeune arbustes poussant entre les décombres autour du large tronc. Il n’y a rien, plus de meuble, rien pour me nourrir. Je contourne/derrière (rep) la maison, les champs sétirent et longent ce qui me semble être là-bas un tracé de bitume, les reste défoncés d’une route sillonante.
La route est parsemée de brèches où croupie l’eau de pluie, je m’agenouille aux bord d’une flaque et je rempli ma gourde, j’aperçois sous les ondes ce visage mouvant et je ne sais plus s’il m’appartient encore. La figure est creusée. Je devine les formes du crane, la machoire sous mes doigts plongés au fond de cette barbe qui me dévore les joues, sous ces poils roussis. Je me vois, je vois ces deux yeux qui m’observent, comme tombés dans deux trous sombres, cernés presque bleutés, la peau sêche et tanée, le front crasseux, c’est moi que je vois et je n’ai pas d’âge, je ne sais plus qu’y suis. Je rince ma peau et je me souviens, peut-être un jour ai-je eu un nom, sans doute ai-je passé quelques années de ma vie à érrer, plongé dans un vide, je ne sais depuis combien de temps, j’entend comme en écho les mot cogner au fond du crâne. Je sors la radio du sac, je cherche ta voix, je voudrais te parler, te demander les réponses. (C’est une petite radio qui tient dans la main, un prisme lourd de plastique noir et métalique, MW-SW 2-BAND National Panasonic.) Le tunning déroule sous mon doigt les onde courte MHz et j’augmente le volume sur le coté droit, le bruit s’échappe et je m’assoi sur le bitume. Qui es-tu ? Est-ce que tu es loin, est-ce que je te reverrai ?
Je n’ai rien croisé pendant des jours ou peut-être des heures, je n’ai pas vu passer les nuits et le temps s’étire, sans repère; rien, si ce n’est quelques bêtes dans les champs alentours, des cerfs et des biches apeurés, des mulots au fond des fossés. Il y a parfois des noms de villes éffacées, des territoires anonymes. Les noms ont disparus de tout, des panneaux publicitaires aux affiches arrachées, sur les couches de papier accumulées, bleuetées, la colle délavée par la pluie, des lettres déchirées, des morceaux de mots, des couleurs et des formes sans aucun sens, des résidus d’emballages et de plastiques blanchi par le temps, des bris de verre, des morceaux de féraille surgissant de la terre comme des os brisés sur le bas-coté, des couleurs vives et des matières froissées, gorgés d’eau de pluies, des restes d’épaves accidentées, multitude de déchets abandonné à la terre, à la boue et la cendre, ramassi d’ordures vestiges de notre déclin, témoins de notre dégénérescence. Je reconnais les objet comme des bouts de mémoire, je me rappelle des formes et des couleurs, de leurs utilités, des gouts des choses, de leurs odeurs, de leurs poids dans mes mains, de leurs textures contre ma peau et sur ma langue. J’ai pu désirer ou posseder ses choses, les consommer, les jeter, les oublier, toutes ces choses qui m’entouraient d’une façon ou d’une autre pourrissent à présent parmis le monde.
Sur plusieurs kilomètre la route est encombrée de véhicules amassées dans un embouteillage endormi. J’évite les champs et je slalomme entre les carcasses calcinées, les portières ouvertes. Je marche dans des lambeaux de vetements, des tissus dispersés, quelques couleurs sous la poussière et la boue, échappées des bagages éventrés, des corps aux visages absents. Parfois juste l’ossature noire sur le bitume craquelé, noirci, des inscriptions sous la cendre et des arbres brulés; j’aproche peut-être d’une ville, j’entend un bruit blanc porté par le vent. Je sent la nuit s’approcher c’est peut-être le soir, je me cherche un abris à l’arrière des vehicules. J’ouvre les coffres et je fouille, je cherche de l’eau, de quoi manger, des provisions sur la banquette arrière entre les corps affalés des enfants encore cinturés à leurs sieges auto. De quoi sont-ils mort ? la peur ne se lit même plus, ils n’ont plus de visages juste des trous dans le crane et des vetements d’été. “Summer” semble dire un dinosaure, les yeux cachés sous ses lunettes de soleil, floqué sur un tee-shirt au tissu blanc souillé de sang et de poussière. Il y a une gourde en plastique bleu transparent sous les baskets du gamin, je me rappelle de l’eau qui me coule au fond de la gorge, des barres chocolatées fondues écrasées. J’ouvre la portière et je m’assoie à l’avant, j’arrache l’emballage avec les dents, je crache le plastique argenté en dehors de l’abitacle. Ça sent le chocolat, la charogne et les sieges gorgés de moisissure, j’aperçois les enfants morts dans le rétroviseur, le sucre me brule les dents.
J’ouvre la portière d’un camion poid-lourd à la remorque désarticulée, renversée sur le bas-coté, la bache arrachée, les marchandises dispersées dans l’herbes et la décharge du bord des routes, parmis les plastiques blanchies des bouteilles, le métal rouillé des canettes écrasées, la couleurs des sachets enfoncés dans la terre. La cabine est vide, une odeur de renfermé, personne n’est mort ici. J’aperçois une couchette étendu derrière le siege conducteur, un matelas difforme et jaunie, un drap froissé dans un coin.
J’observe les reflets rougies du crépuscule à travers la poussière du part brise (sens de la route qui va là où le soleil se lève?). D’ici j’aperçois l’amoncelement de véhicules figés tout au long de la route, étirée sur des kilomètre à l’horizon. J’allume la radio et déroule l’antenne, le bruit blanc se déverse et empli la cabine, j’attend le son de ta voix.
détail : la nuit passe, dévellopper -
Aux première lueur du jours j’entend des voix dehors, je reste allongé sur la couchette planqué derrière les sieges, j’écoute les voix, il y a des gens dehors qui marchent et s’éloignent devant moi, des groupes silencieux, parfois juste des bruits de pas, des enfants, des gens épuisés, j’aperçois les bagages sur les dos courbés. Ils marchent tous dans le sens de la route, entre les véhicules arretés, tous dans la même direction. Je ne comprend pas les voix, les mots, je ne distingue rien et j’ai peur, je n’avais plus vu de vivants depuis si longtemps, ils sont si nombreux. Peu à peu il y a comme une foule qui serpente entre les carcasses, ils évitent les champs parce qu’ils savent eux aussi, ils marchent peut-être depuis des années. Je ne sais même plus où je suis, dans quel pays sur quel térritoire, qui sont ces gens ? combien de frontière ai-je traversé ? Peut-être qu’ils ont les réponses, peut-être que je pourrais enfin savoir. Je me dis, à cet instant, je m’en souviens, je ne sais même plus qui je suis, ai-je eu un nom, un prénom ? Mon histoire n’est plus qu’une érrance tachetées d’images et de bribes de souvenirs, je me souviens des morceaux d’enfance, des visions de cette ville, des histoire sombres, ancrées dans les profondeurs de la forêt. Comment leur parler ? Comment trouver les réponses ? J’ai peur de sortir de la cabine et je laisse défiler la foule à moitier silencieuse, trop harassé pour parler, ou peut-être ne parle t’il même plus la même langue. Je pourrais leur montrer des gestes, mes cicatrices, je pourrais leur faire entendre ta voix. Je ne suis peut-être plus seul.
Au bout de quelques heures je rassemble mes affaires et j’ouvre la portière, je descends de la cabine, je me cramponne à ma carabine et ils me regardent à peine, contournent les marchandises, le camion et sa remorque démembrée renversée sur le bas-côté. Je descends et je me mêle à la foule, je vois les gens fouiller les cartons éventrés, les coffres vides des véhicules. Je ne suis pas grand chose et je suis comme eux, ils me voient sans me voir et m’ignorent, frôlent parfois mon corps et je sens leurs odeurs, leurs chaleurs, je vois la crasse et les détails, la sueurs sèche et la poussière sur la peau et les vêtements abimés, les corps couvert de pas grand chose, des couvertures de feutres gris, des chaussures trouées. Je me souviens des silhouettes sombres comme des taches, je me souviens des regards et des figures blêmes. Où vont-ils tous ?
La journée passe et je me mêle à eux, j’observe, je marche à leur rythme, au rythme des enfants, des vieillards, des hommes et des femmes tirant des carrioles pleines de réserves, des boîtes de conserves et des tentes, des tissus et des couvertures. Il y a au loin un paysage sombre, un ciel gris noirci de cendre, une odeur de ravage portée par le vent. La foule se glisse entre les carcasses noires, la route asphyxiée de poussière et les arbres calcinés autour. J’entend comme un bruissement sous les pas et les mouvements, les voix éteintes et les visages teinté d’inquiétude, une légère agitation parmis les corps, je cherche à saisir les regards et je cherche à comprendre, ils se parlent entre eux et murmurent, ils désignent l’embrasement, le panache noir grandissant.
La foule s’immobilise et les ombres autour de moi s’étirent, je vois le brasier là-bas comme une frontière et je sens la nuit qui vient. La ville convulse sous les flammes qui la dévorent, j’aperçois les formes entaillées des décombres. Le vent se lève, emporte et ravive la lumière. La chaleur nous parvient, les cendres s’étalent sur le bitume, sur les pare-brise et le métal froissé, sur les visages et les corps. Je suffoque et je tousse, l’air nous brûle les poumons, des poussières noires me raclent le fond de la gorge.
La foule s’installe alors que la nuit tombe, les gens fouillent les vehicules à la recherche de provisions, s’allongent sur les sièges vides, montent des petites tentes aux toiles rapiécées. L’atmosphère est chargée de cendre, j’entend l’incendie gronder au loin, peut-être se rapproche-t-il à chaque souffle. Je me traîne parmi les corps et je scrute les visages, je perçois l’inquiétude, j’écoute et j'essaie de comprendre, de lire sur les lèvres. Je m’approche d’une famille et je leur demande : où allons nous ? Quelle est cette ville là-bas sous l’incendie ? Craintif, l’homme me repousse d’une main, me fait signe de m’éloigner, loin de sa famille qu’il protège d’un simple bras tendu, il ne me comprend pas. Il me désigne un vieillard là-bas près d’un braséro, il me dit quelque mots incompréhensibles, peut-être un nom ou un prénom, peut-être une menace je ne sais pas. Je m’approche du vieillard, je vois son visage sans âge illuminé par le reflet des flammes balbutiantes au fond d’un fût métallique rempli de braises. Il a la peau sillonée de rides profondes, les yeux clairs presque blanc cerné de noir, une barbe grise ébouriffée, un corps famélique, la chair abimée sous des lambeaux de tissus, un amoncelement de loques. Je sens son odeur, l’odeur de ces gens qu’on croisait avant, ces silhouettes anonymes titubant dans leur propre monde, pieds nus sur les trottoirs des villes, le regard vide. Je lui parle et ses yeux s'enfoncent dans les miens, comme une force ou un poid, je le sens sonder mon crâne, il m’écoute et fronce les sourcils, mâchouille un morceau de branche entre ses dents noircies, les incisives rongées visibles à la lueur du brasero. (même visage/corps que l’ermite, à faire correspondre à la réécriture) Je lui demande : où allons-nous ? qu’elle est cette ville ? Il passe ses doigts dans sa barbe et se racle la gorge, crache une glaire sombre sur le bitume et désigne les flammes au loin, il forme des mots qui sont les miens avec son accents venu d’ailleurs, il me dit : ce n’est plus une ville, nous la contournerons comme les autres, nous la traverserons par les quartiers éteint et nous irons toujours plus loin. Nous suivons la voix, toujours là où le soleil se lève. Il me dit (ce que tu m’as toujours dis) : il y a une frontière, là où la civilisation survit encore, se reconstruit, nous tous y avons une place, nous arriverons avant l’hiver. Il sort d’un de ces sacs une petite radio noire similaire à la mienne, étire l’antenne vers le ciel et la pose sur le toit d’une carcasse de voiture. Il réajuste les fréquences jusqu’au point marqué d’un scotch rouge et le son s’échappe, des gens se rapprochent. Le vieillard se tourne vers moi et me demande : qui es-tu ? Quel est ton nom ?
Je baisse les yeux, je me souviens lui avoir dis : je ne sais plus qui je suis, je n’ai plus de nom, peut-être un jour ai-je eu un nom. J’ai fui la guerre, j’ai déserté, j’ai vécu au fond de la forêt. Je lui dis que j’ai faim, que j’ai soif, que je ne sais plus très bien.
Mon prénom est Laslo, me dit-il, il me montre le ciel et le sifflement apparaît, vif comme un éclair, puis j’entend ta voix, d’abord dans une langue que je ne comprend pas et les gens écoutent, attentifs, murmurent des choses entre eux et j’entend les sonorités distinctes, brillantes, les syllabes mêlées à la fumée noire, aux crépitement des braises. Puis tes mots apparaissent dans ma langue et la foule autour m’observe, chuchotent, j’entend la série inlassable de chiffres, je sens battre mon coeur et je scrute les regards, puis vint la mélodie, les notes frénétique et les premiers mots, (ici) ANATOLIE, ANATOLIE, ANATOLIE, je sens ta présence quelque part parmis la foule, ANATOLIE à STRANGER, OUVREZ LA MARCHE - je répète, (continuez) OUVREZ LA MARCHE - OUVREZ LA MARCHE, ANATOLIE à STRANGER, (nous ouvrons une)il a une brèche devant vous, traversez l’incendie par les décombre à l’ouest de la ville. Là où le soleil se lèvera toujours, TERMINÉ -
Laslo se tourne vers moi et marmonne, tu parle la langue de l’ennemi et ils ont peur de toi, ils ne te comprennent pas, toi et tes reste d’uniforme, ta carabine. La guerre n’est plus mais ils se souviennent, ils en ont les traces sur le corps, des blessures plein le crâne.
J’entend ses mots et j’ai peur qu’ils m'abandonnent, je regarde les gens s’éloigner et je ne veux plus être seul, je ne veux plus errer le ventre vide sur des routes vides et je lui demande, est-ce que je peux rester ?
Laslo me regarde, saisi ma carabine, sort une cigarette froissée d’une de ses poches, m’en tend une deuxième et me dit, la guerre n’est plus, nous sommes les mêmes, ils t’accepteront.
Cette nuit je me souviens j’ai pu fumer du tabac trop sec, mal roulé dans du papier journal, boire et manger des fonds de conserve, dormir sur les sièges arrière d’une voiture vide. Je suis resté à l'écart et je ne les comprend pas, je les observe autant qu’ils m’observent, ils me dévisagent. Je me souviens des familles endormies, d’autres plus solitaires, d’un groupe de gamins hostiles, des jeunes hommes ivres et agités. Laslo parle ma langue mais le vieillard s’éloigne et m’oublie, il fume je ne sais quoi, crache une fumée épaisse, une odeur acide. Il s’abandonne là-bas, je le vois affalé près de son braséro, il dort à même le sol la tête sur son sac.
À l’aube tout est teinté de cendre. Une fine pélicule grise c’est déposée sur la route, sur les carcasses et les pare-brises éclatés, sur les vetements et les corps, les visages et les cheveux; je la sens étalée dans ma bouche et au fond des poumons. Il y a dans le ciel une fumée noire épaisse comme un quartier entier, une odeur de ravage. Tout brule là-bas sans distinction et la cendre s’imisse, remplace l’air que l’on respire, l’oxygène qui circule dans nos veines. Autour de moi la foule s’éveille, les corps endormis sortent des véhicules et des tentes, se lèvent des matelas crasseux qu’ils portent et sanglent sur leurs carioles. Les gens toussent, époussetent leurs bardas et leurs habits, nettoyent les visages des enfants somnolents. Tous se mettent en marchent, trainent les plus vieux et portent les bébés au bras, les sacs et les provisions. L’incendie dévore le silence, j’entend son grondement couvrir les pas et les mots. Sous la masse noire j’aperçois le brasier dilué par la lueur du jour, les flammes déchainées aux creux des décombres.
Nous contournons la ville et l’incendie par sa périphérie, (traversons une banlieue). La foule avance au milieu des grands ensembles verticaux criblés d’impacts d’obus. C’est une cité-dortoir juchée sur les colines, je me souviens de ces assemblages répétitifs, des étages amoncelés, des fenetres percées en rythme saccadé sur ces parois grisatres, ces immeubles à présent vides et parsemées de trainées de rafales. Je me souviens des snipers postés aux fenêtres, des détonations, des cris et des éclats qui perçaient les nuits d’été. Il y a du verre et des épaves, des carcasses de scooters, des squelettes de rouille noire, l’asphalte fondu sous la masse métalique, quelques cadavres oubliés parmis les conteneurs à ordure renversés sur les trotoires. Je me souviens de ces quartiers morts, du calme et du contraste, du bruit, de la fureur et des flammes à quelques kilomètres.
Des petits groupes de jeunes gens désorganisés se séparent de la foule, fouillent les commerces déjà pillés, partent à la recherche de restes oubliés. Ils sont une dizaine et ils sont armés, peut-être ont-ils ramassé ces fusils sur des cadavres. Ils courent et ricanent, une meute confuse de garçons au corps maigre, à la peau pale presque transparente et marbrée de crasse. Ils errent sans véritable but. Ils ne ramènent rien, éclatent le verres restant aux deventures, saccagent ce qu’il en reste, sans raison. Ils trainent, fument et passe le temps, se défoulent, un morceau de féraille à la main, dévastent ce qu’ils peuvent, ils s’acharnent. Ils poursuivent les rats, font fuir les chats érrant. La plupart semble déjà saoul ou défoncé à je ne sais quoi. L’un d’entre eux porte ma carabine en bandouillère. Plus jeune de quelques années, peut-être 15 ou 16 ans difficile à dire, il à la visage barré d’une balafre boursoufflé, ça lui fend les lèvres jusqu’au front. Je me souviens du malaise, de l’agitation sur sa figure déchirée, de ces gestes maladroits. Il semble déborder de haine. Il visent parfois et fait mine de tirer, il mime le recul et le bruit comme le ferait un enfant. Il n’a jamais tiré. Il vise les fenetres, les appartements vides, il mime la guerre, il vise ses comparces en riant. L’un d’eux se prend un coup de crosses sur la nuque et s’écroule au sol, se relève. Ça dégénère un peu mais le gamin prend peur et s’éloigne. Le balafré fait mine de l’abattre et tire finalement vers le ciel, semble surpris du bruit, de la force, de l’écho qui s’en suit. Le gamin sursaute, part en courant rejoindre la foule. Je le vois tremblant, en sueur, se fondre parmis nous, se faire oublier. Il a peut-être 12 ans, je me souviens de sa figure émaciée, vilaine et noirci.
Je marche et j’observe les gens autour, les corps maigres et chargés d’histoires, tous misérables.
Les gamins portent des colliers de dents perçées, je les ai vu. Des bouts d’os jaunits, noirçits, des bouts de morts qui grelottent fiérement autour du cou comme des petits trophés, je me souviens des cadavres édentés au fond des faussées et j’ai peur.
La meutes de garçons déjà défoncés montent aux étages et redescendent les mains vides. Ils parlent entre eux, semble négocier. L’un désigne quelque chose dans la foule, je le vois au loin, je le vois tendre ma carabine. Ils se regrouppent, avance vers nous, ils parlent fort et se rapproche, le balafré m’aperçois, me désigne, il me vise et fend la foule, pose un doigt sur la détente et cherche mon regard, il dis quelque chose et les autres s’approche. Le gamin est là, face à moi, pose le trou du canon contre ma poitrine et je lève les bras en l’air, je sais que le gamin ne sais qu’à peine s’en servir, qu’un coup pourrait partir par surprise et lui déboiter l’épaule, me perforer le corps. Le balafré désigne le batiment, les gens autour regarde la scène et laisse faire, ils ont peur peut-être et certain détourne les yeux, d’autre continu leur route. Il insiste et hurle, m’enfonce le canon dans la peau. Je vois Laslo derrière fumer une cigarette mal roulée, il s’approche et j’entend sa voix : le batiment est miné dans les étages. Il dit que c’est à toi d’y monter si tu veux rester parmis nous. Je regarde le gosse et je le regarde lui, je me souviens je lui dis non, simplement non, je fais signe de la tête pour que le gamin comprene et le métal s’enfonce entre mes cotes, je recule d’un pas. J’ai l’image du soldat qui aurait pu être moi, l’image de ce corps arraché collé à la rétine, les os de la jambe disloqués dans les buissons, le sang séché sur la terre, son visage disparu bouffé par les bêtes et les insectes, je revois tout ça dans un flash et je dis non. Le vieillard crache son glaviot noir à mes pieds : tu n’as pas vraiment le choix, tu ferais mieux de ne pas le contrarier, le gosse est cinglé. Je vois l’oeil du gamin à moitier ouvert, sa paupière tremblante et boursouflée par sa cicatrice. La nervosité déforme son visage, ses muscle sec et tendus, il n’attend que ça. Abattre un corps, tuer quelqu’un, arracher des dents. Voir se que ça fait que d’oter la vie. Quelqu’un qui parle comme l’ennemi, qui ne manquera à personne. J’imagine mon corps s’écrouler, le sang se dévèrser, les gens passer autour, m’enjamber, détourner les yeux, cacher le regard des enfants, j’imagine la foule qui s’éloigne et me laisse étendu sur la route la gueule édentée. Les chiens errants qui me dévorent les chairs, je sais qu’ils se nourissent de ça. Je vois la tour élancé là devant moi, cet amas de béton craquelé, la façade criblé d’impacts noirs. Je me souviens d’avoir dis ok, de m’être dis que tout le monde comprenait ce mot avant, ok. Je me souviens de sa satisfaction, du sadisme étalé sur sa figure, des gamins qui ricanent derrière avec leurs dents autour du cou. L’un deux me jette un sac de toile vide. Fouille les appartements, ramasse tout ce que tu peu, prend à manger, prend de l’eau. Fais gaffe où tu marche, marmonne Laslo en s’éloignant déjà.
Le hall d’entrée sent l’urine et la moisissure, je reconnais l’odeur. La lueur du jour peine à percer ici. J’extrais les piles de la petite radio, je les glisse dans le tube dévissé de la lampe torche. Le faisceau éclaire les murs, les traces, les éclaboussures, les inscriptions partout que je ne comprend pas. Des soldats on compté les jours, nommé des choses, pissé sur les murs, déféqué dans l’ascenseur coincé entre deux étages. Il y a comme le néant en dessous et j’y traine du bout du pied des morceaux de gravas qui dévallent, percutent les parois et s’écrasent tout au fond. J’entend des chiens érrer là haut, quelques aboyements. Un éboulement de charriots encombre la cage d’escalier, des ossatures de ferailles amassées les une sur les autres. Je tire la poignet d’un premier et le reste s’écroule, le vacarme se répercute en écho à tous les étages et les chiens hurlent, je sais qu’ils me sentent. La lampe torche coincée entre les incisives contre la langue tendue, le métal écrasé contre le palé, je m’ouvre un passage étroit, je grimpe sur les grilles métaliques, instables, ça cède sous mon poid et je glisse, je me ratrappe à la rembarde et ça me colle aux doigts. Je tire un dernier charriot que je bascule en arrière, la masse dégringole et libère les dernières marches, j’atteind le première étage. L’immeuble raisonne de l’intérieur comme un navire à la dérive, un vieux corps aux fondations fracturés quelque part, ça tangue et ça grince à chaque coup de vent, j’entend le borborygme des canalisations terrées derrière les murs. Le sol est légèrement penché, je heurte et j’écrase sous mes pas des éclats de vers, des emballages. Quelques douilles vides me roulent sous les semelles au pieds des murs écroulés, criblés d’impacts de balles, creusant, transperçant le béton sous les giclures sombres. Les premiers appartements n’ont plus de portes. J’entre, les fenetres sont calfeutrées, obstruées de contreplaqué d’où s’échappe des lignes de lumières blanches entre les planches, de minces faisceaux alignés où volète la poussière et la cendre. J’y glisse mon regard et j’aperçois l’extérieur. En bas à quelque mètres la foule avance en un mouvement continu, des corps souffreteux, des vieillards, des estropiés, des restes de familles et d’autres plus solitaires. J’éclaire l’appartement pillé, saccagé, les murs griffés d’inscriptions, un matelas diforme auréolé de crasse, jeté contre une cloison de contre-plaqué défoncé. J’observe le sol et les murs et je me dis que l’immeuble est piégé, qu’il y a peut-être des fil tendu dans les couloirs, entre les portes, des détonateurs sous les ordures. Je ne sais pas à quoi ressemble un piège, je ne sais plus quoi faire et je ne bouge pas. J’entend les gens dehors, les voix, les mouvements, les visages effacés et les roues des chariots. Une masse d’inconnues en flux incessant, je ne suis rien pour eux. Il n’y a rien autour que je puisse leur ramener et je vois mon seul espoir s’éloigner. Je me dis qu’il faudrait trouver quelque chose, un objet utile, de la nourriture ou de l’eau. Sans eux je ne sais pas comment atteindre la frontière, je pourrais peut-être les suivre à distance. Je décide de monter au deuxième étage et je fouille les cuisines vides, j’ouvre les frigos renversés, les placards démontés. Tout est couvert de moisissure, une matière sombre indéfinissable qui progresse aux murs et aux plafond. Des particules se propagent dans l’atmosphère, émanent une odeur de pourissement humide, comme un gout de terre froide mélée à la poussière. Quelque chose d’acide flotte dans l’air et colle à ma langue. J’ai peur que la chose noire s’étende aux poumons et à mes bronches, infeste mon sang et le fond de ma chair.
J’entend des cris dehors, un relent de brulé, un bruissement de flamme dévorant la matière et je ne comprend pas. Là haut les aboiements s’intensifient, j’entent le cliquetis des griffes qui raclent le sol, je les entend japper, s’agiter, griffer. Ils halètent et reniflent, courent et se percutent; les machoirs sérrées les muscles tendues, les pupilles dilatés, enragés; je ne sais pas s’ils me sentent ou s’ils sentent autre chose, la matière carbonisé à travers les strates de bétons. J’approche d’une fenetre je vois l’épaisseur d’une volute noire s’échapper de je ne sais où. Les cendres s’infiltrent déjà dans les couloirs et je commence à tousser. Je me souviens, les battements martèlent le fond de ma poitrine, je me souviens de ma respiration saccadée; l’air se fait rare, j’ai peur, je sens encore l’éffroi envahir le creu du ventre, mes muscles crispés. Dehors la foule s’équarte, observe le brasier qui se propage et je sens les cendre couvrir ma peau, mon visage, un gout âcre, tenace, de la poussière dans la bouche et sous les paupières. Je dois redescendre, trouver une issu, sortir d’ici. Je couvre ma bouche d’un morceau de linge trouvé dans mon sac, je rejoind le couloir et la cage d’escalier. Au première étage j’entend les flammes, au rez-de chaussée je les vois, jaillissant des décombres, dévorant des conteneurs alignés dans l’entrée, des ordures et un corps, j’aperçois les formes se consummer, la chair et la matière noircir et disparaitre sous la fureur du brasier. J’entend crier dehors je pense que les gens me vois, une silouhette dans l’ombre derrière les flammes, un mouvement, je me souviens de m’être mis à crier, je ne me souviens plus des mots couvert par les flammes, des images brèves, saccadées, des gestes. Ils ne m’entendent peut-être pas, ils ne bougent pas, serrés les uns contre les autres. Je me vois remonter au premier étage, saisir les planches clouée au fenetre, les doigts écrasé entre le bois et les restes de verre éclaté, une coupure et du sang, un doigt rouge vif à la lumière qui s’inflitre et éclate, du sang jusqu’au coude, quelques mètre en dessous, aggrippé en équilibre sur le rebord. Je me jête, l’espace d’une seconde (peut-être moins) je vois le sol se rapprocher. Mes membres percutent, mes côtes, le béton, mon crane, mes mains; et la nuit tombe en même temps que moi.
Je ne vois plus rien. J’entend les vagues, la rumeur des gens autour. Le vents sur ma peau, le sel, la brulure du soleil au visage, du rouge sous les paupières et ma petite main dans la tienne.
J’entend ta voix Hannah, Anatolie, je sais que je dois marcher. Me lever, un pieds après l’autres, accumuler les pas en avant dans le même sens, là où le soleil se lève s’il se lève encore. Je sais qu’il fait froid, que le temps disparu évaporé, a laissé une trace sur la peau et dans le corps. Et la neige tombe parfois, gouttes froides sur la peau, petites brulures, disparait sur l’asphalte noire, je marche sur l’eau. Les nuages raclent le sol, l’horizon là-bas à vingt mètre, où sont passé les gens ? J’avance j’ai mal au crane, la cheville se tord et mon corps ploye sous son propres poids mais j’avance. J’ai ramassé un morceau d’incendie, du bois mort noire comme la nuit, une branche et l’odeur du ravage. Il y a la ville écrasée tout autour, éparpillées, les formes du désastres. Et quand la nuit avale tout je disparait, terré au fond des ruines, je me rapproche des incendies et j’oublie, j’entend ta voix qui s’échappe.
J’ai pu érrer je ne sais combien de temps, un chien parmis les chiens, fouyant les décombres à la suite des meutes. Il y a comme un vide je ne me rappelle de rien. Je n’ai pas vu passer les jours, tout c’est teinté de gris.
Je me lève et je marche. J’ai connu cette ville encore debout. Je reconnait les formes, je les reconstruit dans ma tête. Je relève les murs, les immeubles entiers, les églises écroulées. Je les vois, les gravas et les débris qui volent dans l’air autour de moi, s’assemblent les uns au autres, ils se connaissent, sont fait de la même matière, du même ensemble. Je ravive les couleurs, je les devines sous les couches de cendres et les brulures, déformés sous le noires, fondues, arrachées. Je fais renaitre les gens et relève les cadavres sur les trotoires, je ravive les corps, les visages. Je frolle les gens, je traverse les routes, ils sont pressés, comme d’habitude, je me mèle à la foule. Il y a des enfants, des parents fatigués, j’entend, les gens se parlent. Il y a les panneaux et les voitures, les lumières aux devantures, les voix aux fenêtres, c’était peut-être un soir d’été, il fait encore chaud les gens sortent à peine et le ciel est rouge.
Encore cette nuit j’entend ta voix.(tu te répète, toujours la même chose, tu existe toujours)
J’ai pu rejoindre la foule ou la foule m’a rejoind, l’un ou l’autre je ne sais pas, (d’abord une personne, puis deux, une dizaine, une foule entière) il fait froid, le ciel est bas et sans lumière. Je me suis mèlé aux corps, j’avance, je sens leurs chaleurs. Je n’ai pas de fusil mes vetements sont noirs, mon visage couvert de cendre, je m’apperçoit dans leurs pupilles ou dans les flaques de neige fondue partout j’ai les pieds gelés et je boite encore. Je passe inaperçu, je ne parle pas, je ne comprend pas, je regarde le sol et j’avance, les gens me dépassent, les vieillards m’entourent, les corps abimés. Une pluie froide, des gouttes épaisse me colle à la peau, les vetements imbibé, ça reste mélé à la cendre.
Les semelles se creusent et les coutures se détachent, tiennent à peine à mes pieds que j’entour de sachet plastique qui s’arrache et s’éffiloche, l’eau glacée s’infilte et le froid me saisi. Je boite et mon corps tremble, je faibli, je ne peu plus marcher. Je repère les cadavres et je délasse les bottes des soldats, les chaussures des civils, je plaque semelles contre semelles, je compare les tailles. J’ai trouvé une pair de ranger noire dans un charnier, le cuir encore tenace, en bonne état, l’homme avait du faire ma taille je sais que les morts ont l’air plus petit, je me souviens de son corps ramassé sur lui même comme atrophié. J’ai abandonné mon allure de déserteur, jeter ma veste militaire. J’ai volé (les morts) le manteau d’un civil, un manteau lourd, épais, rembouré de laine à l’intérieur, des poches que je peu remplir, les manches un peu trop grande me recouvrent les mains jusqu’au première phalanges.
Le soir je me rapproche des braseros, je reste à distance, à peine, comme une ombre, un fantome. Les gens m’oubli, je réchauffe mon corps juste ce qu’il faut, je fouille leurs restes parmis(avec / au milieu) les chiens, je gratte la terre, les restes des restes, les fonds de leurs poubelles et je machouille les miettes, je suçotte et je rallume aux braises les mégots écrasé quand ils sont encore sec. J’aspire à plein poumons, les bris de tabac se consumment, je sens la fumée me bruler à l’intérieur je ne recrache rien, la nicotine monte, envahi mon crane j’ai le tourni et ça m’essouffle, mon rythme cardiaque s’accèlère un peu et je tousse, je crache, je recommence. Les cigarettes me manque toujours, je suçotte parfois les filtres, je les écrases sous ma langue et ça passe un peu par les veines/le sang. Je mendit auprès des mendiants, je me traine, je ramasse leurs merdes, je rampe presque, je ne suis plus rien du tout. Même ceux qui ne sont rien m’oublient, les chiens me reniflent, me lèchent les doigts. Je ne suis même plus sûr d’etre réel, d’avoir une consistance, une matière, de la chair, les gens voient à travers moi. Je me traine comme un spectre. La nuit passe et j’entend ta voix faiblir, Hannah, je me souviens de la maison au fond des champs et des nuits de canicule.
J’ai su plus tard qu’ils arrachaient les dents pour y enfoncer leurs queues dans les bouches des femmes et des filles à demi morte, celle qui n’ont plus rien, plus d’espoir, celle pour qui la vie s’échappe et qui pourrait mordre une dernière fois avant de creuver d’une balle dans le crane ou égorgée la queue arrachée encore chaude au fond de la bouche. Je l’ai su car je l’ai vu, une nuit au fond des ruines, j’entendais les cris s’étteindrent et les rires, j’ai vu les cadavres au matin et les dents autour du cou des gamins. Je sais la noirceur dont-ils sont capables et c’est inimaginable. Quand l’humanité s’échappe et que le corps hurle et se déchaine, quand plus rien ni personne n’a d’importance, les êtres possédés tout entier par leur/la/une force primitive, une sauvagerie inconcevable qui pourtant façonne l’histoire, l’histoire des hommes, celle qu’on oublie ou qu’on efface, (celle qu’on ne veut pas voir) celle de la barbarie millénaire. Je n’aurais pas pu imaginer ça (avant), je ne savais pas, le chaos, imaginer le vivre un jour, (le vivre) tout entier, vivre ces jours où plus rien n’a de sens.
Les nuits je ne dors plus. Les yeux fermées toutes ces images me brulent la rétines (comme de l’eau bouillante), alors je marche, parfois je m’écroule, j’ai mal au pieds, mal à la cheville et j’ai froid. Près des braséros le grésillement des radios flottent dans la foule et je cherche ta voix, mes piles sont vides, Hannah. Je m’approche des gens je suis invisible, je ramasse leurs mégots et je t’entend tu me parle à travers les ondes, Anatolie, Anatolie, Anatolie. Tu dis que nous nous approchons toujours et qu’il faut marcher encore, suivre la route, là où le soleil se lèvera toujours même si je ne l’ai pas vu depuis des jours.
Un soir je me souviens j’ai volé. Un paquet de cigarette entamé trainait dans la boue, tombé d’une poche. Moi, je suis invisible, personne ne me vois et les hommes déjà bien saouls ne m’ont pas vu. Je me suis éloigné doucement, je l’ai gardé au fond de mon manteau contre mon coeur. Je cherche là où les braise se consumment encore, je m’avance et je tend la cigarette qui caresse la lumière et brule les premières miettes, j’inhale je ferme les yeux ça me monte au crane j’ai le vertige et c’est si bon. Cette nuit je reste tout près de la chaleur, je me souviens, adossé contre un mur, le gout du tabac froid qui me reste dans la bouche quand je m’endors enfin.
J’ai continué à voler. J’attend que tombe la nuit, personne ne me voit. Où trouvent-ils tous cet alcool, toutes ces cigarettes ? J’ai vu comme c’était simple quand on est plus rien. Vingt-trois cigarettes et un briquet dans la poche. J’ai volé des chaussettes à peine trouées étendues sur la toile d’une tente. Je m’approche des groupes autour des brasero, je me faufile parmis eux quand j’entend ta voix, ils s’arrêtent, ils ne font plus rien, ils t’écoutent et moi je glisse dans mes poches une boite de conserve tout juste ouverte. Tu dis tous les soir que nous nous approchons, qu’il faut marcher encore, et ils étteingnent la radio quand tu parles dans une autres langue que la leur. Je ne sais plus ce que tu dis, je sais juste que tu existe toujours et je m’éloigne.
Autour (de nous) la ville est infinie, nous la traversons depuis si longtemps. Un matin la neige recouvre d’une fine couche les décombres et les corps, immaculée d’abord, un paysage blanc, un dégradé de gris. Je tire la langue et j’attend les flocons, une petite goutte froide tombe doucement et fond, tout au fond de ma bouche. La foule se remet en marche et, peu à peu souillée sous nos pieds apparait une masse froide et boueuse, striée de traces noires des roues de chariot. Nous piétinons la neige fondue sur les routes et les trotoires et ça nous glace les pieds. Je cherche les dernière traces blanches, je les garde pour moi (j’y laisse mon empreinte). Puis la poudreuse goute à goute et disparait, dévoile les façades, la dentelle grises et déchiquetées, les fragments d’immeubles en équilibre.
Nous étions censés arriver avant l’hiver mais l’hiver nous a devancé. Nous approchons peut-être de la frontière et je cherche à savoir où nous sommes. Je cherche les mots, les panneaux, les inscriptions mais il n’y a plus rien les rues sont vides. La ville est anonyme mais je la reconnais parfois, je parcours les quartiers, je m’y perd, je m’éloigne de la foule et je l’entend encore. Je vois les formes, je cherche les indices. Je rentre dans les magasins saccagés, il n’y a plus personnes, plus rien, je fouille les tirroirs, je cherche le courrier, les adresses, les noms des rues.
La nuit je vois les reflets des flammes vaciller sur les visages, les corps ivres et crillards, les gamins insomniaques à l’équart de la foule et des familles endormies. Des garçons agités, occupés à jeter au loin leurs bouteilles vides dans les décombres, les regards fascinés, le verre éclaté aux murs, des bris qui crissent sous les semelles abimées. Ils fument et ils crachent, ils se bouscules, dégueulent ce qu’il reste encore au fond de leurs estomacs trop vides. Leurs yeux sont rouges et leurs gestes désordonnés, ils ne m’ont pas vu, je ne suis plus rien, à peine une ombre mélée aux leurs. Cette nuit j’ai volé une bouteilles et je me suis enfuis. Peut-être du whisky je ne connais pas le gout, une couleur brune ou dorée qui accroche la lumière. De batiments en batiments je me suis éloigné, mon butin à la main une cigarette entre les dents je disparé aux creux des ruines. J’avais oublié l’ivresse. La brulure sur la langue, la chaleur difuse au fond du corps. Cigarette sur cigarette je n’ai plus senti le froid(l’hiver), mon haleine souflé comme une brume au relent d’alcool fort et de tabac froid. À cet instant il me semble que je pouvais tout saisir, les infinis rouages de l’univers, l’espace et le temps, tout me semblait si logique et si bien agancé que j’en venais à comprendre la mort, la guerre, l’ironie simple qu’était devenue nos vies. Et j’ai bu à en perdre la raison. J’ai senti le vertige embrouiller mes pas, la nausée tirailler mon ventre trop vide.
Je ne me souviens plus très bien, je me suis oublié, il y eu comme un vide, éveillé à l’aube dans un appartement à demi arraché, la ville dévastée tout autour. Je me suis levé. J’ai abandonné la bouteille, oublié derrière moi les mégots éparpillés. J’ai descendu les escaliers, entendu des voix dans les couloirs, des pleures des nouveaux nées, des enfants, de nouveaux visages. Les gens habitent les étages ici, ils (se sont) s’installent dans les appartement vides à peine debout. J’aperçois les lumière, je vois la chaleur, la fumée qui s’échappe au fenêtre, les murs écroulés raffistolés de planches et de toles. Ils ont redressé les ruines et se sont préparé pour l’hiver, ils sont couvert de vetements et le feu brille dans chaque appartement.
Cette nuit ils ont tué un homme. Je n’ai pas su pourquoi j’ai détourné les yeux, j’ai entendu les coups et les cris, ses cris et les leurs, jusqu’à que les siens s’étteigne. Encore. Cet instant de la mort me glace, me trouble, me perd au plus profond de moi, cette instant horrible où la vie s’échappe, juste là si près de moi. Cet instant où, pour lui, il y a maintenant plus rien. Ce vide, quelque part, et les autres autour, la rage sur les visages et les gestes, la haine. Lapidé à coup de crosse, à coup de pieds. (ça aurait pu être moi) Les gamins lui hurlaient dessus, toujours les mêmes, ils se sont acharné. Ils l’ont aspergé d’alcool et ont allumé son corps. J’ai peur qu’ils l’aient pris pour un voleur, qu’ils l’aient pris pour moi, qu’ils soit mort par ma faute. Pour quelques clopes, pour un briquet, pour une bouteille d’alcool. Je la revois encore, je la reconnai, cette bouteille de whisky ou de je ne sais quoi, trainer vide au pied du brasier. Et je sens encore mon haleine, je me couvre la bouche, j’évite les gens, (je ne suis qu’une ombre et je fuis). Je sais qu’ils l’ont laissé là, un avertissement au milieu de la route, là où tout le monde passe, les dents en moins peut-être je n’ai pas vu sa bouche, je sais qu’il a taché la neige car j’ai vu le noir et le rouge.
J’ai changé de rue, j’ai marché jusqu’à ne plus en pouvoir, je me suis épuisé, j’ai voulu oublié mais je n’ai pas pu.
Le soir, la neige est tombée de nouveau sur la ville. Dehors les rues sont vides et j’ai cru m’éloigner du monde. Les gens se sont terrés dans les immeubles et ont allumé des feux, moi je marche et j’ai froid. Je traîne sur les trottoirs à la recherche d’un abri loin de tout, et Hannah, j’ai entendu ta voix, derrière les volets d’une fenêtre close, dans un appartement. Je me suis approché d’une fente entre deux planches d’où s'échappait le bruit, j’ai vu une radio allumée et des hommes armés autour, une odeurs de tabac, et j’entendais ton message tourner en boucle dans toutes les langues, tu disais, comme si tu t'adressais à moi, je me souviens de tes mots qui perçaient parmis les leurs :
Ce message s’adresse à tous ceux qui marche depuis trop longtemps, (je sais que tu penses à moi) ceux qui ont traversé les villes et les incendies, les forêts, les pays et les territoires, à ceux qui ont tout perdu et ne sont plus rien, épuisés, malades ou blessés, qui laisse derrière eux ce qu’ils ont toujours été - Anatolie, Anatolie, Anatolie - Si vous entendez ce-ci c’est que vous êtes proches, sachez que je vous vois, ne perdez pas espoir. Je vous vois, amassé aux frontières loin de vos terres, mal équipés, affamés, j’ai vu les enfants, les nouveaux nés, les vieillards, je vous ai vu dans les immeubles et les ruines, les corps abîmés. Ne perdez pas espoir. Il y a à l’Est de la ville une forêt, au plus profond de la forêt une frontière à traverser (...)
L’appartement voisin est vide et je suis entrée, il n’y avait plus de porte, pas un bruit, j’ai allumé une première cigarette et à la lueur du briquet j’ai aperçu quelques meubles, une chaise renversée. Je me suis assis dans la pénombre, j’ai écouté ta voix derrière le mur, une succession d’enregistrements qui tournait dans le noir pendant des heures. Je ne sais pas si ce que tu dis est vrai, pourquoi les gens restent ici. Peut-être qu’il n’y a plus rien là-bas, où peut-être que je suis déjà arrivé. Peut-être que c’est ça ta terre promise, un tas de ruines. De quand date cet enregistrement ? depuis quand neige t’il ? Je ne vois rien ici, les braises rouges au bout de mes cigarettes, il ne m’en reste plus que six, j’ai entendu ta voix s’échapper toute la nuit et je me suis endormi.
À l’aube ta voix a disparu, évaporée, j’entend le bruit de la foule dehors, j’avais cru m’éloigner mais ils surgissent partout. La lumière s’immisce à peine au fenêtre entre les planches, l’appartement m’a couvert de poussière, sur la peau, les vêtements, entre les cils et les doigts, jusque sous les ongles. Je ramasse mes affaires et je sors. La ville autour n’est que ravage, des formes déchirées partout écroulées à perte de vue, des silhouettes parfois aux fenêtres, du gris aux murs, de la boue, sous toutes les traces le noir du bitume. Personne ne semble me voir et je me mêle aux autres, je suis là sans être là. Ils piétinent autour de moi et je ne suis qu’une ombre, les corps me traversent, je les évite, un pas de côté, je cherche les regards mais il n’y a plus rien, alors je marche avec eux. Je me dis qu’ils ont entendu ton message, qu’ils savent où ils vont, qu’ils en savent plus que moi. Je sais qu’il ne me voient pas, je sens l’odeur du tabac, je vois la fumée, je m’approche, je glisse mes mains dans les poches vides. J’imagine la forêt, les arbres noirs et le silence, le craquement des branches, la terre promise. Le vent se lève, le froid me mord la peau des doigts aux jointures, la peau du visage, je ramène mes mains sous mes manches enfouis dans mes poches, quelques cigarettes écrasées, j’en allume une. Ça me réchauffe à l’intérieur, j’avance dans les pas des autres.
Parfois je ne sais plus où on va, puis je me souviens de ta voix. Je ne me souviens plus de mon nom, de mon prénom, j’ai dû un jour en avoir un, quelque part avant l’été, les émeutes aux fenêtres et la ville qui s’écroule. J’ai oublié le visage, je le sens sous mes doigts, une fine couche de poussière, je les glisse dans ma barbe, je sonde la peau abîmée, les cicatrices, les joues creusées. Sur la poitrine je cherche les battements, sous les côtes saillantes, plus bas, le ventre vide. Hannah, Anatolie, où es-tu ? J’ai gravé ton prénom dans mon crâne je ne l’oublierai pas. Je cherche mon reflet dans les flaques et les vitres brisées. J’ouvre la bouche et le reflet suit, c’est bien le mien je vois les dents noircies. Je ne le pensais pas si vieux, si abimé.
Nous nous approchons peut-être de quelque part, je vois les arbres et la nuit tombe de plus en plus tôt. Nous sommes dans un parc, les lumières s’allument, les branches et les braises s’enflamment à nouveau. Les quelques bancs sont pris d’assaut, les familles installent leurs camps autour, déplis les tentes et les abris de fortune. Je n’ai plus vu passer les jours, j’aurais dû les marquer, les cocher, les gratter sur la peau à chaque fois que vient la nuit, ne jamais oublier, se souvenir de tout, et je sais qu’à ce moment-là je ne suis plus sûr de rien. Il y eut les nuits de canicule et je grave quelques traits sur ma peau, peut-être trois, deux nuits d’émeutes sur l’avant bras à l’aide d’un bâton, ça égratigne et ça gratte. Il n’est peut-être pas trop tard. Un jour à errer dehors à travers les ruines, je ne sais combien de temps enrôlé à la guerre, j'inscris plusieurs traits sans les compter, la peau rougit tout autour. Un jour j’ai fuis lors d’un combat, il n’y avait plus personne, tous mort, je suis parti, je grave un nouveau trait. Peut-être quinze, seize, dix-sept ici. J’allume une cigarette et je m’assois près d’un feu, j'essaie de me souvenir. Je crois que j’ai marché la nuit, j’inscris sept, huit, neuf traits, j’hésite, la nicotine me réveille un peu. Les morts dans les fossés, le sperme, les dents arrachées, un, deux, trois. Un jour j’ai trouvé la maison et les morts, les nuits du cerf, les corps enterrés, trois, quatre, cinq jours inscrits au-dessus du poignet, j'efface les perles de sang. Combien de jours suis-je resté là bas ? J’ai creusé la terre, je me souviens de l’orage, des nuits perdues en forêt, je me rappelle de l’avion, du corps dévoré sous les ronces, c’était peut-être plus tard ? Je gratte trente-six, trente-sept, je ne sais plus où j’en suis. J'essaie d’être plus précis dans ce que je vois, dans les images, les faits que je relate ici, tout ce dont je me souviens, mes histoires; je me concentre et j’inscris tout au fond de mon crâne. Tout à côté de ton prénom. Ça prend de la place. Les mots se superposent et les souvenirs s’accumulent, les uns sur les autres je les jette, entassés au fond de la crevasse, dégringole au fond de mon ventre, je me souviens du trou sous l'ascenseur, la mémoire illisible tout en désordre et l’échos des mots se fracassent aux parois.
Au reveil ça me démange sous les manches et je frotte, je sens sous mes doigts mon avant-bras couvert d’égratignures, des petits traits par centaine, je revois les jours, des pattes de fourmis rouge des perles de sang séchées pareil à leurs petites gueules immobiles, toute une colonie, sur les veines saillantes en dessous, toutes emmêlées, la peau marbrée, l’étoffe accroché au sang séché, à la chair, ça s’arrache, ça se décolle.
L’aurée de la forêt née au fond du parc, dans un creux où s’élance les reliefs (des montagnes). La foule ralentit, s’enfonce, chemine entre les arbres et les buissons de ronces. Les branches noires aggripent la peau et les vetements, le passage est de plus en plus étroit. Nous nous immissons un par un et piétinons la neige fondue de la nuit, équartons les tiges épineuses qui nous raclent la figure. Je revois ces visages bleus erraflés, les corps abimés, les enfants épuisés porté à bout de bras. Le vieillard devant moi trébuche à chaque pas, perd l’équilibre, la main sur la roche humide et froide, de la terre sur les doigts, les genoux, je le ramasse je lui tend la mains, parfois je ne suis plus invisible. Je vois son regard sombre, la figure craquelée de sillons profonds, toute sa vie se lit sur sa peau, sur ses doigt gris et veineux, les poignets osseux, les ongles noirs. Il marmonne des choses que je comprend à peine, il délire, je ne me souviens plus des mots, son regard disparait sous ses paupières lourdes et il avance encore. Sa cheville s’affaisse et se tord, il s’agrippe aux branches, le souffle court. Il me ralenti, je sais que je voudrais le doubler, l’abandonner derrière, économiser mes forces. Je sens que nous approchons de quelques choses, il y a là-bas peut-être une frontière entre quoi et quoi, une délimitation tirée vaguement entre les arbres et les montagne.
Ici nous sommes des milliers, je me souviens des silouhettes noires fondues dans la brume, des voix éttouffées, des mumures, d’une brise froide au milieu des corps anonymes. Le ciel blanc nous recouvre et la foule s’accumule, stagne, se mèlent les uns aux autres, certain sont là depuis des jours. Je me traine parmis eux je vois les tentes rapiécées, les abris improvisés de restes de ruines et d’épaves, le feu qui vacille et les gens par dixaine agglutinés autour. Ils jouent des coudes et s’immiscent, se rechauffent les mains tendues au dessus des flammes. Je cherche une cigarette dans le fond du trou de mes poches, une tige tordue, le papier déchiré, des miettes de tabac plein les doigts. J’allume, ça crépite, ça me réchauffe à l’intérieur, je tire plusieurs fois et je recrache tout, la fumée se mêle au brouillard. Le temps passe et les autres déplient leurs tentes là où ils peuvent, entre les arbres et les roches. Ils rallument les flammes et s’organisent, arrachent le petit bois. Beaucoup ont l’air malade, des enfants, des vieillards, ils respirent à peine au creux de leurs figures nécrosées. Leurs poitrines se soulève, ça racle au fond des poumons. Ils sont bleue et gris, à peine vivant, des corps maigres perdus sous les couches de vetements mouillés, ils tremblent, ils ne regardent plus rien comme perdu au fond d’eux mêmes. Les autres les maintiennent, les secouent, leurs tendent de la neige fondu au creux de leurs mains. Ils se connaissent, ils sont proches, des familles se délitent devant mes yeux. Trainés jusque là pour pas grand chose. Moi je n’ai plus personne. Je ne me souviens pas d’avoir eu quiconque. Je me souviens de toi, tu t’appelle Hannah. Je ne vois pas ton visage, mais parfois j’entend ta voix, j’ai ton nom gravé dans le crane.
La nuit arrive et nous sommes toujours là à piétiner la neige et la boue. Il fait froid je me suis approché d’un feu, assi sur mon sac j’ai pris ma place. Je ne bougerai pas tant que les flammes me réchaufferont la peau. J’ai pu glisser mes mains dans les poches, personne n’a rien vu. Un morceau de pain sec, une boite de conserve, merci mon dieu, encore quelques clopes. Où trouvent-ils tout ça, si ce n’est dans les poches des autres ? Le vieillard est face à moi, je vois les sillons de sa gueule s’illuminer. j’ai oublié son nom. Je cherche son regard mais il ne me voit pas. Je sais qu’il pourrait me comprendre mais l’un de nous n’existe plus, peut-être les deux. Il fume toujours la même chose mal roulé dans son papier journal, ça lui éclaire la figure, des brèves lueurs saccadées. À ma gauche un homme indéfinissable à sorti une radio, il déroule l’antenne, cherche la fréquence. Je sais qu’ils attendent ta voix, je sais que tu vas parler ce soir et peut-être que je comprendrais.
Tu parles de nous comme si tu étais présente. Parfois je me dis que tu me vois, Hannah, je cherche ton regard dans la foule. Comment sais-tu que je suis là ? Tu répète Anatolie, Anatolie, Anatolie, tu dis que nous n’avons jamais été aussi proche, là où le soleil se lèvera toujours quelque part derrière la forêt, la montagne, quelque chose à propos de l’horizon, je ne sais plus très bien.
Parfois je ne sais plus comment je suis arrivé jusqu’ici. le cheminement, les souvenirs, les décombres et les forêts, les routes parcourues. Tout se confond, tout se délite. La vie d’avant, tout ça comme un grand vide. Comme si je n’avais jamais été, qu’un crane débordant de bruit. Ma mémoire dévastée, comme une ville en ruine. À partir de quand tout s’éfface ?
un autre paragraphe du même genre ici (en lien avec le précédent), celui là à déplacer
en bas :
À partir de quand tout s'efface et se delite ? à partir de quand plus rien ne s'imprime à l'intérieur, le passé illisible, les mots, les images noyées au fond de mon crâne débordant de bruit ? On pouvait pas imaginer ça. Il y eut comme un point de rupture où les gestes s’éffaces un à un, les noms, les visages, les jours et les secondes éparpillées. Ma mémoire est une ville en ruine. Quelle vie j’avais avant ? de quoi je revais ? une vie simple, des jours les uns après les autres, sans grandes distinctions. Une ville, la lumière blanche inonde les rues les matins d’été, les yeux clos les paupières rougoyantes. Il y eut comme un choc mais je ne me souviens de rien. Les nuits de canicules, la poussière dans les rues, l’asphalte brulant, les émeutes tard dans la nuit, les bombardements. J’en ai des images, encore. Je me souviens, les hommes doivent se battrent ici, les soldats terrés dans les décombres, les charniers et les porcs. Des visions brèves, sans substance. Il c’est passé quelque chose ici et j’ai déserté. Seul survivant de quoi, et pourquoi ? Je me souviens à peine des impacts sur les murs, des traces de sangs, des corps (r)affalés, immobiles. Il n’y avait plus personne, juste le silence. Et là j’oublie tout. Le passé, le présent, mon prénom, celui des autres. Et le bruit s’immisce peu à peu jusqu’à saturer mon crane. Il me semble que c’est ici que tout s’éfface quelque part.
début du climax ici :
Les passeur nous ont tout pris, ceux qui n’avaient rien sont resté derrière. Que compte ils faire de ce qui ne vaut plus rien ? Ils ont prit ma radio et ma lampe torche, Hannah. Je ne pourrais plus entendre ta voix si je me sépare des autres. Nous sommes peu, un petit groupe d’une dixaine d’anonymes, je vois le vieillard boiter derrière, il nous ralenti. Il a du donner cher pour pouvoir être ici. Pas un mot, le passeur a dit “shut up, please, be quiet” tout en montrant son arme à la ceinture comme un avertissement. L’homme est mieux équipé que nous, nous ne ressemblons plus à rien, tous couvert de guenilles, de couche de se qu’on trouve dans les ruines. On avance, on laisse siffler le vent, grincer les branches, craquer la neige blanche sous nos semelles écaillées. Nous nous enfonçons dans la forêt, à l’aveugle depuis des heures interminables. Je marche dans les traces des autres devant moi, ils élargissent les empreintes du passeur, comme si nous n’étions qu’un.
La nuit noire me transi le corps jusqu’au os. Un souffle glacial nous mord la peau depuis la tombé du jour, des rafales de plus en plus forte, à nous faire vaciller le corps. Nous avançons (chavirons), tête la premiere, luttons à travers la tempête, sans regarder devant, parfois je ferme les yeux et j’avance. Je revois le vieillard au fond des autres, j’ai oublié son nom, il ne me voit pas, (je le pensais mort). Il a les yeux sombres comme perdu, il semble fou, il titube, sa cheville le pli en deux. Soudain le passeur s’arrête, étteind sa lampe torche. Nous restons là, aveugle, immobile, je ne sais pas pourquoi. Il a peut-être entendu un bruit à travers le blizzard, vu quelque chose, une lumière. Les minutes passent, le temps s’étire. Je ne sais si les autres ont sombré ou si les yeux reste ouverts, personne ne parle le passeur à dit “shut the fuck up” avec son accent dégueulasse. Immobile je sens la sueur geler contre mon torse sous mes couches de vetements. Chaque rafale me brule un peu plus le visage et les doigts. J’entend parfois les mouvements des corps qui frollent la neige, le bruissement des branches malmené par le vent, je voudrais juste m’allumer une cigarette mais j’ai peur qu’il me les vole toutes. Alors je ne fais rien et j’attend, je ferme les yeux, je les réouvre c’est la même chose.
Des coup de feu fendent le noir de la nuit, un, deux, trois/ BAM, BAM, BAM, l’écho s’étouffe entre les arbres, le vent et la neige, personne ne bouge, on retient son souffle. Je sais que le passeur est armée, que les gens meurt, oubliés, enfouis sous la neige jusqu’à la fonte. Personne ne les cherche, personne ne les réclame, ils sont peut-être sous nos pieds. Je n’ai pas entendu de cris. Peut-être des gardes-frontières, quelques balles dans la nuques, pas le temps de hurler, pas un mot, le corps qui s’effondre sous le bruit blanc du blizzard
Encore/toujours nos/ les corps figés couvert de neige, peut-être depuis des heures je ne sais plus. Le temps s’éffiloche. Des cristaux de glace me creusent la peau, peu à peu, percent les couches, je les sens gratter mes os, infiltrer les strates. Je ne sens plus les premières phalanges des trois doigts de ma main gauche, auriculaire, annulaire, majeur, inertes; je les fourre dans ma bouche je les suçote je les réchauffe je ne sens plus rien, asphyxiés. Au bout c’est comme du bois, un truc mort et sec. Je les frotte sur la laine de ma manche à l’intérieur. J’ai peur qu’ils s’arrachent, j’ai peur qu’ils tombent. Je cherche mon briquet dans ma poche, le briquet fait scratch scratch protégé du vent sous le manteau, je passe mes doigts tout près, je frôle la flamme, le guetteur me l’arrache des mains, me frappe au visage - je m’écroule. J’ai comme un instant de vide dans la tête. Je me dis que là, je vais mourrir. Un nouveau coup de crosse dans la machoire, il vise à l’aveugle. Shut the fuck up, les mots éttouffé par le vent. Un coup de pied dans les cotes, roulé en boule, il fait noir, un noir pure et profond au coeur du cavarme, la blessure me brule, un froid métallique, une douleur vive m’arrache la pomette sous l’oeil gauche, la lèvre fendue. Je tente de me relever, mon bras tremble, tendu, incontrôlable, j’ai peur d’avoir perdu mes doigts, tombés dans la neige, un gout de sang me coule dans la bouche et j’avale, je me souviens comme un flash, “please please” je lui supplie je n’ose pas me relever, je ne vois rien, je ne sais pas où il est, je tend la main, j’ai peur qu’il m’abatte, peur de ne pas entendre les prochain coup de feu à travers le crane - BAM, BAM, BAM un cri éttouffé tout là-bas, mon coeur s’arrache dans ma poitrine
Je ne me souviens plus de grand chose. l’impression de flotter dans un bruit de fond. Des flashs, vifs, féroces. Nuit noire, la tempête se glisse dans mon crane. Couvert de neige le froid me dévore, mes vêtements imprégnés de gèle. Je reste immobile accroupi comme une proie blessée. Les balles n’étaient pas pour moi. Je crois que je ne pense plus. Il n’y a plus rien dans ma tête, que du bruit perçant comme un acouphène. De nouveau quelqu’un est mort. Je ne sais pas où sont les autres, j’ai le sang qui gèle sur la gueule toute fendue. Le passeur dit go, go, go, il rallume sa torche, on voit le halo glisser dans le flou, s’éssouffler entre l’enfilade des troncs, les branches agitées. La visibilité nul, je me relève, je vois les mouvements devant moi, on se précipite, on se remet en marche. Je vois devant moi le vieillard écroulé couvert de neige, trop épuisé pour le ramasser, je détourne le regard, je garde la moindre force pour moi. Le passeur l’éclaire, s’approche de son corps inerte bientôt invisible, personne ne sait s’il respire encore. “Leave it” il veut l’abandonner. Personne ne pourra le porter, le trainer à travers le blizzard. Pas de volontaire. Vaut mieux un mort que trois. Il aurait pas du partir, déjà trop faible. Go, go répète le passeur, et je m’approche du vieux. Je me souviens (revois) de sa figure creusée, les lèvres fendillées les yeux comme des trous. Le vieux est mort ou c’est pour bientôt, il ne bouge plus je ne crois pas qu’il respire. Les autres s’éloignent déjà devant, la lumière file entre les arbres. Je glisse ma main valide dans ses poches, son briquet est là, métalique, solide et glacial, je me souviens de son poid dans le creux de ma main.
Je vois la lumière s’échapper loin devant, éclairer la neige en averse, les silouhettes chavirer tête la première, ils s’éloignent loin devant moi il ne m’ont pas attendu. Je lutte et j’avance à contre courant, je les suis à distance j’essaie de rattrapper le retard. J’abandonne le vieillard derrière, je ne me souviens plus de son nom. J’ai du le connaitre un jour, je ne sais plus quand. Ses traits du visage comme un déjà-vu. Le laisser derrière ça ne me fais pas grand chose, je devais pas vraiment l’aimer, peut-être que je l’oublierai comme le reste
Vocabulaire, mouvements dans la tempête à inclure :
Tanguer, naufragé, s’enfoncer, tituber, chanceler, sombrer, s’abîmer, périr, Anéanti par, englouti par, effondré, échoué, absorbé par, enlisé sous, enseveli sous, disparaitre, évanoui ou mort
Le bruit dans la tête :
Assourdi, assommé, hébété, étourdi - graviter
À l’aube, le vent est tombé. Là-haut le gris du ciel frolle la cimes des arbres en silence; un paysage en noir et blanc. Surpris d’être en vie. Dans mon crane vibre toujours un fragment de tempête, une rafale déchainée, piégée entre mes deux oreilles. Ça me retourne, pareil à la nausée. Mes pas dans ceux des autres, les trois doigts emmaillotés dans un morceau de tissu, la main fourrée au fond de la poche. J’ai vu mes doigts gonflés, des caillots noirs rouler sous l’épiderme bleuté presque gris-mort sous les ongles. Cette nuit le froid nous a brisé l’ame, le corps à l’intérieur. Tremblants, les regard étteind, nous avançons lentement, personne ne parle, nos pieds s’enfoncent, de la neige jusqu’au genoux. Je crois que personne d’autre n’est mort. Je compte, huit, neuf, dix, combien étions nous au départ ? Je revois/compte les corps harassés, décharnés sous les couches en lambeaux, les silouhettes noires. Parfois je m’arrête, je voudrais que ça s’arrête, étteindre le vacarme dans ma tête. Les ombres s’éloignent au fond du brouillard. Je dois avancer encore, dépasser la douleur, un pied devant l’autre et soudain je flotte, j’oublie le froid qui me cisaille ma gueule en sang
Ton bruit c’est installé dans mon crane, Hannah. Toutes les tempêtes se fracassent aux parois, des paysages entiers dévastés, des éclats de souvenirs, ça me martelle la tête entre les deux oreilles. Hébété, assourdi, je suis là sans être là, je gravite et mon corps en-bas titube parmis les autres. La journée passe en apesanteur. Nous quittons la forêt, les arbres à la lisière rachitiques aux branches dépouillées, des traits noirs tracés dans l’éther. Le passeur nous laisse au milieu d’un champ, il désigne une direction et s’en va, je ne comprend pas ce qu’il dit, je suivrai les autres, moi je flotte au-dessus. Ça discute autour de moi, absent les yeux ouvert j’écoute brailler le bruit continu de ma tête
début de la résolution ici :
À l’horizon le gris du ciel se confond sous la brume et l’océan se dévoile, une masse presque blanche étendue en miroir, quelques scintillements. Il y a là-bas des maisons toujours debout, les façades à peine érraflées, des voitures et les jardins autour. Je me dis que derrière le fracas de mon crane il y a le silence, une légère brise et le murmure de la mer; peut-être sommes nous là où le soleil se lévera toujours; je le vois, fragile, se lever au dessus de la mer. J’attrape une cigarette, le briquet du vieillard, son odeur de pétrole et la flamme s’échappe. Il y a là-bas un peu d’espoir je crois. Peut-être avons nous changé de territoire.
J’aperçois les formes aux fenêtres, des familles, des enfants qu’on rappelle à l’intérieur, les jardins vides. Les silouhettes nous ignorent, nous évitent aux coins des rues, changent de trotoires. Ils ont le regards durs, je connais ce regard qu’on pose sur ceux qu’on ne concidère plus. Loin de l’ordre et de la civilisation, depuis trop longtemps. Sauvage, presque, primitif. Ceux qui ne sont pas comme nous, qui ne l’ont de toute façon jamais été. Préserver le regard des enfants et des gens bien. Où sommes nous ? Je revois leurs vetements propres, leurs figures sans déchirures, c’est comme si la guerre n’avait pas érraflé leurs corps, n’avait pas arraché leur membres et quelques vie. Ils ne boitent pas, ils marchent, ils ne se pressent pas; il n’y a pas de cadavres sous les ruines car il n’y a pas de ruines.
Je voudrais leur parler mais rien ne sort, je n’ai plus les mots. Parfois je m’approche d’eux, ils s’éloignent
Nous érrons dans la ville peut-être depuis des jours, je me rappelle avoir dormi sur des cartons au fond des parc, d’avoir fuit au levé du jour l’arrivée des gardiens. Les nuits sont moins froides ici, tout proche de la mer, l’air est doux.
j’erre dans la ville la tête pleine de bruit, je titube le ventre vide
Nous ne sommes pas les bien venu ici. Je sais que les gens m’évitent, ils ont encore une vie que ma présence parasite. (ma vie et celle desautres) J’ai eu ce regard pour d’autre, je le connais bien. Le regard pour (les invisibles)ceux devenue nuisible, comme s’ils avaient pu être autre chose un jour. Pour ceux qui ne sont plus rien. (Ma présence et celle des autres.) Ils y en a plein d’autres des commes moi. Tous au fond des parcs, (installés) sous les ponts et les espaces vides, dans les parkings, dans des abris de fortunes bien solides, des toles et des planches, parfois de vrais portes. Ici les poubelles sont généreuses et regorgent de meubles et de nourritures, il y a de l’eau au fontaine et le matin je m’y rince le visage. quand personne ne me voit je me rince le corps, je vois les cicatrices sur les bras, les crevasses entre les côtes. J’ai du mal à remettre ces vetements souillés, si honteux. Je ne comprend pas mon corps, je ne connais plus ce visage.
À partir de quand tout s'efface et se delite ? à partir de quand plus rien ne s'imprime à l'intérieur, le passé illisible, les mots, les images noyées au fond de mon crâne débordant de bruit ? On pouvait pas imaginer ça. Il y eut comme un point de rupture où les gestes s’éffaces un à un, les noms, les visages, les jours et les secondes éparpillées. Ma mémoire est une ville en ruine. Quelle vie j’avais avant ? de quoi je revais ? une vie simple (comme la leur), des jours les uns après les autres, sans grandes distinctions. Une ville, la lumière blanche inonde les rues les matins d’été, les yeux clos les paupières rougoyantes. Il y eut comme un choc mais je ne me souviens de rien. Les nuits de canicules, la poussière dans les rues, l’asphalte brulant, les émeutes tard dans la nuit, les bombardements. J’en ai des images, encore. Je me souviens, les hommes doivent se battrent ici, les soldats terrés dans les décombres, les charniers et les porcs. Des visions brèves, sans substance. Il c’est passé quelque chose ici et j’ai déserté. Seul survivant de quoi, et pourquoi ? Je me souviens à peine des impacts sur les murs, des traces de sangs, des corps (r)affalés, immobiles. Il n’y avait plus personne, juste le silence. Et là j’oublie tout. Le passé, le présent, mon prénom, celui des autres. Et le bruit s’immisce peu à peu jusqu’à saturer mon crane. Il me semble que c’est ici que tout s’éfface quelque part.
Partout je ne comprend pas les mots et les lettres, les panneaux, les emballages, c’est comme une autres langues, un alphabet inexplicable.
Peu à peu notre groupe c’est délité, je suis à présent seul, je ne les ai pas suivi.
au bout d’un temps les hommes sont venu me chercher. Tous armés en uniformes noirs, la têtes invisibles sous les casques. Je n’ai pas résisté je les ai suivi. Engoncé avec d’autres dans des petits fourgons blanc.
des des tentes de toile blanche, tendue à perte de vue, grand comme une ville - érrissée de baricades et de barbelés - ici nous sommes des milliers - dans ce territoire anonyme. Et là j’ai vu ton nom, Anatolie, Anatolie, Anatolie, de Belles lettres bleues grande comme un homme, je les ai vu de loin, étendu à l’entrée du camp, imprimées sur toute les toiles sous lesquelles nous dormont tous)
Je sais que je t’ai trouvé Hannah. Il n’y a que ton nom dont je me souvienne, le reste n’est que du bruit. Ma tête n’est qu’un espace vide pleine de brouillard. Je me répète ton nom en boucle et le temps se délite. Je me dis que t’ai enfin retrouvé, tu es là quelque part. Anatolie, Anatolie, je vois les lettres bleues au dessus de moi quand je ferme les yeux. Et je me suis endormi, peut-être pendant des jours.
Au premier jour de reveil,
Au premier jour de reveil.
Tu étais là, tu m’as demandé qui j’étais.
(j’ai vu tes yeux noirs, j’ai entendu ta voix. J’ai pu comprendre les mots mais je n’ai pas su quoi répondre. Au premier jour de réveil. J’ai vu ton visage, j’essai de le graver à jamais. J’ai vu tes lèvres bouger, comment tu t’appelles ? Ton regard dans le mien, je n’ai pas su quoi répondre. Peut-être un jour ai-je eu un nom, un corps, une forme. Sans doute ai-je passé une ou deux centaines années de ma vie à errer, parfois à me perdre avant de te retrouver, Hannah, j’ai ton nom gravé dans le crane. Tu te souviens? Je ne sais pas depuis combien de temps je suis ici. Seuls me restent le langage et ses mots qui cognent au fond du crâne. Des repères et des marques sur les bras et les mains, j’ai du mal à m’éveiller comme après une vie de fatigue. La plupart du temps je ne sens plus rien. Plongé dans un vide. Peut-être le bruit aigu d’une lame qui traverse l'aube blanche, des aurores boréales. Et parfois j’émerge, le bruit m’en extirpe. Il s’immisce et confond mes pensées, je crois pouvoir alors répondre aux questions qui tournent dans ma tête, depuis combien de temps? Qui suis-je ? Le bruit m’emporte, je dérape et ne sais plus bien.
///////////////////
//////////////////
/////////////////
////////////////
///////////////
//////////////
/////////////
////////////
///////////
//////////
/////////
////////
///////
//////
/////
////
///
//
/
Ma main tremble, j’ai faim, j’ai soif, j’observe les autres, les poches sont vides. Combien de jours avons nous passé sous la tempête ? J’ai eu comme l’impression de perdre la vue, un noir complet. Où sommes nous ?
Faut un tournant, un impact, un split, ça vrille, un switch pour arriver à la fin, il flotte, presque au dessus de lui, il voit les autres et lui de là haut il marche sans être là
C'est parce qu'il switch qu'il fouille le cadavre de laslo
A partir du switch ya un bruit blanc dans sa tête c'est la tempête qui est rentré dans l'oreille
Nous avons quitté la ville nous marchons sur une autoroute, les silouhettes s’espacent sur les six voie, contourne quelques épaves accidentées. Derrière, la ville n’est qu’un amas de formes et de fumée noire. Devant nous je vois au loin la mer ou l’océan, je ne sais pas où nous sommes, une étendu grise et plate, avalée par la brume à l’horizon. Les autres ne semble pas étonnés, ce n’est pas une révélation pour eux mais j’ai comme l’espoir d’atteindre quelque chose. Je cherche Laslo je voudrais lui parler, lui demander si nous sommes enfin proche de toi, Hannah. Je prend de la hauteur je grimpe sur une rembarde, mon corp en déséquilibre je le vois à une dizaine de mètres derrière trainer solitaire au milieu des autres. Je m’approche, le vieillard ne me voit pas. Laslo où sommes nous ? je lui répète il ne répond pas, Laslo, où sommes nous ? Même ses yeux ne se pose pas sur moi, ma main sur son épaule pareil à une brise, il se concentre et se perd sur la braise qui rougeoit au bout de sa cigarette toute froissée. Lui aussi est devenu une ombre, il n’est plus rien, il est mort au fond.
je reconnais l’océan je revois ... etc souvenir d’enfance mais je ne sais plus qui je suis
///////////////////
//////////////////
/////////////////
////////////////
///////////////
//////////////
/////////////
////////////
///////////
//////////
/////////
////////
///////
//////
/////
////
///
//
/
Il y a quelques commerces pillés et je fouille les réserves, je ramasse les restes coincés derrière les meubles, une barre chocolatée, une conserve cabossée. Parfois je monte aux immeubles sombres et je trouve des appartements, immobile couvert de poussière, abandonné là dans l’urgence de la fuite, plus d’électricité, la pourriture et l’odeur horrible qui s’échappe du frigo. Des placards encore plein, des trésors, une cartouches de cigarettes entammées.
une forêt dense d’arbres noirs où j’entend le silence, les craquements des branches et le vent parfois, où je croise les vetements oubliés sous la neiges, des valises entières, éventrées là, renversées, des traces de pas peu à peu recouverte. Le froid me mord la peau des doigts aux jointures, la peau du visage, je ramène mes mains sous mes manches enfouis dans mes poches, quelques cigarettes écrasées, j’avance dans les pas des autres.
///////////////////
//////////////////
/////////////////
////////////////
///////////////
//////////////
/////////////
////////////
///////////
//////////
/////////
////////
///////
//////
/////
////
///
//
/
les images et les morts s’accumule dans mon crane
et les structures métaliques s’arrachent et jaillissent du béton.
les façades comme de la dentelle déchiquetée
les structures métaliques arrachées jaillissent du béton
les incendies qui n’en finisse plus de dévorer les matières
les immeubles qui s’écroulent et le fracas qui nous parvient parfois quand nous traversons les nuages de poussières
Un matin la neige recouvre les décombres et les corps,
éttouffe l’incendie
un paysage blanc, le ciel est gris, je tire la langue et j’attend les flocons, comme un gosse, une petite goutte froide, qui fond, au fond de ma gorge,
je marche dans une masse froide et boueuse, des traces de pas multipliées partout, les rainures des roues des chariots,
Je comprend qu’ils se sont débarassé de moi
Ils se débarassent de moi
dehors il n’y a plus personne
Se propager
S’étendre
Progresse
Se forme
Décomposition
La moisissure étalée au mur de béton
L’immeuble raisonne de l’intérieur comme un navire à la dérive, un vieux corps de géant ankylosé, parcouru de grincements des structures en métal, un déséquilibre, un léger balancement, j’entend le borborygme des canalisations terrées derrière les murs.
les joues creuses
fureur / frénésie
contournons la ville par sa périphérie,
banlieux, grands ensembles et tours de béton,
fouille à la recherche de reste dans des commerces déjà pilliés, à l’abandon - les enseignes tombées / arrachées - vitre éclatée etc
lisière de l’incendie
un homme alcoolisé, agité, joue avec sa carabine depuis le matin, il le voit au milieu de la foule
Conflit
l’homme s’approche et me menace, il me vise avec ma carabine,pose un doigt sur la détente et me regarde dans les yeux, le trou noir ducanon contre ma poitrine je lève les bras en l’air, l’homme me désignele batiment et je comprend qu’il m’ordonne d’y monter. LEs gens le regarde et laisse faire, ils ont peur peut-être et détourne les yeux, d’autres continu leurs routes. Je regarde Laslo fumer sa cigarette - il s’approche, me dit que le batiment est peut-être miné, ildit que c’est à toi d’y monter si tu veux rester avec nous.
Je le regarde je lui dis non, je m’en souviens, simplement non, je fais signe que non de la tête j’ai encore l’image du soldat qui aurait pu être moi, l’image de se corps arraché les os de la jambe disloqué dans les buissons, le sang séchée et la terre, son visage bouffé par les insecte, je revois tout ça comme un flash et je dis non. Je revois ce viellard cracher son glaviot noire à mes pieds, tu n’as pas vraiment le choix, tu ferais mieux de ne pas le contrarier
Souvenir écho
j’entend des aboiements provenant d’un des immeubles, une meute de chien érrants dans les couloirs
(quand ils traverseront la ville ils s’apercevra que c’est sa ville, celle qu’il a fui)
Il y aura la montée dans l’immeuble comme dans les souvenir - une foisenfermé dans l’appartement il voit la mer à la fenetre
Incendie
Désastre
Se propage
Braise
Brasier
La ville qui convulse sous les flammes
Un tremblement
fureur
Vacillant vaciller
Les décombres
Consumer
Jaillir
Briller
Chaleur qui nous parviens
Embrasement
Le vent emporte et ravive
Déflagration
Lumière
Incandescent
La ville dévorée par les flamme
Comme une éruption
Le village au loin comme un brasier, des sources de fumée noire se confondent dans le creu du ciel, les décombres s’embrasent encore, des fins d’incendies, des maisons écroulées, reste quelques charpentes calcinés - et je me souviens avoir penser que l’incendie pourra au moins me rechauffer
///////////////////
//////////////////
/////////////////
////////////////
///////////////
//////////////
/////////////
////////////
///////////
//////////
/////////
////////
///////
//////
/////
////
///
//
/
Mon corps s’abime et ma peau se crevasse, l’air froid creuse des fissures aux jointures rèche comme de l’écorce, des gerçures aux lèvres, un gout de sang parfois sur le bout de la langue, je me sens faiblir à demi-vivant tremblant contre la terre froide entre les arbres, à l’aube je sais que j’irai là où le soleil se lève. Je plante mes doigts dans la terre entre les feuilles mortes, je triture la matière, broyée décomposée, les particules organiques, les minéraux, les brisures logés entre les ongles noirs et fendus, entre les saillies de la main, je sens et j’attrape les fines racines élancées sous mon corps, je déterre et je suçote mes doigts imprégnés, humides, un gout de terre ça crisse entre les dents, sous la langue, des miettes coincées contre les gencives. Le bruit s’échappe comme un brouillard dans la nuit, un crachottement grisatre, un flot de parasite incessant.
une voix à travers les parasites
série inlassable de numéros
transmission
un buzz déchiré noyé dans la masse de la grisaille comme un épais brouillard
Vague
Paysage mouvant
Sifflement élastique
comme un spectre
Buzz
Suivi d’un
Prolongé
Parsemé de parasites
souffles
Interférences
Saccade
Anomalie
Reception
Mélodie frénétique ou les notes s’entremêlent
Une série de nombre répété, une phrase
Je rallonge l’antenne en direction du ciel, là haut
Une série de chiffre répété pendant quelque minutes
Je découvre les fréquences lentements - d’où ce revèlent quelques formes répétitives, des motifs géométriques éparses et grisatres, saillants dans un rythme rond et froid, rèche, apparaissent et s’échappent dans un soubressaut déformant le paysage de bruit blanc. Le battement plonge dans une arythmie et s’écroule sur lui même, mouvant en une forme plus incisif, perçante, une pointe brulante toute les demi-seconde. Plus j’écoute plus les formes saffinnent et s’amplifie, s’échappe dans la nuit, peut-être se répercute aux montagnes en face, se mélange à son propre écho. Des paysages se forment, des structures mouvantes et texturées presque architecturales, puis comme des vagues lentes et massive, un courant d’arrachement, un calme illusoire déchiré en profondeur, je sens mon corps emporté au loin à contre courant. Je me souviens de la voix, apparu en pleine nuit et j’attend, je décalle les fréquences lentements, je ferme les yeux et j’ai peur de m’endormir. Le temps passe et je sombre, assi affalé contre le mur en pierre, à terre le talkie-walkie crache et me berce, je me reveille et je change de fréquence. À cet instant je bute dans un creux, un son singulier émerge ici et me sort de ma torpeur, je rééouvre les yeux. Le son est plus net, plus déssiné, aigu comme un pique rougeoillant et saturée, répétés toute les secondes peut-être et je m’attarde ici, le bruit de fond s’aplani derrière, il n’y a plus de paysage et j’attend. Je tend le talkie-walkie vers le ciel mais rien ne change, là haut quelques nuages traverse la lueur de la lune, marquée de cratères comme de multiples petits reliefs noirs et circulaires. Il me semble appercevoir la voix lactée, blanche de ses milliards d’étoiles supperposées à des années lumières. Le son s’échappe dans ma main et se transforme, une seconde note puis ce qui me semble être une mélodie, et je me lève, d’abord sur mes genoux, faiblement, une répétition simple et enfantine, quelque chose d’humain, une présence est là quelque part et je ne parle pas, je ne bouge pas, le bras tendu vers le ciel, les muscles douloureux. La voix apparait. Une voix féminine, j’entend les mots, distincts, les syllabes déttachées déforme le bruit de fond
Anatolie à Stranger, est-ce que tu m’entend ?
(vide)
Stranger à Anatolie, je te reçois, la voix est libre, nous suivons la National 124. As-tu eu des nouvelles du front ?
(vide)
Négatif, toujours aucune nouvelle depuis trois semaines
(vide)
Des nouvelles des notres à la frontière ?
(vide)
Affirmatif, Eden et Vineau sont passé avec un groupe la nuit dernière, plus de nouvelle depuis, Don est en route, il est devant nous
(vide)
Reçu, on continu d’ouvrir la marche, on économise les batterie, on se recontacte demain, même heure
(vide)
Bien reçu, courage, à demain, terminé
/////// Talk to a stranger
(Un chemin comme celui-ci n’aura jamais que deux sens ou formera une boucle, et je décide de tourner à gauche, espérant croiser quelques signes de civilisation, un village, une maison, une simple cabane. J’avance et j’écarte les buissons d’un revers de crosse, porté par un espoir nouveau.)
J’avance, je démèle les ronces aggripées aux vêtements et les épines me griffent la peau. Il y a en contrebas des champs en friche où débordent des strates de fourrés mêlés aux cultures délaissées, des restes de forêt poussant librement parmi la végétation envahissante. À une centaine de mètres sous la brume se cache une ruine que je devine à peine, une forme couverte de vigne vierge rougissante. Il y a peut-être quelque chose à détérrer des décombres, des restes, des conserves oubliées, la faim me tiraille le ventre, je sens grogner mes intestints trop vide. Je dévale le talus de terre meuble encore humide, me rattrape aux racines déterrées, arrachées, je glisse et je tombe parmi les éboulements de roches dans le fossé au creux de la pente. Je me relève et ramasse mon fusil, réajuste le manteau couvert de boue. Je ne vois plus la bâtisse dissimulée par l’étendue des herbes hautes. Je m’enfonce à travers champ, je me fraye un chemin dans les fourrés humides, croisant ça et là quelques engins agricoles oubliés, des couleurs vives dévorées de rouille, des tas de métaux froissé, rouges, bleues aux formes brisées, dépassant tout juste sous la broussaille.
Il y a devant moi un espace décharné de végétation arrachée, brulées dans un déchirement de terre et de pierre éparpillées, un trou et un corps morcelé propulsé à travers la broussaille, peut-être un homme, un cadavre désarticulé, les os fendus les membres arrachés, une jambe désarticulé encore sous ses vetements déchirés. J’aperçois les os, la terre, le crane fendu, le corps dévoré. Je le sais l’homme a sauté sur une mîne, je savais que ça existait et qu’on y arraché aveuglement les corps. Le champ autour de moi devait être plombé de mines. Je n’osai plus faire un pas. Je lève un pied après l’autre et je les pose délicatement, j’observe la terre, je cherche la rouille et le métal enterré.
J’émerge, plongé jusqu’aux épaules, j’aperçois à nouveau la ruine. La batisse de pierres lourdes doit dater du siècle dernier, la toiture effondrée laisse s’échapper un large conifère à peine contenu, un arbre massif, envahissant l’espace entre les murs près à s'effondrer. Par la porte étouffée j’aperçois l’intérieur, saturé d’un amoncellement de bois de charpente pourrissant, imprégné de larves et d’humidité, couvert de végétation, de brisures de tuiles ocres épaepillés, de jeune arbustes poussant entre les décombres autour du large tronc. Derrière la maison, les champs sétirent et longent ce qui me semble être un tracé de bitume, une route de campagne couverte de végétation. Je me souviens d’avoir longé pendant des jours ces fissures envahies de chiendent, d’orties et de liserons, poussant entre les brèches, entre l’asphalte parsemé de trous, gorgés d’eau stagnante où vennaient s’abreuver les merles.
Je n’ai rien croisé pendant des jours, si ce n’est quelques bêtes dans les champs alentours, des cerfs et des biches apeurés.
des panneaux publicitaires aux affiches arrachées, les couches de papier blanchie délavées par la pluies, des carcasses de véhicules calcinées, parfois juste l’ossatures noires, gisant renversée au fond d’un fossé, peut-être bombardées, et quelques corps oubliés déjà délivrés à la terre, le visage indicible dont j’évitais les regards éteints, sous les restes de tissus, des couleurs vives perçant au milieu des couches de boue, couvert de poussière, des inscriptions sous la cendre, dispersées sur le bitume et les arbres brulées. Les panneaux indiquaient des villes aux lettres effacées dont je ne connaissais pas les noms.
La rumeur s’amplifiait, progressive, - Le village au loin comme un brasier, des sources de fumée noire se confondent dans le creu du ciel, les décombres s’embrasent encore, des fins d’incendies, des maisons écroulées, reste quelques charpentes calcinés - et je me souviens avoir penser que l’incendie pourra au moins me rechauffer
je buvais l’eau stagnante dans les creux de la route
les nuits se refroidissaient il me fallait trouver un nouvel abris, de quoi passer l’hiver
NOTES :
C’est un petit parallélépipède de plastique noir et de métal lourd couvert d’une peau protectrice en simili cuir marron, une antenne télescopique - national panasonic - le haut parleur rectangulaire percé de multiple trous alignés
(la famille a déjà utilisé toutes les piles pour avoir des nouvelles du front)
///j’ai parcourut les champs voisin à la recherche d’habitations. Je me revois, à une matinée de marche, peut-être vingt kilomètre, briser la fenêtre d’une maisonnette abandonnée.
Je voyais se dessiner les paysagesSe déployer les formesLes couleurs s'échapper, sayant de quelques masses grisâtre
Les lumièresSynonyme déployer, se développer, s'échapperAcouphène, bruit de fond syno12:32comme reveillé brusquement, coupé en plein rêve éveilléenvahir l'espace, l'air que je respire
révélé les fondements de notre humanité, de notre histoire,
il y avait parmi ses bruit une vérité insodable quelque part
une énigme sayantesaillante
une enigme une vérité révélé de base insondable
///////////////////
///////////////////
Et je m'enfoncer, de plus en plus profond dans la forêt, à l'abri de la chaleur intolérable des après-midi, je flanné à l'ombre des arbres, je passai des heures à écouter la forêt grouiller, exemple animauxJe rentrai la nuit, j'attendais le cerf et comme chaque nuit il revenaitJe me rappelle une nuit l'avoir suivi, une pluie d'étéJusqu'au petit matin4:32Me suis nourri de la terre et des arbres, racine de, écorce de
Je pu trouver une petite radio et quelques livres.
Après quelques jours, l’eau courante fut coupé, je t’irai l’eau d’un puit creusé au fond du champ, l’eau était térreuse, je la filtrait d’un linge pour boire et me laver. À cour de nourriture je me rapprochais de la lisière des bois,
Je l’ai attendu, et chaque nuit le cerf est venu. Il fut mon espoir,
Après quelques jours,L'eau courante avait été coupé,Je t'irai l'eau d'un puit,À cour de nourriture je m'approcher de la lisières des bois le livre à la main et je cherchai, nom de plante, nom de plantes voir le livre avec les deux sœursEt
Chaque nuit le cerf etc
Je laissé les deux entrée grand ouverte et chaque nuit le cerfParfois je retrouvai au matin quelques chats errants ayant trouvé refuge, une femelle avait mit bas sous le canapéUn renard ou quelque chats errants
Je ne chassait pas, je me refusait à verser le sang, je benissai chaque animal, chaque apparition, je tachai de me nourrir et mon corps petit à petit reprennai forme4:19Je me rappelle de mettre mi à écrire mes souvenirs sur les murs des couloirs, anonyme je souhaiterais laisser une trace, un témoignage de mon histoire, j'y ai laissé les noms de ces gens mort assassiné, leur vie que je n'ai pas connu, ici habité nom prénom, nom prénom, mort sous les balles de l'ennemi, et je les remerciait chacun comme s'il m'avait accueilli, hébergéJe pense qu'à cet instant cette maison m'aura sauvé la vieLes récolte cramé, partie en fumée impropre à la consommation, les récolte de blé partie en fumée, je récupère les quelques graines pour les broyer et les manger en farine
Et je m'enfoncer, de plus en plus profond dans la forêt, à l'abri de la chaleur intolérable des après-midi, je flanné à l'ombre des arbres, je passai des heures à écouter la forêt grouiller, exemple animauxJe rentrai la nuit, j'attendais le cerf et comme chaque nuit il revenaitJe me rappelle une nuit l'avoir suivi, une pluie d'étéJusqu'au petit matin4:32Me suis nourri de la terre et des arbres, racine de, écorce de4:42C'est la même maison U'au début vision à la fenêtreIl a une petite radio trouvée dans le maisonÉmet signal qui fini par s'éteindre5:04Je pense à ma famille, le coup de fil sont-ils mort ou vivants sont-ils encore à nom de villageLa solitude me pèse et je pense reprendre la route avant l'automneIdée de l'ennemi qui occupe la maison quand i'est rentr de la forêt
ce cerf en bas,
Cerf, bois, sabots
vision, apparition, élancé, massif,
Il griffe et frotte ses bois à un coin de porte de façon répétitive
Je me souviens de m’être réveillé en sueur, au milieu de la nuit, j’entend le hululement d’une chouette, il y a du bruit en bas, je ressens encore cette peur m’agripper le ventre vide, un bruit de métal qui racle au carrelage. J’attrape mon fusil et je marche, lentement sur le parquet qui craque, il à quelqu’un en bas, un vagabond, un déserteur, un soldat ennemi, là juste en dessous de moi. Il se déplace, semble fouiller la maison. Je me poste en haut de l’escalier, terrifié je ne bouge pas, j’observe, mon cœur s’affole et frappe dans ma cage thoracique, j’attend, la sueur me coule le long du dos, je sers mes mains sur le manche du fusil pour éviter de trembler. Et je me souviens, la vision de ce cerf traversant le salon, lentement,
reniflant des boîtes de conserve vides écrasées au sol de la cuisine. Il me sent peut-être mais ne me voit pas, j’attend, je l’observe sans un bruit, je vois la lueur de ses yeux parfois, j’entend sa respiration, ses bois rafler un mur quand il tourne la tête, je sens son odeur de bête au milieu des bouffées de morts et j’y vois comme un espoir, un instant suspendu au creux de la guerre, et je voudrai que tout s’arrête à ça, se fige à jamais.
je l’ai attendu, chaque nuit le cerf est venu,
je me souviens d’une pluie d’été (la nuit) être sorti, l’avoir suivi -
j’ai suivi loin des hommes les traces des renards et des biches, me suis perdu au coeur des forêts - nourri des écorces et des mousses
Je traverse les villages en ruine, je fouille les maisons vides, j’enjambe les cadavres des habitants, les femmes nues évicérées
je contourne et j’évite les villes / de nuit,
évicéré -champ lexical boucherie
dévorés par les soldats térrés au fond des ruines le soir venu.
Je reste fébrile un fusil au bras, engagé contrain à combattre, je tire sur les murs parfois, je ne vise pas,
Pilonner, destruction, incendie, les missiles s’écrasent, mitraillage, déluge de métal et de feu tombé du ciel, détonation, explosion, fracas, vacarme, explosion, projectile, décharge, munition, dégât, épargné
une arête, une prise, une brèche, une fissure, une crevasse,
un refuge, une étape
ouvrir l’ascension, grimper, avancer, progresser, traverser, franchir, chuter
Éclat, bûcher, broussaille, consumer, immoler, lueur, embrasé, calciné, cracher, chimère, crépitement, colère, incandescent,
Parois, falaise, verticale, hauteur, altitude
écorce, bois, résine, sève, insectes, lierre, racines,
une arête, une prise, une brèche, une fissure, une crevasse,
un refuge, une étape
ouvrir l’ascension, grimper, avancer, progresser, traverser, franchir, chuter
Épuisement, harassé, las, essoufflé, somnoler, accablé, abattu, exténué, engourdi, usure, étourdissement
courbature, sueur
Ressentir, sensation,
Vertige, palpitations
chamanisme bruler les corps éructer
(la voix d’Hannah - l’incendie se propage vraiment dans la grotte, Hannah reveille le narrateur ici, il faut fuir - coincé dans le fond de la grotte, les bêtes enflammées, il court dans le fond de la grotte, il y a une issu, une sorte d’escalier qui monte dans l’arbre - le brasierse nourri des base de l’arbre, se transmet au racine, l’arbre est attaqué par le bas, peut-être va-t’il s’écrouler un jour )
Asphalte brulant, frottement, suffoquer, suffocante, particules, émaner, frénésie, braise, fureur
Fournaise, bouffée, dilatation, insoutenable, étouffante,
Attendre l’orage
Cascade, avalanche, éboulement, désolation, écrasement, carnage, saccage, gouffre
Cendre,
Façade, habitation, fondation,
Déflagration, détonation, débris, effondrement, secousse, souffle, cratère, incendie,
au creux des gravas sous les décombres.
Je suis la roche et la forêt, un arbre couvert de lumière, le vent à travers mon feuillage, je sens déjà les branches me pousser dans la bouche, je prend racine et je m’élève.
l'ascension ici,
escalier intérieur de l’arbre
comme une tour géante
dehors contre la parois, ou dabord des “escliers à l’intérieur même de l’arbre ?)
Tout contre la parois de la racine centrale, des brèches sont creusées dans l’écorces, répétées régulièrement à hauteur d’hommme, formant un cheminement contournant les racines, usant des plus plattes/épaisse/horizontale/ comme de multiples étapes/paliers/ creusée,
ils se concertent pour atteindre l’endroit
Nous grimpons des racines démesurées, agrippés à d’autres plus modestes, enlacées les unes aux autres. les sacs trop lourds trop imposants
Parois, falaise, verticale, hauteur, altitude
écorce, bois, résine, sève, insectes, lierre, racines,
une arête, une prise, une brèche, une fissure, une crevasse,
un refuge, une étape
ouvrir l’ascension, grimper, avancer, progresser, traverser, franchir, chuter
Épuisement, harassé, las, essoufflé, somnoler, accablé, abattu, exténué, engourdi, usure, étourdissement
courbature, sueur
Ressentir, sensation,
Vertige, palpitations
voir les verbes d’action dans La Route
Se glisser, serpenter, s’immiscer, s’insinuer, se frayer un chemin, ramper, progresser, se faufiler / interstice
Gravir, grimper, escalader, se hisser, attraper, monter, remonter, se percher, l’ascension, franchir, atteindre, vertige, sommet
(en suspens telles des branchages inversées)
air/atmosphère/espace
//
Nous grimpons des racines démesurées, suspendu parfois, aggripés à d’autres plus modestes, des enlacées, emmelées les unes aux autres
traversée de structures racinaires et aléatoires, colonne horizontale ?
nous progressons pour rejoindre le coeur même, et
une catédrale souterraine /
Nous grimpons des racines démesurées
aggripés à d’autres plus modestes, enlacées, emmelées les unes aux autres
nous progressons pour rejoindre le coeur même,
Il y a là-bas à quelque mètres, au centre de tout, un tronc invercé s’enfonçant dans les profondeurs de la terre, peut-être à des milliers de mètre encore, large comme les fondements du plus vieil arbre du monde, un pivot d’où naissent, se propagent et se multiplient ces millions de racines -
entre lequelles nous nous faufilons.
nous sommes dans la partie immergée, au centre le la carte,
un espace déservant une centaine de galeries souterraines, certaine saturées de racines large comme la hauteur d’un homme.
--
nous sommes dans la partie immergée, sous l’arbre élancé encore loin au dessus de nous, point culminant surplombant sa propre forêt tel un dieu mythologique, interméniable, jusqu’à voir à son sommet les courbes de la terre ou les limites de la carte
Se glisser, serpenter, s’immiscer, s’insinuer, se frayer un chemin, ramper, progresser, se faufiler / interstice
Gravir, grimper, escalader, se hisser, attraper, monter, remonter, se percher, l’ascension, franchir, atteindre, vertige, sommet
Énorme, immense, colossal, démesuré, gigantesque, infini, incommensurable, monumental, interminable, vaste, imposant, formidable, sans fin -
Dans les profondeurs
ouverture, brèche, percée, déchirure, fissure dans la terre
d’où passe, tombe,
virevolte quelque flocon de neige - fondre
s’engouffre le souffle du vent,
s’agitent quelques éclat de lumière, éparses et framentés entre les racines
un passage
- il y a comme une racine vertical large comme le plus vieille arbre du monde, un tronc inversé s’enfonçant encore profondément dans la terre, un pivot d’où tout se propage et se multiplie, des milliers de racines larges / s’élancent sous nos pieds et suspendues autour de nous, des branches horizontales entre lesquelles nous nous grimper/faufilons pour rejoindre le coeur même de l’arbre, le coeur du colosse, élancé loin au dessus de nous, que j’imagine comme un dieu, point culminant de sa propre forêt ︎ je crois que nous sommes en dessous de l’arbre ︎ au centre de la carte
syno : largeur / titanesque /
nous arrivons / arrivés au bout du chemin,
au porte d’une vaste cavité circulaire criblée de milliers de racines élancées, suspendues telle des branchages inversés, entremélées les une autres, saturant l’espace où de brèves lueurs percent parfois et dévoilent une caverne encombrée, immergée sous ce qui semble être un arbre incommensurable.
//
Sorte de résolution possible :
Peu importe qui j’étais car maintenant je sais qui je suis. Je me souviens de la petite maison et des tuiles qui s’envolent, de la forêt dehors imprégnée de brouillard au matin. L'odeur de la pluie, la rumeur de l’océan qui me berçait la nuit. Je me souviens du séisme et des couloirs, des couloirs encore, gauche, gauche, droite. Ça m’appartient. J'ai traversé des villes engouffrées dans la terre, des villes où il n'y a plus de rues, des villes noires et grises aux ombres rampantes, de la peau des arbres, des feu et du brouillard, des branches brûlées, des ruines. Là est à présent mon histoire. Endormi dans des bâtiments dépecés, des carnassiers derrière la porte et l'océan immobile. Je me reconstruit et j'écrase, partout des débris et des traces, des cicatrices. L'écho des pensées, la solitude,
>
BROUILLON :
l’abdomen ouvert sur - tripes, organes, ventrailles, intestins, entrailles, encore chaude, fumante, vaporeuse dans l’air froid et humide, viscère, tranchée, panse, déchirée, bouillie
> Entamer le, lame, trancher, débiter, sectionner, taillader, dépeçage, boucherie, carcasse malléable, dépouille, va et vient, arracher, chair, séparer, découper, découpage, saignée, plaie, effusion, charogne, découpe, brule les extrémités pour cicatriser, enroule la peau sur elle comme un parchemin sanglant
il y a des plantes et des bêtes logées à l’intérieurs, un monde, un microcosme, une forêt (champ lexical) un affolement général, ça grouille et sa s’enfuis, ça rampe sur la terre à la recherche d’un autre abris, un coin chaud épargnée, ça fait un bruit / grouille/ bruisse / un monde végétal/feotal/ clos / maintenant à l’air suffoquant des souterrain - abrite ses tripes enchevétré comme des tunnels grouillant
- gorgé de - sanguinolent - les mains ensanglantés jusqu’aux -
ou alors on passe brièvement cette action - le parchemin étendu au sol - tenter de déchiffrer - un détail, ici pour de départ, nous sommes peut-être ici - il semble y avoir quelque chose là - mais comme il est aveugle il n’a pas pu le voir en y allant, seulement l’entendre, le sentir ?
peu importe qui j’étais car maintenant je sais qui je suis
BROUILLON :
sous la fine couche d’écorce arrachée, pelée, desquamé, sou les morceaux/ plaques de lychen gris,
un corps have, maigre, émacié, décharné, exhangue, osseux - trop grand peut-être pour les couloirs, qu’on immagine/devine courbé se faufilant,
à présent étendu comme un pantin désarticulé
aux membres long et maigres,
souillé, maculé, terreux, boueux, boue sèche collée aux plies, poussière, crasse, couche épaisse, encrassée,
Émaner, exhaler, odeur, relent, âcre, aigre, animal, fétide, indéfinissable, lourde, nauséeux, primitif, rance,
à la peau / une peau glabre, lisse, nue, imberbe, pale, blème, beuâtre, livide, terreuse?, cadavérique, transparente par endroit, anémié, sans mélanine, fine, réseau de veines bleutées visible sous la surface, les bouts des doigt bleutés sous les ongles terreux et fissurés
S’étendre, se déployer, se développer, recouvrir, évoluer, progresser, se prolonger, s’étirer
Système, élaboré, langage obscur, idéogramme, inscription, déchiffrer, indéchiffrable, illisible, lisible, signe, circulaire, centre, circonvolution, géométrique, cartographie
Gravé à même la peau, un système circulaire d’idéogrammes se déploie sur tout son corps, des séries d’annotations indéchiffrables, un langage aveugle évoluant aux reliefs des entailles encore visible,
tout semble gravé de sa propre main gauche et prenant
Prenant pour point de départ (la surface la plus évidente), surface intérieure de la cuisse droite /comme un épicentre d’où semble se déployer des milliers de révélations cryptiques sur tout son corps,
un épicente comme
une source, ébauche de, primordiale, un questionnement initiale, initiatrice, de révélation - débuts des recherches
autour de la source, du genoux gauche à l’entre-jambe - la peau est sillonnée de signes aux volumes blanchâtres cicatrisés, à peine visible, les entailles poussiéreuses semblent ici plus imprécise, plus vieille - irrégulière, profondément taillée à l’aveugle.
sous le nombril jusqu’à la base de la verge une inscription en particulier semble plusieurs fois tracé et retracé, comme une vérité à ne pas oublier - répété quatorze fois autour, quelque chose de fondamentale
Partant du bas ventre jusqu’au coup, une cartographie labyrinthique étirent son maillage, un réseau de couloirs plus ou moins dense et superposé parfois comme différents niveaux, ponctuée d’annotations brèves au niveau de l’abdomen et des hanches, d’indications maladroite superposées aux incisions plus anciennes, quelques indices entourés sur le thorax, des signes surlignés sur les épaules.
sur le bras et la main droite, jusqu’aux bout de la pulpe des doigts, comme sur les mollets et la voute plantaire des deux pieds/les pieds, les inscriptions sont de plus en plus précises, plus maitrisés, parfois brève ou s’étalant comme des paragraphes entiers, des notes plus inspirées, frénétiques, écrit dans l’urgence d’une révélation, avant qu’une mémoire défaillante ne l’emporte à tout jamais
alors que
Sur le bras gauche, les inscriptions sont moins précise, plus fraiche, récentes, comme tracées de la mauvaise main, uniquement par manque de place, quelques croutes granuleuse sont encore logées dans les brèches cicatricielles, la peau est rougies et gonflées, la guérison inachevée,le sang sec
Des annotations autonomes/indépendantes recouvrent la surface de son visage absents, plongent dans les trous vides des orbites percés à même la peau, dans la fente découpée de sa bouche, se prolongent sur son front jusqu’à l’arrière du crâne dépouillé.
Son dos est vide, seule les excédents de cicatrices sont visible et s’étirent sur les cotes et les creux des hanches
Il n’avait plus de place pour écrire quoi que se soit - il semble s’être arreté d’écrire / contraint par manque de place, à l’étroit dans sa propre envellope à deux doigt peut-être de découvrir une vérité fondamentale
n’avait-il pas de mémoire et d’archive comme nous autres ? craignait-il les murs friables et la boues trop instable pour y inscrire quoi que se soit ? s’était-il fait envelopper noyer par l’obscurité au point de ne pouvoir lire qu’un braille inventé, personnelle, improvisé ?
ou servait-il de bloc note, victime d’un fou amnésique/ à un fou /vivant des les méandres des sous terrains ?
l’ermite était censé maitriser la lumière
est-il notre érmite ou sa victime ? il semble s’être inscrit tout ça volontairement, oucontraint peut-être mais il se l’est inscrit lui même de la main gauche
l’index nu épargné de chaque main semblait servir servait a déchiffrer
il y a peut-être là des réponses
détail taille des notes comparaison fourmis, fourmillent, grouillent, pullulent
,
> scène : décors : le sous terrain dans la forêt prendre modèle sur la Croatie aéroport frontière, des carcasses d’avions de guerre enseveli sous la neige, l’écho sec répétitif, net, le craquement du givre sous les pieds, des galeries, des couloirs, d’où vient la lumière ?
----
D’abord là ils étaient dans les limbes, des souvenirs de catastrophe, recents commun à tous, ils en sortent pour : Suite : de porte en porte, voyage dans les souvenirs des autres.
> User’s archive N004 908 865 931/
> Deep sea state zero recording/
> File/ Retranscription number 0041.
>
>
> USER N004 908 865 931 - ERROR - WARNING
> if you are still aware, alert, in control of your decisions, be careful, you are now lost in the network's data. You are exploiting a security vulnerability n587930 ERROR - Do not panic. You are at (coordinates) Stay where you are and wait, an agent and on the way (distance axis) identify yourself / before neutralization
Translate processing .../
> UTILISATEUR N004 908 865 931 - ERREUR - ATTENTION
> si vous êtes toujours inconscient, alerté, maitre de vos décision, vous êtes à présent égaré dans les données du réseau. Vous exploitez une faille de sécurité n587930 ERROR - Ne paniquez pas. Vous êtes au (??????) vous n’êtes pas / Restez où vous êtes et patientez, un agent et en chemin (axe? / distance?) identifiez vous / avant toute neutralisation
>
> Si vous vous trouvez dans un contexte de danger restez dans l'ombre
>
> Nous vous recommandons de ne pas manipuler d'objets ou de substances dangereuses et de ne pas provoquer d'incendies
>
> La température est de - 04°, l'humidité est de 88%, le vent est de 3m/s
>
> Bienvenu, vous êtes au point sud-ouest du territoire de la lumière de la planète Terre, l'orbite de ses satellites est déviée de son plan de rotation autour du soleil, vous pouvez donc observer la rotation apparente d'un satellite dont nous définissons une position fictive, le centre de la terre est dans le plan horizontal.
>
> Ne paniquez pas.
>
> Vous êtes observé par quatre satellites, un seul d'entre eux sert de référence, le centre de ce système est fictif. L'axe de référence est défini par le centre de la lumière de votre corps. Ne paniquez pas. Cet axe est décalé de 23° par rapport à la position des satellites de référence.
>
> Vous êtes dans une bulle de gaz. Le diamètre de cette bulle est de l'ordre de la distance qui vous sépare des satellites de référence. Cette bulle est remplie d'une autre bulle de gaz, de l'air à l'état condensé. Cette bulle est délimitée à un rayon de l'ordre du diamètre de la terre.
>
> Restez immobile, ne pan/ (inaudible?) TRANSCIPTION ERROR/
Axes de recherche :
01. Lui rajouter un antagoniste, un objectif, des failles, une courbe narrative
02. réfléchir à incorporer un schéma narratif classique
MONOMYTHE DE CAMPBELL
(schéma narratif archétype, Le voyage du héro de Joseph Campbell - 1949)
1. Le héros dans son monde ordinaire : il s'agit d'une introduction qui fera mieux ressortir
le caractère extraordinaire des aventures qui suivront.
2. L'appel à l'aventure, qui se présente comme un problème ou un défi à relever.
3. Le héros est d'abord réticent, il a peur de l'inconnu.
4. Le héros est encouragé par un mentor, vieil homme sage ou autre. Quelquefois le mentor donnera aussi une arme magique, mais il n'accompagnera pas le héros qui doit affronter seul les épreuves.
5. Le héros passe le « seuil » de l'aventure, il entre dans un monde extraordinaire, il ne peut plus faire demi-tour.
6. Le héros subit des épreuves, rencontre des alliés et des ennemis.
7. Le héros atteint l'endroit le plus dangereux, souvent en profondeur, où l'objet de sa. quête est caché.
8. Le héros subit l'épreuve suprême, il affronte la mort.
9. Le héros s'empare de l'objet de sa quête : l'élixir.
10. Le chemin du retour, où parfois il s'agit encore d'échapper à la vengeance de ceux à qui l'objet a été volé.
11. Le héros revient du monde extraordinaire où il s'était aventuré, transformé par l'expérience.
12. Le retour dans le monde ordinaire et l'utilisation de l'objet de la quête pour améliorer le monde (donnant ainsi un sens à l'aventure).
Ou là :
1. Exposition (univers, personnages, ton, sujet)
2. Incident déclencheur (sortie de la zone de confort)
(Période d’hésitation)
Aventure, épreuves,
Aventure, épreuves etc. (noeuds dramatiques)
3. Point de non retour
4. Aventure, épreuves,
Aventure, épreuves etc. (noeuds dramatiques)
5. Climax, épreuve ultime
Résolution
Il doit se poser la question au début, comment j’en suis arrivé là ? qu’est-ce qui peu expliquer cet état ? en plus du qui suis-je ? l’histoire répond peu à peu à la première question pour la conclure, répond à la deuxième par “je ne me souviens de rien mais, je sais maintenant qui je suis
remplacer l’autre par le bruit
FAIBLESSES :
Il est amnésique, il a peur, il est lache puis il est épuisé et devient à moitier fou
BESOIN PSYCHOLOGIQUE :
Il a besoin de comprendre qui il est, de retrouver une identité
BESOIN MORAL :
ses besoin de révélations passeront avant celle des autres, quitte à fouiller leur corps, ou abandonner ses alliers ?
DÉSIR :
Il désir explorer ses souvenirs, mais le programme est obselete (voir problème)
PROBLÈME :
Il est aménisque ET le programme dans lequel il est plongé ne fonctionne pas, il est d’abords confut, puis absent, ensuite vicié et pour finir perver
ADVERSAIRE :
Le programme
(qui est censé être son allié au début), son environnement, ses créatures
PLAN DU HÉRO :
Explorer, avancer, trouver des indices, se cacher, pas trop longtemps, suivre les traces de pas, suivre Hannah, chercher l’ermite
CONFRONTATION FINALE :
RÉVÉLATION PERSONNELLE :
Il n’a plus besoin de savoir qui il était car il s’est construit une nouvelle identité, peut-être plus forte - (car il sait qu’il fait parti d’un tout infini)
NOUVEL ÉQUILIBRE :
Il se laisse perdre dans l’infini en question
FAIBLESSES :
Il est obselete, brisé, confu, mais obsessionnel
BESOIN PSYCHOLOGIQUE :
Il a besoin d’ordonner, purifier son contenu pour guérrir
BESOIN MORAL :
Anihiler les intrus, les anomalies
DÉSIR :
Il désir coller bout à bout de tas de souvenirs appartenant à plein de monde pour reconstruire ce qu’était l’humanité (patchwork anarchique - entropique)
PROBLÈME :
Des gens se ballade / se perdent dans les souvenirs des autres
ADVERSAIRE :
Les anomalies que son le narrateur, Hannah et l’ermite
PLAN DU HÉRO :
Convertir les anomalie en arbres, les faire poursuivre les autre anomalies et ainsi desuite pour les anihiler, faire le ménage en quelque sorte
CONFRONTATION FINALE :
RÉVÉLATION PERSONNELLE :
NOUVEL ÉQUILIBRE :
D
BESOI